En temps normaux, l’Église exige une permission du pape, un mandat pontifical, pour sacrer un nouvel évêque.
Mais dans certaines circonstances de nécessité, des consécrations sans mandat peuvent être permises.
À cet égard, le Concile Vatican I a enseigné:
« Par conséquent, tout comme Il (le Christ) a envoyé les Apôtres, qu’Il s’était choisis pour lui-même hors du monde, comme Lui-même a été envoyé par le Père (Jean 20:21), de même aussi il a voulu que des bergers et des docteurs soient dans Son Église jusqu’à la consommation du monde » (Matthieu 28:20)
Afin de préserver la Foi Catholique, le sacerdoce saint et le Saint Sacrifice de la Messe, ces évêques ont pris des mesures appropriées pour assurer la promesse du Christ « qu’il y ait des bergers et des docteurs dans Son Église jusqu’à la consommation du monde. » Concile Vatican I (1870)
On trouve plusieurs exemples dans l’histoire de l’Église où des sacres sans mandat apostolique ont été reconnus postérieurement par l’Église.
Le premier remonte au IVème siècle et est relaté par le révérend père Henri Montrouzier dans la Revue des sciences ecclésiastiques,1872, 5ème article,Troisième Partie.II, p. 397 :
• « l’histoire rapporte, en le louant, l’exemple de saint Eusèbe, évêque de Samosate, qui, pendant la persécution arienne, parcourait les Églises pour les pourvoir de prêtres et de pasteurs fidèles (voir le paragraphe ci-dessous). Mais pour louer ce trait et d’autres du même genre, il n’est pas nécessaire de remonter à une prétendue concession qui n’exista jamais. Il suffit de dire qu’en vertu de la charité qui unit tous les membres de l’Église, les Évêques se doivent une mutuelle assistance, pour laquelle ils peuvent à bon droit présumer le consentement du Pontife romain, dans les cas de nécessité imprévue » car « Il nous paraît évident que les vicaires apostoliques dont les jours sont ainsi menacés, peuvent et doivent sacrer bien vite au moins un Évêque, afin de pouvoir efficacement à la conservation de la chrétienté. Mais de quel droit agiront-ils ? Serait-ce en vertu de la juridiction universelle conférée pour les cas extrêmes ? Non. Ils s’appuieront uniquement sur le consentement présumé du Pontife romain, dont en hommes sages ils interprètent les intentions. »
• (R. P. H. Montrouzier s.j., “Origine de la juridiction épiscopale”, dans “Revue des sciences ecclésiastiques”.1872, 5ème article.Troisième Partie.II, p. 397)
Cet épisode est également relaté par l’abbé Fleury, Prieur d’Argenteuil et Confesseur du Roi, dans HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE (avec approbation), Tome III, page 262, 1781, G. LE ROY (Imprimeur du Roi, à l’ancien Hôtel de la Monnaie) :
Saint Eusèbe de Samosate
“..étant revenu de son exil, établit aussi des évêques en divers lieux, soit par l’autorité que lui donnoit son âge, sa vertu, & ce qu’il ayoit souffert pour la foi, soit qu’on lui attribue les ordinations qu’il avoit procurées auprès de ceux qui en avoient le pouvoir. II établit donc à Berée Acace , homme dès-lors célèbre. II avoit excellé dans la vie monastique sous Astérinus disciple de S. Julien Sabas, & continua les mêmes pratiques de vertu pendant son épiscopat, qui dura cinquante-huit ans. Sa porte étoit toujours ouverte à tout le monde : en sorte qu’on pouvoit lui parler à toute heure , même pendant son repas, même la nuit ; car il permettoit d’interrompre son sommeil, tant il craignoit peu d’avoir des témoins de ses actions les plus secrettes. Saint Eusèbe mit aussi pour évêque à Hiérapolis Théodote illustre par sa vie ascétique : à Calcide Eusebe , à Cyr Isidore, tous deux d’un rare mérite & d’un grand zèle : à Edesse saint Euloge qui avoit été banni en Egypte ; car saint Barse étoit déja mort. Euloge fit (sacra) évêque Protogène compagnon de son exil & de ses travaux , & le mit à Carres pour y rétablir la religion. Le dernier lieu où saint Eusèbe de Samosate institua un évêque, fut à Dolique petite ville de Syrie infectée de l’Arianisme. II voulut donc y mettre pour évêgue Maris homme de mérite , & orné de grandes vertus. Mais comme il entroit lui-même dans la ville, une femme Arienne lui jeta du haut de son toît une tuile, dont elle lui cassa la tête , & il mourut peu de temps après. Mais auparavant il fit faire serment à ceux qui étoient présens, de ne point poursuivre la punition de cette femme. Telle fut la vie de saint Eusèbe de Samosate. L’église le compte entre les Martyrs, & honore sa mémoire le vingt-uniéme de Juin. Son successeur fut Antiochus son neveu , qui l’avoit suivi en Thrace pendant son exil, & qui avoit été lui-même relégué en Arménie.”
