Révélations de Sainte Hildegarde (+1180)

Née de parents nobles en 1098, à Bickelnheim, bourg d’Allemagne, au Comté de Spanheim. Elle fonda sous la règle de saint Benoit et les us de Cîteaux, le monastère du Mont-Saint-Rupert, près Binghen, au diocèse de Mayence. Elle en fut abbesse pendant quarante ans et y mourut le 17 septembre 1180, dans sa quatre-vingt-deuxième année. Sa sainteté resplendit par de nombreux miracles durant sa vie et après sa mort. Ses œuvres complètes parurent à Cologne, en 1566 de nos jours, elles furent rééditées par M. l’abbé Migne, sous ce titre : Opera omnia sanctoe Hildegardis abbatissoe. Elles forment un vol. in-4° L’extrait que nous donnons ici est tiré de son Liber divinorum operum simplicis hominis, n° 8,17, 20, 21, 24, 25, 26 et 27 analysés.

La création établie par Dieu pour l’utilité des hommes s’élève souvent contre eux ; ainsi ils sont envahis par l’eau et par le feu; les ouragans et les intempéries de l’air leur dérobent les fruits de la terre ; les plantes s’étiolent parce que l’air pur supérieur est vicié dans sa constitution primordiale, de sorte que l’été a souvent de la froidure et l’hiver une chaleur intempestive, puis tantôt une sécheresse si désolante, et tantôt une telle surabondance de pluie, que plusieurs croient à l’imminence de la fin du monde. Le soleil et la lune n’apparaissent que d’une manière irrégulière, leurs cours ne s’accomplissant plus comme primitivement dans l’ordre fixé par Dieu. Par suite de ces perturbations, on entend trembler la terre, comme si un énorme chariot courait à grande vitesse.
Dieu me découvre les événements sous l’emblème du lion; des guerres affreuses s’engageront plusieurs fois sans la crainte divine ; des multitudes périront par les armes, et un grand nombre de cités seront détruites.
De même que l’homme, par sa force, l’emporte sur le sexe délicat, de même aussi la cruauté de certains hommes de ce temps troublera la société. Alors Dieu permettra à ses ennemis de déployer toute leur rage tyrannique pour purger la terre de ses iniquités, comme d’ailleurs il l’a toujours fait depuis l’origine du monde.
Quand les hommes seront assez purifiés par les fléaux, quand ils seront fatigués de la guerre, quand la crainte de Dieu aura touché leur cœur, ils reviendront vers la justice et la pratique des lois de l’Église.
Alors les prévaricateurs tomberont totalement dans le mépris et dans l’opprobre ; et la justice avec la paix s’établiront par de sages décrets, si nouveaux, si surprenants que les hommes avoueront dans leur admiration n’avoir jamais rien vu, ni entendu de pareil.
Cette paix dont le monde jouira avant le second avènement du Fils de Dieu, figurée par celle qui précéda son premier avènement, sera beaucoup plus complète que celle-ci. Il est vrai que la crainte de l’approche du dernier jour tempèrera la joie des hommes ; mais celle-ci les excitera à puiser dans la foi catholique les grâces dont cette foi est la source.
Les Juifs alors se joindront aux chrétiens et reconnaîtront avec bonheur que le Messie dont ils niaient la venue est réellement Jésus-Christ.
A cette époque surgiront de grands Prophètes, des hommes remplis de l’Esprit de Dieu, et le germe de toute justice fleurira parmi les fils et les filles des hommes, ainsi qu’Isaïe l’a prédit, en disant: «En ce temps, le germe du Seigneur s’épanouira dans toute sa munificence et sa gloire; le fruit de la terre sera exalté ; et ceux des enfants d’Israël sauvés, seront transportés d’allégresse !»
Or, dans ces heureux jours, un air pur et suave, mêlé à de douces rosées, rendront à la terre sa fécondité, et elle produira des fruits en abondance; car les hommes réconciliés avec Dieu marcheront avec ardeur dans les voies de la justice, de même qu’au temps de la débilité de la femme la terre avait refusé d’ouvrir son sein, parce que les éléments troublés par une juste punition de Dieu, à cause des péchés des hommes, étaient alors privés des principes réparateurs émanant de la Toute-Puissante-Bonté.
