(Laugna 24 août 1613 – Bingen 20 mai 1658) est un prêtre catholique allemand auteur de prophéties (cf. DTC XI, 1376).
« Cependant la paix ne sera pas encore définitivement rétablie, car de tous côtés les peuples conspireront pour la république et ainsi l’on verra de terribles calamités partout. L’Eglise et ses ministres seront rendus tributaires. Les princes seront renversés, les monarques mis à mort et leurs sujets livrés à l’anarchie.
Alors le Tout-Puissant interviendra par un coup admirable que personne ne pourrait imaginer. Et ce puissant monarque, qui viendra de la part de Dieu, mettra les républiques à néant, subjuguera tous ses ennemis, renversera l’empire des Français. Il régnera de l’Orient à l’Occident. Plein de zèle pour la vraie Eglise du Christ, il unira ses efforts à ceux du futur Pontife pour la conversion des infidèles et des hérétiques. Sous un tel pontife que Dieu prédestine au monde, il faudra bien que le royaume de France et les autres monarchies s’accordent enfin, après les guerres sanglantes qui les auront désolées et que, sous la direction de ce grand Pape, ils se prêtent à la conversion des infidèles ; et ainsi toutes les nations viendront adorer le Seigneur, leur Dieu.
Il brisera l’empire turc et n’en laissera subsister qu’un très petit état sans puissance et sans force jusqu’au règne de l’Antéchrist.
Par un juste jugement de Dieu, la Palestine et la Terre Sainte formeront cet empire du Turc et jamais ces pays ne rentreront dans le bercail de Jésus-Christ, parce que c’est là que doit naître et commencer à régner le fils de perdition, lequel sera reconnu par tous les Juifs pour leur véritable Messie.
C’est à cette époque que le Sauveur fait allusion quand il dit, en Saint Jean, chapitre V : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez point reçu ; mais si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. »
INTERPRÉTATION DE L’APOCALYPSE par le Vénérable Barthélemi HOLZHAUSER.
Voici le texte d’Holzhauser correspondant à notre époque.
Du cinquième âge de l’Église militante, appelé âge d’affliction, commençant depuis Léon X et Charles-Quint, jusqu’au Pontife saint et au Monarque puissant.
Chap. III Vers. 1-6 de l’Apocalypse
VERS. 1. – Écris à l’ange de l’Église de Sardes : Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles : Je connais tes oeuvres.
I. Le cinquième âge de l’Eglise commença sous l’empereur Charles-Quint et le pape Léon X, vers l’an 1520. Il durera jusqu’au Pontife saint et au Monarque puissant qui viendra dans notre âge et sera appelé le secours de Dieu c’est-à-dire rétablissant toutes choses. Le cinquième âge est un âge d’affliction, de désolation, d’humiliation et de pauvreté pour l’Église, et il peut être appelé avec raison un âge purgatif (purgativus). Car c’est dans cet âge que Jésus-Christ a épuré et épurera son froment par des guerres cruelles, par des séditions, par la famine et la peste, et par d’autres calamités horribles, en affligeant et en appauvrissant l’Eglise latine par beaucoup d’hérésies, et aussi par les mauvais chrétiens qui lui enlèveront un grand nombre d’évêchés, des monastères presque innombrables, de très riches prévôtés, etc., etc. L’Eglise se verra accablée et appauvrie par les impositions et les exactions des princes catholiques, de telle sorte que c’est avec raison que nous pouvons gémir maintenant, et dire avec le prophète Jérémie, dans son livre des Lamentations I, 1. «La reine des cités est tributaire». Car l’Eglise est humiliée et avilie, parce qu’elle est blasphémée par les hérétiques et par les mauvais chrétiens, ses ministres sont méprisés et il n’y a plus pour eux ni honneur, ni respect.
C’est par là que Dieu épurera son froment et en jettera la paille au feu, tandis qu’il rassemblera le bon grain pour le mettre dans son grenier. Enfin, ce cinquième âge de l’Eglise est un âge d’affliction, un âge d’extermination, un âge de défection rempli de calamités. Car il restera peu de chrétiens sur la terre qui auront été épargnés par le fer, la famine ou la peste. Les royaumes combattront contre les royaumes, et tous les états seront désolés par les dissensions intestines. Les principautés et les monarchies seront bouleversées ; il y aura un appauvrissement presque général et une très grande désolation dans le monde. Ces malheurs sont déjà en partie accomplis, et ils s’accompliront encore. Dieu les permettra par un très juste jugement, à cause de la mesure comble de nos péchés que nous et nos pères auront commis dans le temps de Sa libéralité à nous attendre à la pénitence. L’Eglise de Sardes est un type de ce cinquième âge. Car le mot Sardes signifie principe de beauté, c’est-à-dire principe de la perfection qui suivra dans le sixième âge. En effet, les tribulations, l’appauvrissement et les autres adversités sont le commencement et la cause de la conversion des hommes, comme la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Or, nous craignons Dieu et nous ouvrons les yeux, lorsque les eaux et les flots des tribulations nous assaillent. Au contraire, pendant que nous sommes dans la félicité, chacun sous son figuier, dans sa vigne, à l’ombre des honneurs, dans les richesses et le repos, nous oublions Dieu notre créateur, et nous péchons en toute sécurité. Voilà pourquoi la divine providence a ordonné avec sagesse que Son Église, qu’Il veut conserver jusqu’à la consommation des siècles, fût toujours arrosée par les eaux des tribulations, à l’instar du jardinier qui arrose ses plantes dans le temps de la sécheresse. A cet âge se rapporte aussi le cinquième esprit du Seigneur, qui est l’esprit de conseil. Car il se sert de cet esprit pour conjurer les calamités, ou pour empêcher de plus grands maux.
Il s’en sert aussi pour conserver le bien ou pour procurer de plus grands biens encore. Or, la divine sagesse communiqua l’esprit de conseil à son Église, principalement dans le cinquième âge :
1° En l’affligeant, pour qu’elle ne se corrompît pas entièrement par les richesses, les voluptés et les honneurs, et pour l’empêcher de périr.
2° En interposant le Concile de Trente comme une lumière dans les ténèbres, afin que les chrétiens qui la verraient sussent ce qu’ils devaient croire dans la confusion de tant de sectes que l’hérésiarque Luther répandit dans le monde. Sans ce Concile de Trente, un beaucoup plus grand nombre de chrétiens auraient abandonné la foi catholique, tant était grande alors la divergence des opinions. C’était à peine si les hommes savaient ce qu’ils devaient croire.
3° En opposant diamétralement à cet hérésiarque et à la masse des impies de cette époque saint Ignace et sa société qui par leur zèle, leur sainteté et leur doctrine, empêchèrent que la foi catholique ne s’éteignit tout-à-fait en Europe.
4° Par son sage conseil, Dieu fit aussi que la foi catholique et que l’Eglise, qui avaient été bannies de la majeure partie de l’Europe, fussent transportées dans les Indes, la Chine, le Japon, et dans d’autres contrées éloignées où elle fleurit maintenant, et où le saint nom du Seigneur est connu et glorifié, etc.
Ce cinquième âge est aussi figuré par la cinquième époque du monde, qui dura depuis la mort de Salomon jusqu’à la captivité de Babylone inclusivement. En effet :
a. de même qu’à cette cinquième époque du monde Israël tomba dans l’idolâtrie par le conseil de Jéroboam, et qu’il ne resta que Juda et Benjamin dans le culte du vrai Dieu ; ainsi, dans le cinquième âge, une très grande partie de l’Eglise latine abandonna la vraie foi et tomba dans les hérésies, ne laissant en Europe qu’un petit nombre de bons catholiques.
b. Comme à cause de sa conduite la synagogue et toute la nation juive fut affligée par les gentils et fut souvent livrée à la rapine ; de même aussi maintenant, les chrétiens, l’empire romain et les autres royaumes, de quelles calamités ne sont-ils pas affligés ? Est-ce que l’Angleterre, la Bohème, la Hongrie, la Pologne, la France et les autres États de l’Europe ne nous servent pas de témoins, et n’ont pas à déplorer leur maux par des larmes amères, et même par des larmes de sang ?
c. De même qu’Assur vint de Babylone avec les Chaldéens pour s’emparer de Jérusalem, détruire son temple, incendier la ville, dépouiller le sanctuaire et conduire en captivité le peuple de Dieu, etc. ; ainsi, dans ce cinquième âge, n’avons-nous pas à craindre que les Turcs fassent sous peu irruption, et qu’ils ourdissent des plans sinistres contre l’Eglise latine ; et cela à cause de la mesure comble de nos crimes et de nos abominations les plus grandes ?