Le deuxième exemple remonte au XIIIème siècle :
Entre 1268 et 1271, lors de la vacance du Siège pontifical, des sacres épiscopaux, sans mandat romain explicite, ont eu lieu et ont été ensuite ratifiés lorsqu’un Pape, Grégoire X, a été élu :
“Le 29 Novembre 1268, le Pape Clément IV mourut, et commençât alors une des plus longues périodes d’interrègne ou de vacance du siège pontifical dans l’histoire de l’Église Catholique. Les cardinaux à ce moment-là devaient se réunir en conclave dans la ville de Viterbe, mais en raison des intrigues de Carlo d’Anglio, roi de Naples, la discorde éclata entre les membres du Sacré Collège et la perspective d’une élection devenait de plus en plus éloignée.
Après presque trois ans, le maire de Viterbe enferma les cardinaux dans un palais, leur permettant seulement le strict minimum pour survivre, jusqu’à ce qu’une décision soit prise qui donnerait à l’Église son chef visible. Enfin, le 1er septembre 1271, le Pape Grégoire X fut élu à la Chaire de Pierre.
Au cours de cette longue période de vacance du Siège apostolique, la vacance d’office se produisit également dans de nombreux diocèses dans le monde entier. Afin que les prêtres et les fidèles ne puissent pas être laissés sans bergers, des évêques furent élus et consacrés pour combler les sièges vacants. Ainsi furent accomplies au moins vingt-et-une élections et consécrations dans les différents pays. L’aspect le plus important de ce précédent historique, c’est que toutes ces consécrations d’évêques ont été ratifiées par le Pape Grégoire X, qui a, par conséquent, confirmé la légalité de telles consécrations.”
Source : extrait d’Il Nuovo Cattolico Osservatore par le Dr Stephano Filiberto, Docteur en Histoire ecclésiastique
Selon le document «Hierarchia Catholica Medii Aevi” du Père Conrad Eubel, OFM, MST, imprimé en 1913, les évêques ci-dessous ont été consacrés au cours de la période de la vacance mentionnée plus haut :
– Mgr Radulfus de Thieville :Diocèse d’Avranches, France. Consacré en novembre 1269
– Mgr Nicolaus Forteguerra : Diocèse de Aleria, Corse. Consacré en 1270
– Mgr Nicolaus Forteguerra : Diocèse de Antivari, Grèce. Consacré en 1270
– Mgr Erardus de Lesinnes : Diocèse d’Auxerre, France. Consacré en janvier 1271
– Mgr Erardus de Lesinnes : Diocèse d’Auxerre, France. Consacré en janvier 1271
– Mgr Potius de Sissey : Diocèse de Chalons sur Saorie, France. Consacré en 1269
– Mgr Jacobus : Diocèse de Cagli, Italie. Consacré le 8 septembre 1270
– Mgr Geoffridus d’Ass : Diocèse du Mans, en France. Consacré en 1270
– Mgr Taurs Petrus (Pepers) : Diocèse de Cefalu, Sicile. Consacré en 1269
– Mgr Borgognoni Théodoric, OP : Diocèse de Cervia, Italie. Consacré en 1270
– Mgr Johannes OP Magnesi : Diocèse de Civita Castellana, Italie. Consacré en 1270
– Mgr Philippus de Chaourse : Diocèse d’Evreux, France. Consacré en février 1270
– Mgr Ravaldinus : Diocèse de Forlimpopoli, Italie. Consacré en 1270
– Mgr Johannes de Rupe (Roche) : Diocèse de Lismore Waterford, en Irlande. Consacré en 1270
– Mgr Paganellus : Diocèse de Lucques, en Italie. Consacré en 1269
– Mgr Petrus de Gualis : Diocèse de Saint-Jean de Maurienne, France. Consacré en 1270
– Mgr Johannes de Garlande : Diocèse de Meaux, France. Consacré en 1269
– Mgr Laurientius von Leisteberg : Diocèse de Metz, en Allemagne. Consacré en 1269
– Mgr Raudulfus de Valpelline : Diocèse de Sion, Suisse. Consacrée en juin 1271
– Mgr Bertandus de Lisle Jourdain : Diocèse de Toulouse, France. Consacré le 20 octobre 1270
– Mgr Johannes de Nanteuil : Diocèse de Troyes, France. Consacré en juin 1269
– Mgr Petrus Urg : Diocèse de Abril, Espagne. Consacré le 3 novembre 1269