Les chefs de tout le peuple règleront toutes choses selon les lois divines de la justice. Ils interdiront les armes destinées à répandre le sang humain, ne réservant que les instruments utiles à l’agriculture. Quiconque sera pris en contravention périra par son propre fer.
De son côté l’Esprit-Saint répandra sur les peuples les dons de prophétie, de sagesse et de sainteté avec tant d’abondance que ce sera comme un monde nouveau. De même que l’été est la saison des fleurs et des fruits, de même aussi ces heureux jours seront, par la puissance de Dieu, l’été véritable de l’Eglise, parce que toutes choses seront rentrées dans l’ordre et la vérité. Le clergé et les religieux, les vierges et les veuves fleuriront, ainsi que le reste de l’ordre social, et l’on vivra dans le mépris des grandeurs et des richesses superflues.
Alors les prophéties seront claires et leur vrai sens connu, les sciences seront agréables et fortes, et les fidèles s’y considèreront comme dans un miroir. Autant les saints anges s’éloignaient des hommes à cause de l’infection de leurs crimes, autant ils se rendront familiers avec eux en voyant leur nouvelle et sainte vie. Les justes, portant leurs regards vers la terre promise des Cieux, se réjouiront dans l’attente de l’éternelle récompense, tout en envisageant la proximité du jugement; aussi seront-ils semblables à des voyageurs dont la joie n’est complète que lorsqu’ils sont arrivés dans leur patrie. — Les Juifs et les hérétiques seront également dans une grande allégresse, et ils se diront : « Notre gloire approche, et ceux qui nous ont opprimés seront foulés et chassés à leur tour. » Mais bon nombre de païens, frappés de la gloire et des richesses des peuples chrétiens, solliciteront le baptême et prêcheront hautement la doctrine de Jésus-Christ, de concert avec ceux ci, comme il arriva au temps des Apôtres. Alors ils diront aux Juifs et aux hérétiques : « Ce que vous appelez votre gloire sera pour vous la mort éternelle, et celui que vous appelez votre chef sera à vos yeux, à cause surtout de sa fin lamentable, un objet d’horreur et d’épouvante ; c’est à cette époque que vous vous unirez à nous en voyant ce jour que nous a montré la race de l’Aurore, c’est-à-dire de la Bienheureuse Marie, l’étoile de la mer. »
Ainsi les jours de bonheur sus-annoncés seront des jours de force et de paix profonde, comparables à des soldats armés qui, couchés sur la pierre, tendent des embûches à leurs ennemis et les poursuivent jusqu’à la mort.
Ces jours affirmeront l’approche du dernier des jours, parce que tout ce que les Prophètes avaient prédit de biens et de grâces aura alors son entière et complète réalisation.
Mais cette ferveur des enfants de l’Église venant à s’affaiblir dans une paix profonde et dans la surabondance de tous les biens qu’ils s’attribueront au lieu de les rapporter à Dieu et de lui en renvoyer toute la gloire, du sein de la félicité et de la paix où ils vivaient sans crainte, ils se verront tout à coup assaillis, sans aucune trêve, par toute sorte de calamités et de malheurs si grands, que la vie leur sera à charge et la mort préférable ; car les nations païennes, voyant les chrétiens plongés dans la paix, enrichis de toute espèce de biens et pleins d’une confiance téméraire en leur propre force, se diront entre elles : L’heure est venue, portons nos armes chez les chrétiens ; envahissons-les, désarmés qu’ils sont et sans force, nous pouvons les prendre et les égorger comme des brebis. Et ces barbares appelleront des régions éloignées une nation aussi féroce qu’immonde, pour commettre avec elle toutes sortes de maux et d’horreurs. Ils envahiront, de tous côtés le peuple chrétien, qu’ils pilleront et massacreront horriblement. Plusieurs contrées seront dévastées et nombre de villes détruites. Ces jours de désolation et d’infamie annonceront l’approche des jours plus mauvais encore de l’Homme de péché.