d. Comme à la cinquième époque le royaume d’Israël et le royaume de Juda furent considérablement affaiblis et s’affaiblirent toujours de plus en plus, jusqu’à ce qu’enfin, d’abord le royaume d’Israël, puis ensuite celui de Juda fussent entièrement détruits, de même aussi, dans ce cinquième âge, nous voyons que l’empire romain fut divisé, et il est tellement agité maintenant, que nous devons craindre qu’il périsse comme l’empire d’Orient périt l’an 1452. Enfin, à ce cinquième âge se rapporte aussi le cinquième jour de la création du monde, lorsque Dieu dit que les eaux produisissent toutes sortes de poissons et de reptiles, et qu’il créa les oiseaux du ciel. Or, ces deux sortes d’animaux figurent la plus grande liberté ; car qu’y a-t-il de plus libre que le poisson dans l’eau, et que l’oiseau dans l’air ? Ainsi trouvons-nous métaphoriquement dans ce cinquième âge la terre et l’eau pleines de reptiles et d’oiseaux. Car ils abondent, les hommes charnels qui, ayant abusé de la liberté de conscience et ne se contentant pas des concessions qui leur ont été accordées naguère dans le traité de paix, rampent et volent après les objets de leur volupté et de leur concupiscence. Chacun croit et fait ce qu’il veut. C’est à eux que se rapportent les paroles de l’apôtre saint Jude, v. 10, dans son Épître catholique, lorsqu’il dit : «Ceux-ci blasphèment tout ce qu’ils ignorent, et ils se corrompent en tout ce qu’ils connaissent naturellement, comme les bêtes irraisonnables… Le désordre règne dans leurs festins ; ils mangent sans retenue, ils ne songent qu’à se nourrir eux-mêmes, véritables nuées sans eau que le vent emporte ça et là, arbres d’automne, arbres stériles deux fois morts et déracinés, vagues furieuses de la mer répandant leur confusion comme l’écume ; astres errants, auxquels un tourbillon de tempêtes est réservé pour l’éternité… Murmurateurs inquiets, marchant selon leurs désirs, et dont la bouche profère l’orgueil ; admirateurs des personnes selon le profit qu’ils en espèrent…
Hommes qui se séparent eux-mêmes, hommes sensuels n’ayant point l’esprit de Dieu». Or, c’est ainsi que, dans ce misérable âge de l’Eglise, on se relâche sur les préceptes divins et humains et que la discipline est énervée1 ; les saints Canons sont comptés pour rien, et les lois de l’Eglise ne sont pas mieux observées par le clergé que les lois civiles parmi le peuple. De là nous sommes comme des reptiles sur la terre et dans la mer, et comme des oiseaux dans l’air : chacun est entraîné à croire et à faire ce qu’il veut, selon l’instinct de la chair.
II. D’où il suit : Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles. Ces sept esprits de Dieu sont les sept dons du Saint-Esprit, que Jésus- Christ envoya par tout le monde, et qu’Il révéla aux nations dans la vérité de la foi. Les sept étoiles désignent l’universalité des évêques et des docteurs, comme il est démontré plus haut. Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles ; c’est-à-dire, que Jésus, Fils de Dieu à qui toute puissance a été donnée dans le ciel et sur la terre, a en son pouvoir les sept esprits de la vérité de la foi, et les sept étoiles ; les prélats et les docteurs, qu’il peut nous enlever et transporter aux nations lointaines à cause de nos grands crimes, et à cause de la dureté de nos coeurs et de notre incrédulité. C’est ce qu’Il fit, lorsqu’Il permit que la lumière de la foi abandonnât la plus grande partie de l’Europe, pour être transportée aux extrémités des Indes, qui étaient plongées dans les ténèbres du paganisme. Il éclaira ces nations par le ministère de saint François Xavier et d’autres docteurs.
Si nous ne faisons pas pénitence au plus tôt, en conformant notre vie à celle de Jésus-Christ, il est à craindre que cette lumière de la foi nous soit tout-à-fait enlevée.
Par ces paroles, le Christ veut donc exciter Son Église par une crainte salutaire, parce que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Et comme Dieu ne peut pas nous envoyer un plus grand fléau que celui d’aveugler Son peuple, en lui enlevant le don de la vraie foi par le moyen des faux docteurs, qu’Il suscite à la place des vrais, et cela en punition de nos abominations et de nos coeurs impénitents, voilà pourquoi, touchés par une sainte crainte et couverts du sac et de la cendre, nous devons venir nous prosterner humblement aux pieds de Jésus-Christ, et lui dire avec le Roi-Prophète, Ps., L, 13 : «Ne me rejetez pas de devant Votre face et ne retirez pas de moi Votre esprit. Rendez-moi la joie qui naît de Votre salut, et affermissez-moi en me donnant un esprit de force, etc.»
Je connais tes oeuvres. Par ces paroles Il reproche les oeuvres de ce cinquième âge. Je connais, c’est-à-dire tes oeuvres mauvaises ne Me sont pas cachées, tes oeuvres pleines d’imperfections, tes oeuvres fausses et hypocrites, qui ont le dehors de la piété, et qui n’ont pas la vérité de la charité. Tes oeuvres c’est à dire, ta pompe, ta splendeur et ta sainteté extérieure. Je connais tes oeuvres : je n’ignore pas, Moi qui suis le scrutateur des coeurs, qu’en général tes oeuvres apparaissent bonnes extérieurement, mais, qu’à l’intérieur, elles sont mauvaises et donnent la mort. C’est pour cela qu’Il dit et qu’Il ajoute : Tu as le nom de vivant, mais tu es mort. Or nous pouvons avoir le nom de vivre spirituellement en Jésus-Christ, principe de vie, en trois manières :
1° par la foi en Jésus-Christ, et c’est de là que nous portons le nom de Chrétiens ;
2° par les oeuvres de justice et de charité en Jésus-Christ, de la vie duquel vit quiconque n’est pas en état de péché mortel, et se trouve dans la grâce de Dieu;
3° par l’observance des conseils évangéliques, par les ordres sacrés de l’épiscopat, du sacerdoce, etc.; par les voeux que l’on fait en se dévouant spécialement à la vie religieuse, en abandonnant les pompes, les richesses et les plaisirs du siècle, et en se consacrant à Dieu seul et à son Christ.
Or, Jésus-Christ reproche surtout au cinquième âge d’être entaché du vice particulier de s’attribuer faussement le nom de vivre en Lui, tandis qu’on vit tout autrement. Ceci se prouve par induction :
1° Tous les hérétiques qui, dans le cinquième âge, sont à peu près aussi nombreux que les sauterelles sur la terres se glorifient du nom du Christ ; ils disent être de vrais chrétiens et vivre en Jésus-Christ, et cependant tous sont morts et mourront éternellement, s’ils ne font pénitence et s’ils ne rentrent en eux-mêmes. Ils n’ont Dieu et son Fils Jésus que sur les lèvres, tandis qu’ils ont le démon dans le coeur et le monde sur les bras.
2° Combien de milliers de chrétiens refroidis dans ce siècle de calamité, qui, ne considérant que l’heureux succès obtenu en toutes choses par les hérétiques, et observant malignement les moeurs des ecclésiastiques et leur manière d’être, conservent à la vérité le nom de catholiques, à cause d’une certaine crainte et du respect humain, mais qui sont morts intérieurement dans l’athéisme et l’indifférentisme, dans le calvinisme et le pseudopoliticisme et dans leur haine contre les prêtres ? Ils ont le nom de vivants, parce qu’ils feignent la piété ; ils font semblant d’avoir de la religion, ils se donnent comme des gens consciencieux en communiquant avec les catholiques et confessant d’appartenir à la vraie foi, en présence des princes et des grands. Et même ils se laissent employer dans les oeuvres pies et les favorisent ; ils voient les religieux et les fréquentent, ils font ostentation de zèle dans leurs paroles, par leurs conseils, et même par un certain zèle extérieur pour la construction des monastères et des collèges, par exemple ; mais ils font tout cela pour avoir le nom d’êtres vivants, et pour se mettre en faveur auprès des hommes et des grands. Ils cherchent à gagner la confiance du monde par cette apparence de piété et de religion, pour pouvoir ensuite réussir avec plus de facilité dans leurs trames et dans leurs projets obscurs.
3° Si nous examinons en détail le petit nombre des catholiques, leur justice nous apparaîtra aussi dégoûtante qu’un linge sale; car la plupart ne s’adonnent qu’aux voluptés, et sont morts dans le péché. Ils ne servent qu’à l’oeil ; ils se glorifient dans les choses extérieures, et ils paraissent ignorer qu’on ne reçoit pas la brebis sans laine; car leur charité chrétienne s’est refroidie, et ils ne recherchent que leurs aises et leur avantage personnel. On ne trouve ordinairement ni justice, ni équité dans les tribunaux; mais bien l’acception des personnes et des présents, ce qui fait que les procès sont interminables. L’humilité est presque inconnue dans ce siècle, et elle a dû céder sa place au faste et à la vaine gloire, qu’on excuse par les convenances et le rang. On tourne en ridicule la simplicité chrétienne, qu’on traite de folie et de bêtise , tandis qu’on regarde comme sagesse le savoir élevé, et le talent d’obscurcir par des questions insensées et par des arguments compliqués tous les axiomes de droit, les préceptes de morale, les saints canons et les dogmes de la religion ; de telle sorte qu’il n’y a plus aucun principe si saint, si authentique, si ancien et si certain qu’il puisse être, qui soit exempt de censures, de critiques, d’interprétations, de modifications, de délimitations et de questions de la part des hommes, etc. On fréquente à la vérité les églises, mais on n’y montre pas de respect en présence du Dieu tout-puissant, on y rit, on y parle, on y regarde çà et là, on y plaisante, on s’y provoque par des regards, etc. On orne son corps de beaux habits, tandis que l’âme est tachée par les souillures du vice. La parole de Dieu est négligée, méprisée, tournée en ridicule. On n’a plus d’estime pour la sainte Écriture; c’est Machiavel, Bodin et tous leurs semblables qu’on estime seuls et qu’on apprécie. On ne cultive que l’esprit, et non le coeur dans l’éducation des enfants, qu’on rend désobéissants, dissolus, beaux-parleurs, babillards et irréligieux. Les parents les aiment d’un amour désordonné, dissimulant leurs défauts, et ne les corrigeant pas, et ne faisant pas observer la discipline domestique. On devrait faire de l’enfant un fils simple, bon, aimant la vérité, un vrai chrétien droit et juste ; mais on a beaucoup plus soin qu’il devienne un politique ou un savant. Ce ne sera que lorsqu’il parlera plusieurs langues et qu’on l’aura formé aux moeurs étrangères, qu’on l’envisagera comme un jeune homme de bonne espérance et un citoyen accompli. On exigera de plus qu’il sache feindre, dissimuler, parler et sentir d’une manière nouvelle, se faire à tout et imiter tout, comme un histrion. Enfin il ne devra chercher ses plaisirs que dans les nouveautés, etc. Or, c’est ainsi que ce siècle fait consister sa justice et sa vie dans la fausseté, dans la pompe extérieure, dans la mode et les applaudissements des hommes, tandis qu’il néglige la justice vraie et intérieure, qui seule peut plaire à Dieu.