Ces faits démontrent incontestablement que les catholiques opposés aux sacres épiscopaux sans mandat romain à l’heure actuelle se trompent lourdement et que leurs affirmations comme quoi “un mandat apostolique est nécessaire d’institution divine“ ou que “les sacres sans mandat violent la constitution divine de l’Église” sont absolument erronées.
Mais à ces faits, l’objection est faite que “Pie XII a interdit les sacres sans mandat”
A cette objection, on peut répondre par les papes Grégoire IX et Boniface VIII
Le pape Grégoire IX a laissé onze règles (dans Nova Compilatio Decretalium (Nouvelle compilation des décrétales) et Boniface VIII quatre-vingt-huit pour la véritable interprétation de la loi (Les « Regulae Iuris » apparaissent à la fin du Liber Sextus (in VI°). Ces règles, selon le canon 20, peuvent fournir le défaut de la règle dans un cas particulier, comme dans le cas où nous nous trouvons actuellement. La quatrième règle de Grégoire IX stipule expressément : Propter necessitatem, illicitum efficitur licitum – “La nécessité rend licite ce qui est illicite.”
On peut aussi citer Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique IIa-IIae, Question 120, Article I:
« L’épikie ne se détourne pas purement et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la loi. Et elle ne s’oppose pas à la sévérité, car celle-ci suit fidèlement la loi quand il le faut ; suivre la lettre de la loi quand il ne le faut pas, c’est condamnable. Aussi est-il dit dans le Code “Il n’y a pas de doute qu’on pèche contre la loi si en s’attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur.” Juger de la loi, c’est dire qu’elle est mal faite. Dire que les termes de la loi n’obligent pas en telle ou telle circonstance, c’est juger non pas de la loi en elle-même, mais d’un cas déterminé qui se présente. L’interprétation a lieu dans les cas douteux, où il n’est pas permis, sans la décision de l’autorité, de s’écarter des termes de la loi. Dans les cas évidents, ce qu’il faut, ce n’est pas interpréter, mais agir. »
Reprenons ici également la réponse faite par Mgr Mark A. Pivarunas, CMRI, “Les Consécrations épiscopales pendant les interrègnes”, 24 septembre 1996 :
À ce stade, ceux qui s’opposent à la consécration des évêques Catholiques traditionnels de notre temps pourraient faire valoir que le précédent historique cité s’est produit il y a 700 ans et que le Pape Pie XII, en raison de consécrations illicites d’évêques dans l’Église schismatique nationale de Chine, a décrété que toute consécration d’un évêque effectuée sans mandat pontifical se traduirait par une peine d’excommunication ipso facto pour le consécrateur et le consacré.
Afin de répondre à cette objection, il est nécessaire de comprendre la nature du droit. C’est précisément en raison de l’absence d’une connaissance claire des principes de droit que beaucoup de Catholiques traditionnels tombent dans l’erreur. Saint Thomas d’Aquin définit le droit comme une ordonnance de la raison, faite pour le bien commun, promulguée par celui qui a le pouvoir dans une société. Notons « faite pour le bien commun. » Au temps du Pape Pie XII, aucun évêque ne pouvait légalement consacrer un autre évêque sans mandat pontifical, et ce fut pour le bien commun de l’Église. Toutefois, une loi peut, dans le cours du temps et par un changement radical de circonstances, cesser d’être pour le bien commun et en tant que telle, ne plus être obligatoire. Une loi peut devenir caduque de deux façons : la cessation extrinsèque (le législateur abroge la loi) et de la cessation intrinsèque (la loi cesse d’être une loi, car elle a cessé d’être pour le bien commun).