Cependant, ramené à Dieu par tant de maux et ayant fait pénitence, le peuple chrétien tentera de résister par les armes à ces nations barbares, sans craindre la mort. Confiants en la protection de Dieu, comme des enfants fidèles, ils fondront sur leurs ennemis et en triompheront par sa puissance, car Dieu fera alors des prodiges comme il en faisait autrefois pour son peuple sous Moïse. Une partie de ces nations cruelles sera immolée par le glaive des chrétiens, et le reste chassé de leur pays. Alors une très-grande multitude de païens embrasseront la foi chrétienne, en s’écriant : « Le Dieu des chrétiens, qui fait par eux et pour eux de si grands prodiges, est le Dieu véritable. » De leur côté, les chrétiens vainqueurs diront : « Louons le Seigneur notre Dieu, il a véritablement fait éclater ses merveilles parmi nous qui avons triomphé en son nom. Notre force est sa louange et sa gloire, car par lui nous avons vaincu nos ennemis et les siens, parce que nous avons fermement cru et espéré en lui. » Et pour prévenir le retour des malheurs dont le bras du Seigneur les aura délivrés, ils rétabliront et fortifieront puissamment les villes et les places qui auront été détruites, afin de n’être plus brisés par de pareilles calamités.
Vers ce temps, les empereurs revêtus de la dignité romaine perdront la force et la vigueur avec laquelle ils avaient d’abord gouverné l’empire. Leur gloire ne sera plus que faiblesse, de sorte que, par la permission divine, leur autorité diminuera peu à peu et finira par s’éteindre dans leurs mains, à cause de leur vie tiède, servile et dissolue. Méprisables dans leurs mœurs, ils seront rejetés comme inutiles, ils voudront cependant être respectés et honorés des peuples, mais comme ils ne chercheront pas la prospérité ni le bonheur de leurs sujets, ils ne seront ni estimés, ni honorés comme ils le désirent.
Alors les rois et les princes des diverses nations soumises à l’empire romain s’en sépareront, n’en voulant plus supporter le joug. Chaque nationalité préférera s’élire un roi particulier pour ne dépendre que de lui, chacune affirmant que l’immense étendue de l’empire romain est plutôt pour elle une charge qu’une gloire.
Mais quand le sceptre impérial sera ainsi brisé, la tiare de l’honneur apostolique sera aussi déchirée. Les princes et les autres hommes, tant ecclésiastiques que laïques, enveloppés de froideur pour le Pontife romain, finiront par mépriser son autorité. Ils se créeront alors, dans les différentes contrées, d’autres maîtres et d’autres archevêques qui relèveront d’un autre chef. Et le Pape tombera tellement de la haute dignité dont il avait été investi, qu’il pourra à peine conserver sous sa puissance Rome et quelques lieux limitrophes. Or, toutes ces choses seront causées tant par les guerres que par le consentement unanime des pouvoirs ecclésiastiques et civils, exhortant chaque prince séculier à fortifier son royaume et à gouverner son peuple, et chaque archevêque et autres ayant autorité spirituelle, à conduire leurs ouailles clans la voie droite, de manière à n’avoir plus à craindre le retour des maux dont ils ont été frappés par la permission de Dieu.
Ensuite l’iniquité, s’étant affaiblie, se cachera, mais parfois elle essaiera de relever la tête. Néanmoins la justice ayant repris sa force pour quelque temps, les hommes retourneront aux saintes coutumes et à l’antique discipline de l’Eglise. Chaque roi et chaque prince, ainsi que chaque prélat, sera animé par l’exemple de ceux qui pratiqueront la justice et vivront honnêtement ; chaque nation aussi se réformera sur le modèle d’une autre nation progressant dans le bien et marchant dans la voie de la vérité. L’air redeviendra pur et serein, les fruits de la terre seront excellents, et les hommes jouiront d’une santé robuste et vigoureuse.
En ce temps-là surgiront beaucoup de Prophéties et de nombreux Sages. On connaîtra entièrement les secrets des Prophètes, ainsi que le sens caché des autres livres de la sainte Écriture. Les fils et les filles prophétiseront comme déjà il a été annoncé antérieurement. Ils parleront avec une véridicité si pure et si limpide, que les esprits aériens ne sauront les contrefaire : car ils seront favorisés du même esprit prophétique que les Apôtres et les anciens Prophètes.
Cependant on verra aussi des hérésies et mille turpitudes s’accumuler avec tant de maux divers, qu’on s’attendra à l’apparition toute prochaine de l’Antéchrist, car les hommes de ce temps avoueront n’avoir jamais vu autant de crimes et d’abominations, autant d’opposition contre la sainte Église. Ainsi, quand règne la justice, le mal la combat, et, elle, s’oppose aux progrès de l’iniquité : tel est l’état du monde, variant sans cesse.