4° Je ne dirai rien des ecclésiastiques et des religieux, combien ils sont misérables ; car beaucoup d’entre eux ont le nom de vivants, et ils sont morts, etc,. Ce détail doit suffire pour prouver que c’est avec raison que Jésus-Christ adresse des reproches à ce cinquième âge de l’Eglise, en lui disant : Tu as le nom de vivant, mais tu es mort. Oh! Qu’il y a peu d’hommes dans ce siècle qui soient vraiment vivants, en servant le Seigneur leur Dieu et en étant les amis de Son Christ ! Le sens de ces paroles est donc : Tu as le nom de vivant, mais tu es mort dans la fausse doctrine ; tu es mort dans l’athéisme et le pseudopoliticisme ; tu es mort dans l’hypocrisie et la justice simulée ; tu es mort dans tes péchés occultes, dans le secret de tes abominations ; tu es mort dans les voluptés et les délices ; tu es mort dans l’effronterie, la jalousie et l’orgueil ; tu es mort dans les péchés de la chair, dans l’ignorance des mystères et des choses nécessaires au salut ; tu es mort enfin dans l’irréligion et le mépris de la parole de Dieu ; car toute charité, qui est la seule et véritable vie en Jésus-Christ, s’est refroidie en toi.
III. VERS. 2. – Sois vigilant, et confirme tous ceux qui étaient près de mourir.
Par ces paroles Il exhorte les pontifes, les prélats et les docteurs à la vigilance et à la sollicitude pastorale, qui doivent être d’autant plus grandes, que les temps sont plus mauvais et plus difficiles, et qu’il s’est glissé dans le monde beaucoup de loups parmi les brebis : par cela même, celles-ci sont plus exposées à la corruption, à la rapacité et au danger de périr, si elles ne trouvent pas un appui solide dans la vigilance et la sollicitude des prélats. C’est donc à dessein qu’il dit : Sois vigilant à prier Dieu pour ceux qui te sont confiés, et pour les faibles dans la foi ; sois vigilant dans l’amour pour les pécheurs. Or, le fondement de la vraie vigilance, et de la sollicitude pastorale, consiste à prier fréquemment, humblement et dévotement pour ses ouailles : pour les bonnes, afin qu’elles se conservent ; pour les faibles, afin qu’elles soient soulagées et fortifiées ; pour les mauvaises enfin, dans le but de les ramener à la vérité et à la justice, etc. Sois vigilant sur ta personne, afin que tes pensées, tes paroles et tes oeuvres soient saintes et irrépréhensibles ; afin que tu sois chaste, sobre, modeste; et que tu ne sois pas colère, emporté et tyran. Sois vigilant sur ta maison et ta domesticité ; afin que ta demeure soit sainte et pure de toutes fornications et de scandales. Sois vigilant à conserver une doctrine saine et orthodoxe pour la prêcher aux adultes, et l’enseigner aux enfants. Sois vigilant ; et que chacun fasse son devoir ; l’évêque, le prélat, etc. Sois vigilant et aie soin de visiter, d’examiner, de corriger, d’exhorter, de consoler et de protéger les prélats, les curés et les prédicateurs qui sont sous ta juridiction. Sois vigilant à procurer à tous tes subordonnés qui sont dans la saine doctrine, de bons évêques, de bons prélats, de bons curés et autres bons pasteurs des âmes. Sois vigilant contre la malice des hérétiques, contre les mauvais livres, contre les faux chrétiens, les moeurs dépravées, les vices publics, le scandale, le vol, l’adultère, etc. Et confirme ; c’est-à-dire : conserve ce qui reste de catholiques qui, en tombant peu-à-peu dans l’hérésie et l’athéisme, meurent, faute de vigilance pastorale, etc,. Le texte dit à dessein dans un sens conditionnel : Confirme tous ceux qui étaient près de mourir ; car
1° comme on l’a dit, les restes des catholiques furent conservés en Europe par le secours du concile de Trente, de la société de Jésus et d’autres hommes pieux ; et sans ces remèdes tous seraient tombés dans l’hérésie, et seraient morts spirituellement.
2° Ces paroles sont mises dans un sens conditionnel, afin que les évêques, les prélats et les autres pasteurs des âmes comprennent que ce n’est pas du hasard ou d’une aveugle prédestination de Dieu, que dépend le salut ou la mort des âmes rachetées par le sang précieux de Jésus-Christ, comme les lâches et les impies peuvent se l’imaginer ; mais qu’ils sachent au contraire, que la vie des âmes dépend de la vigilance et de la sollicitude, et que la mort éternelle provient du scandale et de l’incurie des pasteurs.
IV. Sois vigilant, et confirme tous ceux qui étaient près de mourir.
Ici encore Jésus-Christ nous intime et fait retentir à nos oreilles, par la voix du prophète, la nécessité de veiller, parce que nous nous trouvons dans des temps mauvais, et dans un siècle plein de dangers et de calamités. L’hérésie reprend partout le dessus et relève la tête ; son corps se fortifie plus que jamais, et ses adeptes ont obtenu le pouvoir presque partout. Ils sont triomphants dans l’empire, dans les royaumes et dans les républiques, et ils se sont enrichis des dépouilles de l’Église. Voilà ce qui fait que beaucoup de catholiques deviennent tièdes ; que les tièdes font défection ; et qu’un grand nombre conçoivent du scandale dans leurs coeurs.
La guerre est aussi une cause de l’ignorance, même dans les choses essentielles de la foi. La corruption des moeurs va croissant dans les camps et parmi les soldats à qui sont rarement accordés de bons pasteurs, de bons prédicateurs et de bons catéchistes. De là vient que la génération se maintient rude, grossière et inflexible ; ignorant tout ou presque tout ; ne s’embarrassant ni de Dieu, ni du ciel, ni de ce qui est honnête. Ne connaissant que la rapine, le vol, le blasphème et le mensonge, elle ne s’étudie qu’à circonvenir le prochain, etc.
Dans la foi catholique, la plupart sont tièdes, ignorants, circonvenus par les hérétiques, qui s’applaudissent de leur félicité, s’en réjouissent, et tournent en dérision les vrais fidèles, qu’ils voient d’ailleurs affligés, appauvris et désolés. En même temps, personne n’étudie les sciences sacrées ; parce que les parents sont pauvres, et qu’il n’y a que désolation dans la plupart des séminaires, qui ne jouissent plus de leurs revenus et des rentes de leurs fondations. Par ce qu’on vient de dire, et pour d’autres misères encore, on comprend d’une manière évidente, combien est grand le danger qui menace la foi catholique dans l’empire romain. Soyez donc, vigilants, ô vous, Évêques et Prélats de l’Église de Dieu ! Prenez conseil de vous-mêmes, et réfléchissez mûrement avec vos ouailles sur les moyens de leur procurer, dans cette nécessité urgente, des prêtres pieux, zélés et instruits qui, par leur saine parole et par leurs bons exemples brillent comme une lumière aux yeux de leurs brebis, pour les conduire dans un bon pâturage, et les confirmer dans la foi catholique.
Sois vigilant et confirme tous ceux qui étaient près de mourir ; car Je ne trouve pas tes oeuvres pleines devant Dieu. Ici Notre-Seigneur Jésus-Christ parle comme homme et comme le chef invisible de l’Église. La Divinité, dans l’abîme infini de Sa prescience éternelle, Lui révéla les défauts et les péchés des pasteurs et des autres membres à venir de l’Eglise, et Lui conféra en même temps la mission de les corriger. Jésus-Christ fonde donc Son reproche sur le défaut de vigilance et de sollicitude pastorale dont il est parlé plus haut, que Dieu exige cependant des évêques et des prélats de l’Église. Voilà pourquoi il se sert de la conjonction car qui unit ce qui précède avec ce qui suit ; savoir : Sois vigilant… ; car je ne trouve pas tes oeuvres pleines devant mon Dieu. C’est-à-dire tu n’accomplis pas ton devoir comme tu pourrais et comme tu devrais le faire ; tu n’es pas assez vigilant, et tu n’as pas assez de sollicitude pour les brebis qui te sont confiées ; car tes oeuvres ne sont pas pleines, c’est-à-dire, parfaites de charité ; et parce que tu as peu de soin du salut des âmes. Car je ne trouve pas tes oeuvres pleines, par rapport aux ordinations, aux institutions, aux promotions, aux visites pastorales, et à la discipline. Je ne trouve pas tes oeuvres pleines ; parce que tu ne marches pas comme J’en ai reçu le commandement de Mon père, et comme J’ai marché Moi-même dans l’humilité, la pauvreté et l’abnégation des pompes du siècle. Voilà donc pourquoi Jésus-Christ dit : Car Je ne trouve pas tes oeuvres pleines, pour exprimer qu’elles ne plaisent pas à Sa volonté, contre laquelle tu agis, en ne prenant soin que de toi-même, en usant d’indulgence envers ta personne dans l’aveuglement de ton amour propre et de tes voluptés. Tu affectes le faste, tu es enflé d’honneurs, tu prodigues mon patrimoine dans le luxe de la table, le brillant des cours, la splendeur des palais, une domesticité nombreuse ; dans le luxe des chevaux et des équipages ; dans les moyens d’exalter et d’enrichir tes parents ; en un mot, dans la pompe du siècle. Tandis qu’au contraire, tu devrais employer tes revenus à nourrir les pauvres, à consoler les veuves et les orphelins, et à secourir les catholiques dans les pays où ils ont été appauvris et dépouillés par les déprédations des hérétiques et des autres ennemis de la religion, et où ils gémissent sous le joug, faute des secours humains. Tu devrais aussi employer ton bénéfice à favoriser les études des jeunes gens qui manquent de moyens, dans le but de suppléer à la pénurie de bons pasteurs ; et aussi pour restaurer les églises en ruines. Et parce que toutes ces oeuvres appartiennent au devoir pastoral, et que cependant tu ne les accomplisses pas, Je ne trouve pas tes oeuvres pleines devant Mon Dieu, qui connaît tes fautes, lesquelles te rendront inexcusable à son jugement.