L’Archevêque Giovanni Amleto Cicognani, professeur de droit canonique à l’Institut Pontifical de Droit Canon et civil à Rome, a enseigné dans son commentaire :
« Une loi cesse intrinsèquement lorsque son objet n’est plus ; la loi cesse alors d’elle-même… la loi cesse extrinsèquement quand elle est révoquée par le Supérieur.
« Par rapport à la première manière : La fin (celle de son objet ou de sa cause) de la loi cesse de manière adéquate lorsque toutes ses fins cessent. Le but de la loi cesse au contraire quand une loi préjudiciable devient injuste ou impossible à respecter. »
Ainsi, à notre époque, le strict respect du décret du Pape Pie XII sur l’interdiction de la consécration des évêques sans mandat pontifical deviendrait nuisible au salut des âmes. Sans évêques, il n’y aurait finalement pas de prêtres, ni Messes, ni Sacrements.
Était-ce l’intention du législateur, le Pape Pie XII ? Aurait-il voulu que son décret soit strictement interprété comme devant entraîner la fin de la succession apostolique ? Bien sûr que non.
En ce qui concerne un autre aspect de la loi, Mgr Cicognani a expliqué une fois de plus, dans son Commentaire de Droit Canonique la nature de l’epikeia :
« Un législateur humain ne peut jamais prévoir tous les cas individuels auxquels sa loi sera appliquée. Par conséquent, une loi, prise littéralement, peut dans certaines circonstances imprévues, mener à des résultats qui ne s’accordent ni avec l’intention du législateur, ni avec la justice naturelle, mais plutôt les enfreignent. Dans de tels cas, la loi doit être interprétée non pas en fonction de son libellé, mais selon l’intention du législateur. »
Les auteurs suivants nous fournissent des définitions supplémentaires de l’ epikeia :
– Bouscaren et Ellis : Droit canonique, 1953:
« Une interprétation soustrayant une personne à la loi, contrairement au clair énoncé de la loi, et conformément à l’esprit du législateur. »
– Prummer : Théologie Morale, 1955 :
« Une favorable et juste interprétation non de la loi elle-même mais de l’esprit du législateur, qui est présumé ne pas être disposé à lier ses sujets dans des cas exceptionnels où le respect de sa loi causerait un dommage ou à imposer un fardeau trop sévère. »
– Besson : Encyclopédie Catholique, 1909 :
« Une interprétation favorable de l’objectif du législateur, ce qui suppose qu’il n’a pas l’intention d’inclure un cas particulier dans le cadre de sa loi. »
– Heribert Jone et Adelman : Théologie Morale, 1951 :
« La prise raisonnable pour acquis que le législateur ne souhaite pas obliger, dans certains cas particulièrement difficiles, même si le cas est évidemment couvert par le libellé de la loi. »
Une dernière considération dans cette affaire du décret du Pape Pie XII se trouve dans le mot loi (en latin, jus). Il est dérivé des mots latins justitia (la justice) et justum (juste), qui signifient que toutes les lois sont faites pour être bonnes, justes et équitables. C’est la caractéristique même du droit. Et de toutes les lois, la loi suprême est le salut des âmes, « Salus animarum, lex suprema. »
Le Pape Pie XII déclarait dans son discours aux séminaristes de Rome, le 24 juin 1939 :
« Le Droit Canon est également dirigé vers le salut des âmes, et le but de tous ses règlements et lois est que les hommes vivent et meurent dans la sainteté qui leur est donnée par la grâce de Dieu. »
Afin de survivre spirituellement aujourd’hui, nous avons besoin des grâces du Saint Sacrifice de la Messe et des Sacrements. Mais pour les avoir, nous avons besoin de prêtres, et afin d’avoir des prêtres, nous devons avoir des évêques.