C’est alors que les hommes, séduits de nouveau par les principes antichrétiens, fuiront la droiture et l’immuabilité de la foi catholique. Ils rejetteront le vrai Dieu pour s’abandonner au Fils de perdition, qui renversera toutes les saintes institutions et les lois de l’Eglise, en même temps qu’il accablera de maux les fidèles qui oseront lui résister.

Sainte Hildegarde, abbesse des Bénédictines de Rupertsberg, sur le Rhin, a été surnommée la prophétesse du Nouveau Testament. Voici une autre prophétie sur la fin des temps.

Mon Fils est venu au monde après les cinq premiers âges, et lorsque le monde était déjà presque vers son déclin.
Le fils de perdition, qui régnera très peu de temps, viendra dans les derniers jours.
Après avoir passé une jeunesse licencieuse au milieu d’hommes très pervers et dans un désert où elle aura été conduite un démon déguisé en ange de lumière, la mère du fils de perdition le concevra et l’enfantera.
Le fils de perdition est cette bête très méchante qui fera mourir ceux qui refuseront de croire en lui, qui s’associera les rois, les princes, les grands et les riches, qui méprisera l’humanité et n’estimera que l’orgueil, qui enfin subjuguera l’univers entier par des moyens diaboliques.
Il paraîtra agiter l’air, faire descendre le feu du ciel, produire des éclairs, le tonnerre et la grêle, renverser les montagnes, dessécher les fleuves, dépouiller la verdure des arbres des forêts et la leur rendre ensuite.
Il paraîtra aussi rendre les hommes malades, guérir les infirmes, chasser les démons et quelquefois ressusciter les morts faisant qu’un cadavre remue comme s’il était en vie. Cependant cette espèce de résurrection ne durera jamais au delà d’une petite heure pour que la gloire de Dieu n’en souffre pas.
Il gagnera beaucoup de peuples, en leur disant : « Vous pouvez faire tout ce qui vous plaira ; renoncez aux jeûnes, ils suffit que vous m’aimiez, moi qui suis votre Dieu. »
Il leur montera des trésors et des richesses, et il leur permettra de se livrer à toutes sortes de festins, comme ils le voudront. il les obligera à pratiquer la circoncision et plusieurs observances judaïques, et leur dira : « celui qui croira en moi recevra le pardon de ses péchés et vivra avec moi éternellement. »
Il rejettera le baptême et l’évangile et il tournera en dérision tous les préceptes que l’Eglise a donnés aux hommes de ma part.
Ensuite il dira à ses partisans : « Frappez-moi avec un glaive et placez mon corps dans un linceul sans tache jusqu’au jour de ma résurrection. » On croira réellement lui avoir donné la mort, et de son côté il fera semblant de ressusciter. Après quoi il commandera à ses serviteurs de l’adorer.
Quand à ceux qui, par amour pour mon nom, refuseront de rendre cette adoration sacrilège au fils de perdition, il les fera mourir au milieu des plus grands tourments.
Mais j’enverrai mes deux témoins, Hénoch et Elie, que j’ai réservés pour ce temps-là. Leur mission sera de combattre cet homme du mal et de ramener dans la voie de la vérité ceux qu’il aura séduits. Il auront la vertu d’opérer les miracles les plus éclatants dans tous les lieux où le fils de perdition aura répandu ses mauvaises doctrines.
Cependant je permettrai que ce méchant les fasse mourir, mais je leur donnerai dans le ciel la récompense de leurs travaux.
Quand le fils de perdition aura accompli tous ses desseins, il rassemblera ses croyants et leur dira qu’il veut monter au ciel. Au moment même de cette ascension, un coup de foudre le terrassera et le fera mourir.
D’un autre côté, la montagne où il sera établi pour opérer son ascension sera à l’instant couverte d’une nuée qui répandra une corruption insupportable et vraiment infernale. Ce qui, à la vue de son cadavre couvert de pourriture, ouvrira les yeux à un grand nombre de personnes et leur fera avouer leur misérable erreur.
Après la triste défaite du fils de perdition, l’épouse de mon Fils, qui est l’Eglise, brillera d’une gloire sans égale et les victimes de l’erreur s’empresseront de rentrer dans le bercail.
Quant à savoir quel jour après la chute de l’Antéchrist le monde devra finir, l’homme ne doit pas chercher à le connaître, il ne pourrait y parvenir. Le Père s’en est réservé le secret. O hommes, préparez-vous au jugement !

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