V. VERS. 3. – D’où il suit : Souviens-toi donc de ce que tu as reçu et de ce que tu as entendu, et garde-le, et fais pénitence.
Ici il applique le remède au mal. Ce remède est composé de cinq choses :
1° Souviens-toi donc. Ces paroles recommandent la fréquente méditation d’une vérité sérieuse et importante, et le souvenir constant et ferme du devoir pastoral. Ce souvenir, cette méditation sont un devoir aussi grave qu’important pour les évêques, les prélats et les autres pasteurs, qui doivent en faire le sujet habituel de leurs réflexions et les graver profondément dans leur mémoire. Le fondement et le premier remède est donc, pour les prélats, de se corriger de leurs défauts et de leurs négligences, d’étudier et de connaître les devoirs de leur charge. C’est pourquoi il dit en second lieu : Souviens-toi donc de ce que tu as reçu. Par ces paroles, Jésus-Christ désigne la qualité de la charge et du devoir épiscopal et pastoral qui sont saints, et ont été reçus par le ministère des anges ; et que Dieu a confiés aux hommes, non pas comme un royaume ou un avantage terrestre, mais pour le salut des âmes, pour qui Moi, dit-il, le Fils éternel de Dieu, le Roi des rois et le Dominateur des dominateurs, Je suis descendu des cieux, Je me suis fait homme, Je suis né dans une étable, J’ai logé parmi les animaux, J’ai vécu dans la pauvreté et l’humilité, conversant avec les hommes sur la terre pendant 33 ans ; enfin, Je fus crucifié entre deux voleurs. O toi, prélat et pasteur, tu n’as donc pas reçu cet office pour te faire honorer et encenser des hommes, pour te livrer aux voluptés et aux délices des festins, pour amasser l’or et l’argent, pour exalter et enrichir ta parenté, ni pour rechercher les pompes du siècle ou la vanité du monde, mais bien pour que tu fusses Mon imitateur. Si tu veux être admis au nombre de Mes élus, tu dois te produire pur et immaculé parmi les hommes, dont tu dois être un modèle d’autant plus distingué que le ministère que tu as reçu en héritage est plus élevé, plus saint et plus parfait. Ton fardeau est lourd, plein de travaux, de sollicitudes et de dangers. Il exige donc une exacte vigilance, la crainte de Dieu, une prière continuelle et infatigable, une chaste sobriété, etc. Souviens-toi donc de ce que tu as reçu ; c’est-à-dire, pour quelle fin tu as été institué pontife, évêque, prélat, savoir : pour faire paître le troupeau qui t’a été confié, pour briller comme une lumière dans l’obscurité, pour être le sel de la terre, et pour assaisonner spirituellement les âmes et les esprits des hommes ; enfin, pour être la tête ou le chef qui vivifie les membres et le corps ecclésiastique. Souviens-toi donc de ce que tu as reçu de Mon Dieu : tant de dons de la nature, de la fortune, et de la grâce donnée gratuitement, non pas pour jouir arbitrairement de ces avantages, mais pour les faire fructifier comme un serviteur fidèle et utile. Tu n’as pas reçu ces dons pour les cacher dans le linge1 de ton amour propre, ou pour les enfouir dans la terre des voluptés et des honneurs, mais pour les faire fructifier et profiter spirituellement à Mon Dieu, par tes oeuvres de miséricorde et de charité : tu dois t’en servir pour les veuves et les orphelins, et pour entretenir les pauvres et les indigents à l’exemple de Mes saints.
De là vient le troisième ingrédient du remède : Souviens-toi donc… de ce que tu as entendu dans Mon évangile. Comment Je me comportai parmi les hommes, et Je donnai Ma vie pour Mes brebis. Souviens-toi… de ce que tu. as entendu dans les actes et la vie de Mes apôtres, quelle conduite ils ont tenue. De ce que tu as entendu de tes pères, tes prédécesseurs : les pontifes, les évêques et les prélats de Mon Église. Tu sais en effet qu’ils furent humbles, pauvres, prudents sobres, chastes, pleins de sollicitude et ornés de toutes les vertus. Ainsi donc, à l’exemple de ton Seigneur et ton Maître, des apôtres, des autres saints et amis de Mon Dieu, tu dois vivre comme ils ont vécu, et te comporter comme ils se sont comportés dans ce monde. Souviens-toi… de ce que tu as entendu, de la vie et de la conduite que les saints Canons, les écrits des saints Pères, les conciles généraux, provinciaux et diocésains prescrivent. Souviens-toi… de ce que tu as entendu nouvellement dans le concile de Trente, de tous ses statuts sur la vie, l’honnêteté et la réforme qu’on doit observer. C’est pourquoi il ajoute aussitôt le quatrième remède : Et garde-le. Ces paroles nous excitent à observer ce qui a été dit plus haut, et elles renferment en même temps un reproche particulier sur le vice de ce siècle, qui consiste en ce que l’on n’observe presque plus rien de tous ces devoirs indiqués. Car notre siècle est charnel et délicat ; il se glorifie de beaucoup de choses, particulièrement de ses sciences sublimes. Et parce qu’il sait beaucoup, il se croit en droit de ne rien observer. Nous avons en effet tant de saints Canons, tant de salutaires conciles généraux et synodaux, tant de bonnes lois civiles, de livres spirituels, d’interprètes des saintes Ecritures, tant d’écrits des saints Pères remplis de force et de doctrine ; enfin, tant d’exemples des saints. Et cependant nous agissons si peu en bonnes oeuvres ! Ah ! c’est que nous sommes les enfants d’un siècle charnel ! Voilà pourquoi le Christ nous exhorte et nous presse d’imiter et de suivre par nos actes la voie droite que nous connaissons, et dans laquelle Lui et Ses saints ont marché, en nous servant d’exemple.
Le cinquième remède est contenu dans les paroles qui suivent : Et fais pénitence. La pénitence qu’il nous prescrit ici renferme trois points, savoir :
1° l’homme doit reconnaître et confesser sa faute.
2° Il doit en demander pardon à Dieu avec un coeur contrit et humilié.
3° Il doit se corriger de ses péchés, réformer sa vie et sa conduite, et s’acquitter de la satisfaction due pour ses fautes. Or, comme la génération perverse de ce cinquième âge de I’Eglise ne fait rien moins que tout cela, voilà pourquoi le Christ exhorte par-dessus tout Son Église à faire une pénitence salutaire qu’Il nous propose, non seulement comme l’unique remède nécessaire pour rendre à la vie spirituelle notre âme morte dans le péché, mais encore comme le moyen d’apaiser la colère de Dieu, de détourner de nous les maux qu’il a répandus sur cette génération, et qu’il versera encore par torrents jusqu’à l’infini, si nous ne faisons pénitence.
Malgré tout cela, personne ne veut se convertir, comme on peut le prouver par induction. En effet,
1° les hérétiques qui sont morts dans leurs erreurs méprisent la pénitence, et ils ne reconnaissent pas ou ne veulent pas reconnaître leur misérable état ; et même ils s’en glorifient, et disent qu’ils agissent bien quoiqu’ils soient morts.
2° Parmi les catholiques, on en trouve peu qui reconnaissent leurs défauts et leurs péchés. Tous les évêques, les prélats et les pasteurs des âmes disent qu’ils accomplissent toujours bien leur devoir, qu’ils veillent et qu’ils vivent comme il convient à leur état. De même les empereurs, les rois, les princes, les conseillers et les juges, se glorifient d’avoir bien agi et de continuer à bien agir. Tous les ordres sacrés prétendent être innocents. Enfin, le peuple lui-même, depuis le premier jusqu’au dernier, a coutume de dire : Qu’ai-je fait de mal, et quel mal fais-je? Or, c’est de cette manière que tous s’excusent. Ainsi donc, pour que la divine Sagesse et Bonté pût ramener à la pénitence cette génération pervertie et corrompue au plus haut degré, elle envoya presque continuellement sur elle les maux de la guerre, de la peste, de la famine et d’autres calamités. C’est encore pour cela qu’elle affligea tout nouvellement l’Allemagne entière par 30 ans de continuelles et étonnantes calamités, afin de nous faire ouvrir enfin les yeux, et de nous obliger à reconnaître nos péchés ; et à implorer le pardon et la miséricorde de Dieu avec un coeur contrit et humilié ; et aussi pour nous engager à réformer notre vie et notre conduite, chacun selon les obligations de son état. Mais au lieu de tout cela, nous sommes devenus pires, et nous sommes tellement aveuglés, que nous ne voulons pas même croire que nous sommes plongés dans ces maux à cause de nos péchés, tandis que la sainte Écriture dit cependant : «Il n’y a pas de maux en Israël que le Seigneur n’ait envoyés». D’où il est à craindre que le Seigneur s’exaspère encore davantage dans Sa colère, dont Il nous menace par les paroles qui suivent.