Rendons grâce à Dieu Tout-Puissant, qui, dans sa Providence, a prévu les besoins spirituels de ses ouailles et a fourni les docteurs et les bergers pour poursuivre la mission de l’Église « d’enseigner toutes les nations et de faire tout ce qu’Il a ordonné. »
Il est nécessaire ici aussi de réfuter l’idée selon laquelle “il n’y a plus d’évêques dans l’Église”
En effet, quel qu’abbé B. sédévacantiste en France enseigne qu’il n’y a plus d’évêques dans l’Église. “Car ceux qui sont dans la secte conciliaire n’ont pas reçu de sacre valide et les évêques sédévacantistes n’ont pas été sacrés par un évêque qui avait le mandat d’un pape”.
Réponse : S’il n’y avait plus d’évêques dans l’Église, l’Église serait mortellement endommagée et elle serait condamnée à mort car il lui manquerait plusieurs éléments qui appartiennent à son essence-même : sacrements (confirmations, ordinations, sacres, bénédictions pontificales) et le magistère enseignant.
Mais ceci est absolument impossible et même blasphématoire de le penser, car serait contradictoire au dogme de l’indéfectibilité de l’Église, qui repose à son tour sur la promesse de Notre Seigneur Jésus-Christ que “Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle (l’Église)”.
Objection insistée :
Et dire que “c’est possible qu’il n’y a plus d’évêques, car c’est la fin des temps” est encore erroné, car il y a plusieurs prophéties de l’Écriture sainte qui n’ont pas encore été réalisées : la venue de l’antechist, la conversion de la multitude des juifs avant la fin des temps, (Épître aux Romains 11:26), la démarche des deux témoins (Henoch et Elie) etc.. Donc ce n’est pas encore la fin des temps. Et l’Église existera indéfectible (sans défauts) jusqu’à la fin des temps.
Fausse solution :
Cet abbé B. a fait appel finalement à un évêque très âgé et sacré avec le mandat d’un vrai pape… mais qui est conciliaire, hérétique et schismatique. Ce n’est pas une solution mais condamné par l’Église comme étant le péché de “communicatio in sacris” (assister à la liturgie avec des hérétiques ou schismatiques).
Donc nous avons toujours des évêques !
Deo gratias.
L’histoire de l’Eglise :
Saint Eusèbe de Samosate
« ..étant revenu de son exil, établit aussi des évêques en divers lieux, soit par l’autorité que lui donnoit son âge, sa vertu, & ce qu’il ayoit souffert pour la foi, soit qu’on lui attribue les ordinations qu’il avoit procurées auprès de ceux qui en avoient le pouvoir. II établit donc à Berée Acace , homme dès-lors célèbre. II avoit excellé dans la vie monastique sous Astérinus disciple de S. Julien Sabas, & continua les mêmes pratiques de vertu pendant son épiscopat, qui dura cinquante-huit ans. Sa porte étoit toujours ouverte à tout le monde : en sorte qu’on pouvoit lui parler à toute heure , même pendant son repas, même la nuit ; car il permettoit d’interrompre son sommeil, tant il craignoit peu d’avoir des témoins de ses actions les plus secrettes. Saint Eusèbe mit aussi pour évêque à Hiérapolis Théodote illustre par sa vie ascétique : à Calcide Eusebe , à Cyr Isidore, tous deux d’un rare mérite & d’un grand zèle : à Edesse saint Euloge qui avoit été banni en Egypte ; car saint Barse étoit déja mort. Euloge fit (sacra) évêque Protogène compagnon de son exil & de ses travaux , & le mit à Carres pour y rétablir la religion. Le dernier lieu où saint Eusèbe de Samosate institua un évêque, fut à Dolique petite ville de Syrie infectée de l’Arianisme. II voulut donc y mettre pour évêgue Maris homme de mérite , & orné de grandes vertus. Mais comme il entroit lui-même dans la ville, une femme Arienne lui jeta du haut de son toît une tuile, dont elle lui cassa la tête , & il mourut peu de temps après. Mais auparavant il fit faire serment à ceux qui étoient présens, de ne point poursuivre la punition de cette femme. Telle fut la vie de saint Eusèbe de Samosate. L’église le compte entre les Martyrs, & honore sa mémoire le vingt-uniéme de Juin. Son successeur fut Antiochus son neveu , qui l’avoit suivi en Thrace pendant son exil, & qui avoit été lui-même relégué en Arménie. »
Source : Abbé Fleury (Prieur d’Argenteuil et Confesseur du Roi), HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE (avec approbation), Tome III, page 262, 1781, G. LE ROY (Imprimeur du Roi, à l’ancien Hôtel de la Monnaie)
Entre 1268 et 1271
Entre 1268 et 1271, lors de la vacance du Siège pontifical, des sacres épiscopaux, sans mandat romain explicite, ont eu lieu et ont été ensuite ratifiés lorsqu’un Pape, Grégoire X, a été élu :
« Le 29 Novembre 1268, le Pape Clément IV mourut, et commençât alors une des plus longues périodes d’interrègne ou de vacance du siège pontifical dans l’histoire de l’Église Catholique. Les cardinaux à ce moment-là devaient se réunir en conclave dans la ville de Viterbe, mais en raison des intrigues de Carlo d’Anglio, roi de Naples, la discorde éclata entre les membres du Sacré Collège et la perspective d’une élection devenait de plus en plus éloignée.