VI. VERS. 3. – Car si tu ne veilles, je viendrai à toi comme un voleur, et tu ne sauras à quelle heure je viendrai.
1° Après la prescription du remède suit une menace terrible contre l’Église de Dieu. Car si tu ne veilles, après être sorti enfin du sommeil profond de tes voluptés, de ta paresse, de tes péchés dans lesquels tu t’es endormi jusqu’ici, Je viendrai à toi en te suscitant des malheurs. Il s’exprime au futur, parce que, comme il a été dit souvent, la colère de Dieu, dans la longanimité de Sa bonté, nous menace souvent de loin et longtemps. Mais de peur qu’à cause de sa lenteur nous ne pensions être à l’abri de Ses coups, il dit : Je viendrai à toi, d’une manière certaine et infaillible. L’Écriture nous avertit de la même manière, dans Habacuc, II, 3 : «Attendez- le; Il viendra, et Il ne tardera pas».
2° Je viendrai à toi… comme un voleur. Il compare ici Sa visite et l’envoi de Ses maux à l’arrivée d’un voleur. Car, a) le voleur a coutume d’arriver tout-à-coup et à l’improviste ; b) il vient pendant le sommeil ; c) il fait infraction dans la maison ; d) enfin, il pille et vole tout.
Or, tel sera le caractère du mal que Dieu suscitera contre Son Église. Ce mal ce seront les hérétiques et les tyrans, qui viendront tout-à-coup et à l’improviste, qui feront infraction dans l’Eglise pendant le sommeil des évêques, des prélats et des pasteurs ; qui prendront le dessus et raviront ou pilleront les évêchés, les prélatures, les biens ecclésiastiques, comme nous voyons de nos propres yeux qu’ils firent en Allemagne et dans le reste de l’Europe. Il est même dangereux qu’ils continuent à dominer et à ravir tout ce qui reste. Je viendrai à toi comme un voleur, en suscitant contre vous les nations barbares et les tyrans, qui viendront comme un voleur, tout-à-coup et à l’improviste, pendant que vous dormirez dans vos vieilles habitudes de voluptés, d’impuretés et d’abominations. Ils feront infraction et pénétreront jusque dans les forteresses et les garnisons. Ils entreront en Italie, ils dévasteront Rome, ils brûleront les temples et mineront tout, si vous ne faites pénitence et si vous ne vous éveillez enfin du sommeil de vos péchés. Et tu ne sauras à quelle heure Je viendrai. Jésus-Christ fait ici remarquer, comme en passant, l’aveuglement dont Dieu a coutume de frapper les princes du peuple, afin qu’ils ne puissent ni prévoir, et conséquemment ni prévenir les maux qui les menacent. Car il cache à leurs yeux, appesantis par le sommeil des voluptés, les maux et les vengeances qui doivent les assaillir. C’est donc en ce sens qu’Il dit : Et tu ne sauras à quelle heure Je viendrai ; c’est-à-dire, que le temps de Sa visite sera caché à tes yeux; et tu ne pourras plus prévenir le mal, ni te préparer au combat, parce que l’ennemi viendra rapidement et inondera tout comme les eaux d’un fleuve impétueux, comme la flèche lancée dans l’air, comme la foudre, comme un chien rapide.
VERS. 4. – Tu as un petit nombre d’hommes à Sardes qui n’ont point souillé leurs vêtements. Suit maintenant l’éloge ordinaire d’un petit nombre, relativement à la multitude d’hommes qui sont sur la terre. Car quelque affligée et désolée que soit l’Église, et quelque méchant que soit le monde, le Seigneur Dieu s’est toujours réservé et se réserve toujours des saints Ses amis, qui brillent comme une lumière ou comme un phare au milieu du monde, pour empêcher que tout se corrompe et que tout soit enveloppé par les ténèbres. Tu as un petit nombre d’hommes à Sardes qui n’ont point souillé leurs vêtements. Par ces paroles, il indique l’espèce d’iniquité dont tout l’univers est souillé et infecté, à peu d’exceptions près. Il désigne cette espèce d’iniquité par sa ressemblance avec des vêtements souillés. Or, on souille ses vêtements : a) par la boue et le fumier qu’on trouve en circulant dans les rues ; b) par les ordures de diverses immondices qu’on emploie pour la conservation de sa vie ; c) par la peste et la lèpre. Ces trois métaphores signifient l’universalité des péchés graves et des iniquités dans lesquelles le monde presqu’en entier est misérablement plongé, et dans lesquelles il languit de maladies même mortelles. En effet, cette génération est tout-à-fait pervertie, délicate, efféminée, molle, charnelle, avare et superbe. C’est de là qu’elle est enfoncée dans la boue des voluptés et des délices, dans l’hérésie et dans l’oubli de Dieu Son Créateur.
Sur une si grande quantité d’états divers, et une si grande multitude d’hommes qui sont dans le monde, il n’y en a qu’un petit nombre qui font exception, et qui croient encore de tout leur coeur au Seigneur Dieu, qui est dans les cieux. Il en est peu qui espèrent dans Sa providence, qui servent Jésus-Christ selon l’état de leur vocation, et qui aiment Dieu et le prochain. C’est pourquoi il dit : Un petit nombre d’hommes. Le texte latin exprime les noms (nomina), c’est-à-dire, un si petit nombre, qu’on peut facilement les appeler par leurs noms. Comme il est dit dans l’Écriture : «Ceux dont les noms sont inscrits dans le livre de vie», à cause du petit nombre de ceux qui seront sauvés. «Car il y aura beaucoup d’appelés et peu d’élus»
Et ils marcheront avec Moi revêtus de blanc, parce qu’ils en sont dignes.
L’apôtre indique ici la conduite du Christ sur la terre, dont ce petit nombre d’amis suivra l’exemple. Le Christ marcha vêtu de blanc, a) car il vécut parmi les hommes dans la plus grande douceur, pureté, humilité, pauvreté, patience et abandon ; et toutes ces vertus de Jésus sont représentées par Son vêtement blanc ; b) Il marcha vêtu de blanc, lorsqu’étant méprisé par Hérode dans Sa passion bénie, celui-ci le fit revêtir d’une tunique blanche, et L’ayant fait passer pour fou, il Le renvoya à Pilate. Or, c’est ainsi que le petit nombre des élus qui se conservent immaculés au milieu du siècle, marchent, à l’exemple du Christ sur la terre, dans une grande humilité, dans le mépris, la pauvreté, la mansuétude, et gémissent dans leur coeur auprès du Seigneur leur Dieu. Ils ont beaucoup à souffrir, et sont méprisés et mis en dérision par le monde, parce que leur vie et leur conduite ne sont considérées que comme une folie. C’est ainsi en effet que le monde a coutume de traiter les saints de Dieu ; c’est ainsi qu’il les a toujours jugés, et qu’il n’a pas rougi de juger le Fils unique de Dieu Lui-même, venu du ciel pour le salut des hommes. Voilà pourquoi Jésus-Christ dit, pour consoler ses amis, Jean, XV, 17 : «Ce que Je vous ordonne, c’est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu’il M’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui ; mais parce que vous n’êtes point du monde, et que Je vous ai choisis au milieu du monde, c’est pour cela que le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que Je vous ai dite : le serviteur n’est pas plus grand que le Maître. S’ils M’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi». En effet, l’amitié de ce monde est en inimitié devant le Seigneur, et l’amitié avec Dieu est en inimitié avec le monde. De là le texte dit : Ils marchent avec Moi revêtus de blanc, parce qu’ils en sont dignes. L’amitié et l’estime de Dieu pour Ses justes et Ses amis nous étonne, en ce qu’Il veut et permet qu’ils errent dans le monde, couverts de peaux de brebis, méprisés, appauvris. Vils, au milieu des tribulations, des persécutions, des injures, des outrages, des tentations, du froid, de la nudité, etc. Au contraire, le monde et ceux qui sont du monde prospèrent dans les délices, vivent dans la gloire et les richesses, rient et se réjouissent dans l’abondance de tous les biens. Or, telle est l’amitié de Dieu pour Ses élus , dont le monde n’est pas digne. De là ce passage de saint Paul aux Hébreux, XI, 35 : «Les uns ont été cruellement tourmentés, ne voulant point racheter leur vie présente, afin d’en trouver une meilleure dans la résurrection. Les autres ont souffert les outrages et les fouets, les chaînes et les prisons ; ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été mis aux plus rudes épreuves ; ils sont morts par le tranchant du glaive ; ils ont mené une vie errante, couverts de peaux de brebis et de peaux de chèvres, abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le monde n’était pas digne». C’est là ce que savaient fort bien les saints apôtres de Dieu, qui s’en retournaient pleins de joie du conseil, parce qu’ils avaient été trouvés dignes de souffrir des outrages pour le nom de Jésus.
VII. VERS. 5. – Celui qui vaincra sera ainsi vêtu de blanc. Ces paroles contiennent la promesse d’une récompense, d’une rétribution et d’une pleine consolation dans l’autre vie. C’est par cette promesse qu’il nous exhorte nous, Ses soldats, et qu’Il nous stimule à la victoire. Celui qui vaincra le monde, la chair et le démon ; celui qui vaincra en s’esquivant du joug du démon, à qui il était auparavant soumis par ses péchés et ses voluptés, et qui fera pénitence ; celui qui vaincra en pratiquant envers Dieu et le prochain la charité, qui efface la multitude de nos péchés ; celui qui vaincra en persévérant dans la vraie foi catholique, au milieu de tant de défections, de scandales et d’afflictions des chrétiens ; celui qui vaincra les persécutions, les tribulations, les angoisses et les calamités intentées par les hérétiques et par les mauvais chrétiens ; celui qui vaincra les ruses, les déceptions, les faussetés, dans la prudence et la vraie simplicité chrétienne ; enfin, celui qui vaincra, persévérant dans la sainte doctrine, par des moeurs saintes et par la sincérité de la charité : celui-là sera ainsi vêtu de blanc; c’est-à-dire, qu’il lui sera pleinement rétribué, selon la mesure de ses souffrances. Car autant on aura été méprisé dans ce monde, autant on aura de gloire dans l’autre ; autant de tribulations, autant de consolations. Plus on aura été opprimé dans l’humilité, la pauvreté, la nudité, la soif, la misère, les persécutions, les tribulations et les adversités de ce monde, plus on sera exalté dans l’autre vie. On abondera de richesses célestes, on sera revêtu de l’étoile de l’immortalité, rassasié de la plénitude de toutes les délices, qui ne seront plus jamais enlevées. C’est donc, pour la plus grande consolation des affligés qu’il ajoute la particule : ainsi, et, Je n’effacerai point son nom du livre de la vie. Le livre de la vie, c’est la prédestination, soit la prescience éternelle de Dieu, par laquelle Il a disposé Son royaume pour Ses élus, de toute éternité, d’une manière certaine et infaillible, selon les oeuvres de chacun. Ainsi, telle est la promesse qu’il fait ici pour la consolation de Ses amis et des justes : Et Je n’effacerai point son nom du livre de la vie ; c’est-à-dire, qu’il restera inscrit comme héritier dans le testament de l’héritage éternel ; ce que personne ne lui enlèvera plus, dans les siècles des siècles. Et Je confesserai son nom devant Mon Père et devant Ses anges. La confession du Christ sera le plus grand honneur des saints dans le ciel. Cette confession, qui est d’ailleurs souvent répétée chez les évangélistes, est ici promise à ceux qui auront confessé Son saint Nom sur la terre, et qui l’auront gardé non seulement de bouche, mais encore de coeur et en actions. Or, cette confession des hommes pour le saint Nom de Jésus devant le monde est tout-à-fait étrangère à la génération perverse de notre époque, car presque tous confessent de bouche qu’ils connaissent le Christ, et le renient par leurs actes. Mais cette confession du Christ devant son Père n’est promise ici qu’à Ses fidèles serviteurs, comme une récompense spéciale, comme un stimulant de Ses soldats à la victoire, et comme le plus grand honneur qu’Il leur réserve, d’être loués et confessés par Lui, même devant Son Père le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, et en présence de millions d’anges et de tous les saints de Dieu.
§ II Du sixième âge de l’Eglise, qui sera un âge de consolation, et qui commencera au Pontife saint et au Monarque puissant, et durera jusqu’à l’apparition de l’Antéchrist. Du sixième âge de l’Eglise, qui sera un âge de consolation, et qui commencera au Pontife saint et au Monarque puissant, et durera jusqu’à l’apparition de l’Antéchrist.
CHAPITRE III. Verset 7-13.
1. VERS. 7. – Écris aussi à l’ange de l’église de Philadelphie
Le sixième âge de l’Eglise commencera avec le Monarque puissant et le Pontife saint dont on a déjà parlé, et durera jusqu’à l’apparition de l’Antéchrist. Cet âge sera un âge de consolation (consolativus), dans lequel Dieu consolera Son Église sainte de l’affliction et des grandes tribulations qu’elle aura endurées dans le cinquième âge. Toutes les nations seront rendues à l’unité de la Foi catholique. Le sacerdoce fleurira plus que jamais, et les hommes chercheront le royaume de Dieu et sa justice en toute sollicitude. Le Seigneur donnera à l’Eglise de bons pasteurs. Les hommes vivront en paix, chacun dans sa vigne et dans son champ. Cette paix leur sera accordée parce qu’ils se seront réconciliés avec Dieu même. Ils vivront à l’ombre des ailes du Monarque puissant et de ses successeurs. Nous trouvons le type de cet âge dans la sixième époque du monde, qui commença avec l’émancipation du peuple d’Israël, et la restauration du temple et de la ville de Jérusalem, et dura jusqu’à la venue de Jésus-Christ. Car, de même qu’à cette époque le peuple d’Israël fut consolé au plus haut degré par le Seigneur son Dieu, par la délivrance de sa captivité ; que Jérusalem et son temple furent restaurés ; que les royaumes, les nations et les peuples soumis à l’empire romain furent vaincus et subjugués par César Auguste, monarque très puissant et très distingué, qui les gouverna pendant 56 ans, rendit la paix à l’univers et régna seul jusqu’à la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et même après ; ainsi, dans le sixième âge, Dieu réjouira Son Église par la prospérité la plus grande. Car bien que dans le cinquième âge nous ne voyions partout que les calamités les plus déplorables : tandis que tout est dévasté par la guerre ; que les catholiques sont opprimés par les hérétiques et les mauvais chrétiens ; que l’Eglise et ses ministres sont rendus tributaires ; que les principautés sont bouleversées ; que les monarques sont tués, que des sujets sont rejetés, et que tous les hommes conspirent à ériger des républiques, il se fait un changement étonnant par la main du Dieu tout-puissant, tel que personne ne peut humainement se l’imaginer. Car ce Monarque puissant, qui viendra comme envoyé de Dieu , détruira les républiques de fond en comble ; il soumettra tout à son pouvoir (sibi subjugabit omnia) et emploiera son zèle pour la vraie Église du Christ. Toutes les hérésies seront reléguées en enfer. L’empire des Turcs sera brisé, et ce Monarque régnera en Orient et en Occident. Toutes les nations viendront et adoreront le Seigneur leur Dieu dans la vraie foi catholique et romaine. Beaucoup de saints et de docteurs fleuriront sur la terre. Les hommes aimeront le jugement et la justice. La paix régnera dans tout l’univers, parce que la puissance divine liera Satan pour plusieurs années, etc.; jusqu’à ce que vienne le fils de perdition, qui le déliera de nouveau, etc. C’est aussi à ce sixième âge, qu’en raison de la similitude de sa perfection se rapporte le sixième jour de la création, lorsque Dieu fit l’homme à Sa ressemblance, et lui soumit toutes les créatures du monde pour en être le seigneur et le maître. Or, c’est ainsi que dominera ce monarque sur toutes les bêtes de la terre ; c’est-à-dire, sur les nations barbares, sur les peuples rebelles, sur les républiques hérétiques, et sur tous les hommes qui seront dominés par leurs mauvaises passions. C’est encore à ce sixième âge que se rapporte le sixième esprit du Seigneur, savoir : l’esprit de sagesse, que Dieu répandra en abondance sur toute la surface du globe, en ce temps-là. Car les hommes craindront le Seigneur leur Dieu, ils observeront Sa loi et Le serviront de tout leur coeur. Les sciences seront multipliées et parfaites sur la terre. La sainte Écriture sera comprise unanimement, sans controverse et sans erreur des hérésies. Les hommes seront éclairés, tant dans les sciences naturelles que dans les sciences célestes. Enfin l’Eglise de Philadelphie est le type de ce sixième âge ; car Philadelphie signifie amour du frère (amor fratris salutans), et encore gardant l’héritage, dans l’union avec le Seigneur (hereditatem salvans adhærente Domino). Or, tous ces caractères conviennent parfaitement à ce sixième âge, dans lequel il y aura amour, concorde et paix parfaite, et dans lequel le Monarque puissant pourra considérer presque le monde entier comme son héritage. Il délivrera la terre, avec l’aide du Seigneur son Dieu, de tous ses ennemis, de ruines et de tout mal.
II. Voici ce que dit le Saint et le Véritable, qui a la clef de David, qui ouvre, et personne ne ferme ; qui ferme, et personne n’ouvre.
Comme il a l’habitude de le faire dans la description de chaque âge, saint Jean désigne encore ici, par ces premières paroles, quelques insignes de Notre- Seigneur Jésus-Christ, insignes qu’il porte non seulement en Lui-même, mais qu’il fait aussi briller extérieurement dans Ses membres et dans Son corps, qui est l’Eglise, d’une manière particulière au sixième âge. Voici ce que dit le Saint des saints et le vrai Dieu et homme. C’est à cause de ces insignes infinis, qui sont la sainteté et la vérité, et qui appartiennent à Notre-Seigneur Jésus-Christ par l’hypostase divine, que tout genou doit fléchir devant Lui, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, etc. Il est aussi appelé ici Saint et Vrai, en qualité de chef de Ses membres et de Son corps, qui est l’Eglise, et aussi parce que Son Église sera particulièrement sainte et vraie dans le sixième âge. Elle sera sainte, parce que les hommes marcheront alors de tout leur coeur dans les voies du Seigneur, et qu’ils chercheront le royaume de Dieu en toute sollicitude. L’Eglise sera vraie, parce qu’après que toutes les sectes auront été reléguées en enfer, elle sera reconnue pour vraie sur toute la surface de la terre.