Après presque trois ans, le maire de Viterbe enferma les cardinaux dans un palais, leur permettant seulement le strict minimum pour survivre, jusqu’à ce qu’une décision soit prise qui donnerait à l’Eglise son chef visible. Enfin, le 1er septembre 1271, le Pape Grégoire X fut élu à la Chaire de Pierre.
Au cours de cette longue période de vacance du Siège apostolique, la vacance d’office se produisit également dans de nombreux diocèses dans le monde entier. Afin que les prêtres et les fidèles ne puissent pas être laissés sans bergers, des évêques furent élus et consacrés pour combler les sièges vacants. Ainsi furent accomplies au moins vingt-et-une élections et consécrations dans les différents pays. L’aspect le plus important de ce précédent historique, c’est que toutes ces consécrations d’évêques ont été ratifiées par le Pape Grégoire X, qui a, par conséquent, confirmé la légalité de telles consécrations. »
(Source : extrait d’Il Nuovo Cattolico Osservatore par le Dr Stephano Filiberto, Docteur en Histoire ecclésiastique)
Selon le document «Hierarchia Catholica Medii Aevi » du Père Conrad Eubel, OFM, MST, imprimé en 1913, les évêques ci-dessous ont été consacrés au cours de la période de la vacance mentionnée plus haut :
– Mgr Radulfus de Thieville :Diocèse d’Avranches, France. Consacré en novembre 1269
– Mgr Nicolaus Forteguerra : Diocèse de Aleria, Corse. Consacré en 1270
– Mgr Nicolaus Forteguerra : Diocèse de Antivari, Grèce. Consacré en 1270
– Mgr Erardus de Lesinnes : Diocèse d’Auxerre, France. Consacré en janvier 1271
– Mgr Erardus de Lesinnes : Diocèse d’Auxerre, France. Consacré en janvier 1271
– Mgr Potius de Sissey : Diocèse de Chalons sur Saorie, France. Consacré en 1269
– Mgr Jacobus : Diocèse de Cagli, Italie. Consacré le 8 septembre 1270
– Mgr Geoffridus d’Ass : Diocèse du Mans, en France. Consacré en 1270
– Mgr Taurs Petrus (Pepers) : Diocèse de Cefalu, Sicile. Consacré en 1269
– Mgr Borgognoni Théodoric, OP : Diocèse de Cervia, Italie. Consacré en 1270
– Mgr Johannes OP Magnesi : Diocèse de Civita Castellana, Italie. Consacré en 1270
– Mgr Philippus de Chaourse : Diocèse d’Evreux, France. Consacré en février 1270
– Mgr Ravaldinus : Diocèse de Forlimpopoli, Italie. Consacré en 1270
– Mgr Johannes de Rupe (Roche) : Diocèse de Lismore Waterford, en Irlande. Consacré en 1270
– Mgr Paganellus : Diocèse de Lucques, en Italie. Consacré en 1269
– Mgr Petrus de Gualis : Diocèse de Saint-Jean de Maurienne, France. Consacré en 1270
– Mgr Johannes de Garlande : Diocèse de Meaux, France. Consacré en 1269
– Mgr Laurientius von Leisteberg : Diocèse de Metz, en Allemagne. Consacré en 1269
– Mgr Raudulfus de Valpelline : Diocèse de Sion, Suisse. Consacrée en juin 1271
– Mgr Bertandus de Lisle Jourdain : Diocèse de Toulouse, France. Consacré le 20 octobre 1270
– Mgr Johannes de Nanteuil : Diocèse de Troyes, France. Consacré en juin 1269
– Mgr Petrus Urg : Diocèse de Abril, Espagne. Consacré le 3 novembre 1269
Ces faits démontrent incontestablement que les catholiques opposés aux sacres épiscopaux sans mandat romain à l’heure actuelle se trompent lourdement et que leurs affirmations comme quoi « un mandat apostolique est nécessaire d’institution divine« ou que « les sacres sans mandat violent la constitution divine de l’Eglise » sont absolument erronées.
Objection : « Pie XII a interdit les sacres sans mandat »
Réponse par Mgr Mark A. Pivarunas, CMRI, « Les Consécrations épiscopales pendant les interrègnes », 24 septembre 1996 :
À ce stade, ceux qui s’opposent à la consécration des évêques Catholiques traditionnels de notre temps pourraient faire valoir que le précédent historique cité s’est produit il y a 700 ans et que le Pape Pie XII, en raison de consécrations illicites d’évêques dans l’Eglise schismatique national de Chine, a décrété que toute consécration d’un évêque effectuée sans mandat pontifical se traduirait par une peine d’excommunication ipso facto pour le consécrateur et le consacré.
Afin de répondre à cette objection, il est nécessaire de comprendre la nature du droit. C’est précisément en raison de l’absence d’une connaissance claire des principes de droit que beaucoup de Catholiques traditionnels tombent dans l’erreur. Saint Thomas d’Aquin définit le droit comme une ordonnance de la raison, faite pour le bien commun, promulguée par celui qui a le pouvoir dans une société. Notons « faite pour le bien commun. » Au temps du Pape Pie XII, aucun évêque ne pouvait légalement consacrer un autre évêque sans mandat pontifical, et ce fut pour le bien commun de l’Eglise. Toutefois, une loi peut, dans le cours du temps et par un changement radical de circonstances, cesser d’être pour le bien commun et en tant que telle, ne plus être obligatoire. Une loi peut devenir caduque de deux façons : la cessation extrinsèque (le législateur abroge la loi) et de la cessation intrinsèque (la loi cesse d’être une loi, car elle a cessé d’être pour le bien commun).
L’Archevêque Giovanni Amleto Cicognani, professeur de droit canonique à l’Institut Pontifical de Droit Canon et civil à Rome, a enseigné dans son commentaire :
« Une loi cesse intrinsèquement lorsque son objet n’est plus ; la loi cesse alors d’elle-même… la loi cesse extrinsèquement quand elle est révoquée par le Supérieur.
« Par rapport à la première manière : La fin (celle de son objet ou de sa cause) de la loi cesse de manière adéquate lorsque toutes ses fins cessent. Le but de la loi cesse au contraire quand une loi préjudiciable devient injuste ou impossible à respecter. »
Ainsi, à notre époque, le strict respect du décret du Pape Pie XII sur l’interdiction de la consécration des évêques sans mandat pontifical deviendrait nuisible au salut des âmes. Sans évêques, il n’y aurait finalement pas de prêtres, ni Messes, ni Sacrements.
Était-ce l’intention du législateur, le Pape Pie XII ? Aurait-il voulu que son décret soit strictement interprété comme devant entraîner la fin de la succession apostolique ? Bien sûr que non.