Qui a la clef de David. On entend par ces mots la puissance royale et universelle que possède le Christ sur Son Église, puissance qu’il conservera jusqu’à la consommation du siècle, en exécution de la volonté et des conseils de Dieu le Père. Matth., XXVIII, 18 : «Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre». Voir là-dessus le livre II, chap. 4. De plus, il est dit ici que le Christ a la clef de David, parce que David et son règne furent la figure de Jésus-Christ et de Son royaume, comme on le voit dans les livres des prophètes.
Qui ouvre et personne ne ferme ; qui ferme et personne n’ouvre. Ces paroles expriment quel est le pouvoir de cette clef du Christ. C’est un pouvoir illimité et constitué sur Sa seule puissance, pouvant distribuer les biens et les maux selon Sa volonté. C’est pourquoi il est dit : Qui ouvre la porte aux biens en les répandant, et qui ouvre la porte aux maux en les permettant. Et personne ne ferme, c’est-àdire que personne ne peut empêcher que les décrets de Sa divine volonté ne s’accomplissent et dans le ciel, et sur la terre, et dans les enfers. Les méchants ne peuvent pas empêcher le bien, et les bons ne sauraient empêcher les maux. Car il est dit des méchants en saint Matthieu, XVI, 18 : «Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle». Et des justes dans Ezéchiel, XIV, 14 : «Que si ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, se trouvent au milieu de ce pays-là (d’une nation qui aura péché contre le Seigneur), ils délivreront leurs âmes par leur propre justice, dit le Seigneur des armées, etc.». Qui ferme et personne n’ouvre, c’est-à-dire que, par contre, Il fait disparaître en son temps les maux de Son Église et lui rend les biens. Ensuite Il permet de nouveau les châtiments, et il n’y a personne qui puisse les ôter de Sa main ou les empêcher, selon qu’il est écrit, Ps. CIII, 28 : « …Quand Vous la leur donnez (la nourriture), ils recueillent aussitôt. Que Vous ouvriez Votre main, ils sont tous remplis de Vos biens. Mais si Vous détournez d’eux Votre face, ils seront troublés. Vous leur ôterez l’esprit, et ils tomberont dans la défaillance, et ils retourneront dans leur poussière. Vous enverrez Votre esprit, et ils seront créés, et Vous renouvellerez la face de la terre, etc.».
Je connais tes oeuvres. Ces paroles sont une louange générale des oeuvres du sixième âge, comme elles exprimaient plus haut un blâme sur les oeuvres du cinquième. Je connais tes oeuvres, qui sont toutes saintes, bonnes, parfaites et pleines de charité, comme la suite le fera voir.
VERS. 8. – J’ai ouvert une porte devant toi, que personne ne peut fermer, parce que tu as peu de force; et cependant tu as gardé Ma parole, et tu n’as point renoncé à Mon nom, etc. Ces paroles sont pleines de consolation ; elles décrivent la félicité à venir du sixième âge, félicité qui consistera :
1° dans l’interprétation vraie claire et unanime de la sainte Écriture. Car alors les ténèbres des erreurs et les fausses doctrines des hérétiques, qui ne sont pas autre chose que la doctrine des démons, seront dissipées et disparaîtront. Les fidèles du Christ, répandus sur toute la surface du globe, seront attachés à l’Église de coeur et d’esprit, dans l’unité de la foi et dans l’observance des bonnes moeurs. Voilà pourquoi il est dit : J’ai ouvert une porte devant toi, c’est-à-dire, l’intelligence claire et profonde de la sainte Écriture. Que personne ne peut fermer, voulant dire, qu’aucun hérétique ne pourra plus pervertir le sens de la parole de Dieu, parce que dans ce sixième âge il y aura un concile oecuménique, le plus grand qui ait jamais eu lieu ; dans lequel, par une faveur particulière de Dieu, par la puissance du Monarque annoncé, par l’autorité du saint pontife et par l’unité des princes les plus pieux, toutes les hérésies et l’athéisme seront proscrits et bannis de la terre. On y déclarera le sens légitime de la sainte Écriture, qui sera crue et admise par tout le monde, parce que Dieu aura ouvert la porte de Sa grâce.
2° Cette félicité consistera dans un nombre immense de fidèles ; car en ce temps-là, tous les peuples et les nations afflueront vers une seule bergerie, et y entreront par la seule porte de la vraie foi. C’est ainsi que s’accomplira la prophétie de saint Jean, X, 16 : «Il y aura un seul pasteur et un seul bercail». Et aussi cette autre de saint Matthieu, XXIV, 14 : «Cet évangile du royaume sera prêché dans tout l’univers, comme un témoignage pour toutes les nations, et alors la fin arrivera ». Or, c’est aussi dans ce sens qu’il est dit ici : J’ai ouvert une porte devant toi, la porte de la foi et du salut des âmes, porte qui était fermée à une quantité innombrable d’hommes dans le cinquième âge, à cause des hérésies et des abominations des pécheurs. C’est pour cela qu’alors la bergerie était restreinte, avilie, humiliée et méprisée au plus haut degré. Mais maintenant, la porte est ouverte devant toi, elle est ouverte à tous, comme le grand portail d’un palais royal, lorsqu’il y a ni ennemis, ni sédition à redouter.
3° Cette félicité consistera dans la multitude des prédestinés. En effet, un grand nombre de fidèles seront sauvés dans ce temps-là, parce que la vraie foi éclatera de splendeur, et que la justice abondera. J’ai ouvert une porte devant toi, la porte du ciel, que personne ne peut fermer jusqu’au temps fixé. Le texte latin commence par la particule ecce, voici, parce que, comme on l’a déjà dit ailleurs, ce mot excite notre esprit à concevoir quelque chose de grand et d’admirable dans cette oeuvre que Dieu opérera pour notre consolation, pour notre bonheur et notre joie spirituelle. Parce que tu as peu de force, et cependant tu as gardé Ma parole. Ce passage indique trois causes ou trois mérites particuliers pour lesquels Dieu aura pitié de Son Église, et ouvrira la porte de Sa miséricorde dans ce sixième âge.
Le premier mérite est mis au présent : Parce que tu as peu de force. Ces paroles expriment l’industrie des serviteurs de Dieu qui emploieront avec prudence et avec zèle le peu de force qu’ils auront reçu de Lui, et obtiendront ainsi de très grands fruits par la conversion des pécheurs et des hérétiques. Et c’est ce grand effort qu’ils auront fait, surtout au commencement du sixième âge, pour opérer ces conversions, que Jésus-Christ récompensera par une grande prospérité. Le second et le troisième mérites sont mis au passé : Tu as gardé Ma parole, et tu n’as point renié Ma foi. Par là il désigne la constance et la persévérance de Ses serviteurs dans Son amour et dans Sa foi. Car, vers la fin des temps du cinquième âge, ceux-ci, ayant peu de force, s’élèveront néanmoins contre les pécheurs qui auront nié la foi à cause des biens terrestres. Ils s’élèveront aussi contre certains prêtres qui, s’étant laissé séduire par la beauté et par les attraits des femmes, voudront abandonner le célibat. Or, au temps où le démon jouira d’une liberté presque absolue et universelle, et où la plus grande tribulation sévira sur la terre, ces serviteurs fidèles, unis entre eux par les liens les plus forts, protégeront le célibat en se conservant purs au milieu du siècle. Ils passeront pour vils aux yeux des hommes, et se verront méprisés et repoussés du monde, qui les tournera en ridicule. Mais le Sauveur Jésus-Christ, dans Sa bonté, regardera d’un oeil propice leur patience, leur industrie, leur constance et leur persévérance, et il les récompensera dans le sixième âge, en secondant et favorisant leurs efforts dans la conversion des pécheurs et des hérétiques. Parce que tu as peu de force, que tu es méconnu et sans puissance, sans richesses et sans gloire ; et parce que la grâce de Dieu ne t’a été donnée et distribuée qu’avec mesure ; néanmoins tu as fait les plus grands efforts dans ton zèle et ta charité ardente pour le saint nom de Jésus, pour Son Église et pour le salut des âmes. Voilà pourquoi le Christ, dans Sa miséricorde, viendra enfin à ton secours, et ouvrira la porte de la vraie foi et de la pénitence aux hérétiques et aux pécheurs. Et cependant tu as gardé Ma parole. La parole du Christ est prise ici pour la doctrine spéciale et la connaissance d’un précepte ou d’un conseil qui n’était pas contenu dans l’ancienne loi, et qui était tout-àfait contraire au monde. Or, l’Évangile contient trois paroles de ce genre : la première, c’est le précepte de l’amour des ennemis et de la charité fraternelle. Matth., V. La seconde, c’est le conseil de la continence et du célibat. Matth. XIX, 12 : «Il y en a qui se sont fait eunuques eux-mêmes». La troisième parole, c’est la patience que nous devons pratiquer. Matth., V, 39 : «Si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre. Et à celui qui veut disputer en jugement avec vous et vous enlever votre tunique, abandonnez encore votre manteau». Or il est, dit dans le texte : Et cependant tu as gardé Ma parole, c’est-à-dire la parole de la charité fraternelle, du célibat, de la patience et de la douceur ; parole que Dieu a prononcée de Sa bouche bénie, et qu’Il a observée Lui-même. Et tu n’as point renoncé à Mon Nom. Le texte latin dit : Tu n’as point renié Ma foi. Or on renie la foi le plus souvent à cause des richesses, des honneurs et des voluptés. Mais les serviteurs du Christ mépriseront ces trois concupiscences vers la fin du cinquième âge, et ils mèneront une vie humble, sans rechercher les dignités, ni le pouvoir. Ils seront méprisés et ignorés des grands, et ils s’en réjouiront. Ils sacrifieront leurs revenus pour les pauvres, et pour l’édification et la propagation de l’Eglise catholique qu’ils aimeront comme leur mère. Ils marcheront dans la simplicité de leur coeur en présence de Dieu et des hommes ; et c’est pour cela que leur vie retirée sera considérée comme une folie. La sagesse de ce monde consiste à retenir ce qu’on possède et à l’augmenter ; ces vrais fidèles, au contraire, mépriseront les biens et les honneurs terrestres, et se préserveront de souillures avec les femmes. Leur conversation sera conforme à la sainteté de leur vocation. Lors donc qu’ils verront leurs semblables apostasier et renier la foi de Jésus-Christ à cause des richesses, des honneurs et des plaisirs, ils en gémiront dans leur coeur devant leur Dieu, et ils persévéreront dans les vrais principes de la foi catholique. C’est donc avec raison que Jésus-Christ leur adresse ces louanges : Et tu n’as point renié ma foi.