En ce qui concerne un autre aspect de la loi, Mgr Cicognani a expliqué une fois de plus, dans son Commentaire de Droit Canonique la nature de l’epikeia :
« Un législateur humain ne peut jamais prévoir tous les cas individuels auxquels sa loi sera appliquée. Par conséquent, une loi, prise littéralement, peut dans certaines circonstances imprévues, mener à des résultats qui ne s’accordent ni avec l’intention du législateur, ni avec la justice naturelle, mais plutôt les enfreignent. Dans de tels cas, la loi doit être interprétée non pas en fonction de son libellé, mais selon l’intention du législateur. »
Les auteurs suivants nous fournissent des définitions supplémentaires pour cet aspect du droit – epikeia :
Bouscaren et Ellis : Droit canonique, 1953:
« Une interprétation soustrayant une personne à la loi, contrairement au clair énoncé de la loi, et conformément à l’esprit du législateur. »
Prummer : Théologie Morale, 1955 :
« Un favorable et juste interprétation non de la loi elle-même mais de l’esprit du législateur, qui est présumé ne pas être disposé à lier ses sujets dans des cas exceptionnels où le respect de sa loi causerait un dommage ou à imposer un fardeau trop sévère. »
Besson : Encyclopédie Catholique, 1909 :
« Une interprétation favorable de l’objectif du législateur, ce qui suppose qu’il n’a pas l’intention d’inclure un cas particulier dans le cadre de sa loi. »
Jone et Adelman : Théologie Morale, 1951 :
« La prise raisonnable pour acquis que le législateur ne souhaite pas obliger, dans certains cas particulièrement difficiles, même si le cas est évidemment couvert par le libellé de la loi. »
Une dernière considération dans cette affaire du décret du Pape Pie XII se trouve dans le mot loi (en latin, jus). Il est dérivé des mots latins justitia (la justice) et justum (juste), qui signifient que toutes les lois sont faites pour être bonnes, justes et équitables. C’est la caractéristique même du droit. Et de toutes les lois, la loi suprême est le salut des âmes, « Salus animarum, lex suprema. »
Le Pape Pie XII déclarait dans son discours aux séminaristes de Rome, le 24 juin 1939 :
« Le Droit Canon est également dirigé vers le salut des âmes, et le but de tous ses règlements et lois est que les hommes vivent et meurent dans la sainteté qui leur est donnée par la grâce de Dieu. »
Afin de survivre spirituellement aujourd’hui, nous avons besoin des grâces du Saint Sacrifice de la Messe et des Sacrements. Mais pour les avoir, nous avons besoin de prêtres, et afin d’avoir des prêtres, nous devons avoir des évêques.
Rendons grâce à Dieu Tout-Puissant, qui, dans sa Providence, a prévu les besoins spirituels de ses ouailles et a fourni les docteurs et les bergers pour poursuivre la mission de l’Eglise « d’enseigner toutes les nations et de faire tout ce qu’Il a ordonné. »
Objection : « il n’y a plus d’Evêques dans l’Eglise »
Quelqu’Abbé B. sedevacantiste en France enseigne qu’il n’y a plus d’évêques dans l’Eglise. « Car les ceux qui sont dans la secte conciliaire n’ont pas reçu de sacre valide et les évêques sedevacantistes n’ont pas été sacrés par un évêque qui avait le mandat d’un pape ».
Réponse : S’il n’y avait plus d’évêques dans l’Eglise, l’Eglise serait mortellement endommagée et elle serait condamnée à mort car il lui manquerait plusieurs éléments qui appartienent à son essence-même : sacrements (confirmations, ordinations, sacres, bénédictions pontificales) et le magistère enseignant.
Mais ceci est absolument impossible et même blasphématoire de le penser, car serait contradictiore au dogme de l’indéféctibilité de l’Eglise, qui repose à son tour sur la promesse de Notre Seigneur Jésus-Christ que « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle (l’Eglise) ».
Objection insistée :
Et dire que « c’est possible qu’il n’y a plus d’évêques, car c’est la fin des temps » est encore erroné, car il y a plusieurs prophéties de l’Ecriture sainte qui n’ont pas encore été réalisées : la venue de l’antechist, la conversion de la multitude des juifs avant la fin des temps, (Epître aux Romains 11:26), la démarche des deux témoins (Henoch et Elie) etc.. Donc ce n’est pas encore la fin des temps. Et l’Eglise existera indéfectible (sans défauts) jusqu’à la fin des temps.
Fausse solution :
Cet abbé B. a fait appèl finalement à un évêque très agé et sacré avec le mandat d’un vrai pape… mais qui est postconciliaire, hérétique et schismatique. Ce n’est pas une solution mais condamné par l’Eglise comme étant le péché de « communication in sacris » (assister à la liturgie avex des hérétiques ou schismatiques).
Donc nous avons toujours des évêques avec juridiction (de suppléance mais réelle) !
Deo gratias.