III. VERS. 9. – Je te donnerai quelques-uns de ceux de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs, et ne le sont point, mais qui sont des menteurs. Je ferai qu’ils viennent et qu’ils se prosternent à tes pieds, et ils connaîtront que Je t’aime, etc.
Suit maintenant la promesse d’une grâce très abondante de Dieu, qui a coutume d’aider et de couronner de succès les pieux efforts de Ses serviteurs, et de récompenser leur fidélité, leur constance et leur persévérance dans le bien qu’ils entreprennent. Le texte latin, cité plus haut, renferme trois fois la particule ecce, voici :
1° Ecce dedi coram te ostium apertum. Je t’ai ouvert.
2° Ecce dabo. Je te donnerai.
3° Ecce faciam. Je ferai.
C’est pour élever notre esprit et nous faire concevoir combien sont grandes et admirables les oeuvres de la miséricorde divine, qui va manifester les richesses de Sa gloire, de Sa grâce et de Sa bonté infinie.
1° Ecce, voici. Il s’adresse d’abord à Ses serviteurs, et leur dit : Voici les fruits de ton travail et de tes oeuvres.
2° Ecce dabo. Je te donnerai ce que tu as si longtemps appelé par tes larmes et par tes pieux gémissements.
3° Ecce. Voici que Je vais faire ce que personne ne croyait. Console-toi donc maintenant, etc.; car Je te donnerai quelques-uns de la synagogue de Satan qui se disent Juifs et ne le sont point ; mais qui sont des menteurs. Or, dans la synagogue de Satan sont les Juifs et ceux qui errent dans la foi en admettant la fausse doctrine du démon, le père du mensonge. De même par les Juifs, on entend aussi, au figuré et par allégorie, les hérétiques et les schismatiques qui se disent chrétiens, mais qui ne le sont point, et qui sont des menteurs. Jésus-Christ promet donc ici la conversion des hérétiques, des schismatiques et de tous ceux qui errent dans la foi. Et cette conversion aura lieu au sixième âge, lorsque l’Eglise grecque s’unira de nouveau à l’Eglise latine.
Je ferai qu’ils viennent et qu’ils se prosternent à Tes pieds. Ces paroles expriment la force, l’efficacité et l’abondance de la grâce et de la bonté de Dieu, qui fera que des nations entières, et même, tous les peuples viennent L’adorer en se soumettant à l’Église catholique qui deviendra leur mère. Et je ferai, par la lumière de Ma grâce, qu’ils viennent spontanément et non plus forcés par la guerre et par le fer. Je ferai qu’ils se prosternent à Tes pieds, c’est-à-dire, qu’ils s’humilient et qu’ils se soumettent à Ta puissance spirituelle. On voit, par ce qui vient d’être dit, quelle foi et quelle confiance tous les prélats et les pasteurs des âmes doivent avoir dans la grâce de Dieu, sans laquelle tout chancelle et rien ne se fait. Voilà bientôt cent ans qu’on combat contre les hérétiques, non seulement par des discussions fortes et chaleureuses et par les plus savants écrits, mais encore par la force des armes : on a essayé tous les moyens, sans cependant obtenir aucun succès ! Il ne nous reste donc rien d’autre chose à faire que de recourir au Seigneur notre Dieu, de nous humilier, de mener une vie sainte, et de travailler avec ardeur pour conserver les restes du catholicisme jusqu’à ce qu’il plaise à Jésus- Christ d’avoir enfin pitié de Son Église, qu’Il ne peut oublier, et d’avoir égard aux efforts de Ses serviteurs, qui continuent de Le craindre et de Le servir. Mettons donc notre espérance et une vive confiance dans la grâce toute-puissante de Jésus- Christ, qui peut éclairer les esprits aveuglés des misérables pécheurs et des hérétiques par un seul rayon de Sa lumière. C’est cette confiance que nous recommande le Psalmiste, Ps. XXX, depuis le verset 3 jusqu’au verset 7.
Et ils connaîtront que je t’aime, c’est-à-dire, ils confesseront que tu es Ma seule épouse choisie et chérie, la vraie Église et héritière du royaume céleste, hors de laquelle il n’y a point de salut. Car dans le sixième âge l’Église catholique sera élevée à l’apogée de sa gloire temporelle, et elle sera exaltée d’une mer à l’autre : il n’y aura plus alors de controverses ni de questions parmi les hommes pour savoir quelle est la véritable Église. C’est pourquoi il est dit : ils connaîtront, c’est-àdire que ce qui, dans notre cinquième âge, est tant controversé et discuté, sera mis au grand jour dans le sixième. C’est ainsi que la divine bonté sait tirer le bien du mal en permettant les hérésies et les tribulations, afin que Son saint Nom soit mieux connu. Nous en avons un exemple dans toutes les erreurs qui parurent à diverses époques, et qui, si redoutables qu’elles fussent, disparurent de nouveau par la puissance de la vérité divine. Nous ne citerons que celle d’Arius contre la divinité de Jésus-Christ. En fut-il une semblable pour l’opiniâtreté ? Or, l’hérésie moderne peut bien certainement lui être comparée.
VERS. 10. – Parce que tu as gardé la parole de Ma patience, et Moi Je te garderai de l’heure de la tentation qui doit venir, dans tout l’univers, éprouver ceux qui habitent sur la terre.
L’heure de la tentation qui doit venir, et qui est prédite ici, c’est le temps de la persécution de l’Antéchrist, que Notre-Seigneur a prophétisée dans saint Matthieu, XXIV, et dans Daniel, XI et XII. Il l’appelle l’heure de la tentation, parce qu’elle durera peu, et que le septième âge de l’Eglise sera court, comme nous le verrons plus loin. La divine bonté a coutume de préserver ses élus de l’heure de la tentation et des temps de calamités, par deux moyens :
1° en les appelant à elle en paix, par une mort naturelle, avant que les maux et les tribulations les surprennent ; elle accorda cette grâce à Ezéchias, à Josias et à d’autres saints de l’ancien et du nouveau Testament.
2° Elle préserve aussi les siens, sans les enlever de ce monde, mais en les délivrant du mal. Jean., XVII, 18 : «Je ne vous prie point de les ôter du monde, mais de les préserver du mal» ; c’est ainsi que Jésus-Christ envoya Ses apôtres et Ses disciples au milieu des loups. Or, c’est par ces deux moyens que Dieu préservera son Église, au sixième âge, de l’heure de la tentation de l’Antéchrist.
1° En l’appelant à Lui, parce que, à la fin du sixième âge, la charité se refroidira, les péchés commenceront à se multiplier, et il s’élèvera peu à peu une génération perverse et des enfants infidèles. Les justes, les saints, les bons prélats et les bons pasteurs seront alors enlevés, en grand nombre, par une mort naturelle, et il viendra, à leur place des hommes tièdes et charnels, qui n’auront soin que d’euxmêmes, et qui seront comme des arbres sans fruits, des astres errants et des nuages sans eau.
2° Jésus-Christ préservera Son Église du mal sans l’enlever de ce monde ; car l’Eglise durera jusqu’à la consommation des siècles, et il n’y restera, en comparaison d’une si grande multitude de méchants que peu de saints et de docteurs, que Dieu enverra au milieu des loups, pour enseigner à plusieurs la vérité et la justice. Ceux-ci tomberont sous le glaive, dans les flammes, dans les fers et dans la ruine. Dan., XI. Dieu préservera ainsi ces derniers élus de l’heure de la tentation, en les délivrant du mal, c’est-à-dire, en les empêchant de consentir à l’impiété du tyran en fureur, et en les aidant à mourir pour la vérité, pour la justice et pour la foi de Jésus-Christ.
VERS. XI. – Je viendrai bientôt, garde ce que tu as, de peur que quelque autre ne reçoive ta couronne.
Ces paroles contiennent un salutaire avertissement de l’arrivée subite et inopinée de Jésus-Christ, en même temps qu’une exhortation, pour les fidèles, à continuer dans la bonne voie. Et ce sont là comme deux boucliers de première nécessité, qu’il nous présente tout d’abord contre la dernière tribulation décrite en saint Matthieu, XXIV.
1° Car alors les hommes estimeront que le règne de l’Antéchrist sera d’une durée excessive, à cause de la grande félicité et de la puissance de ce tyran. Les Juifs et les autres infidèles qui le recevront comme le Messie, croiront son règne éternel. Or, c’est pour abattre cette présomption, et pour détruire cette fausseté, qu’il dit ici : Je viendrai bientôt.
2° Comme dans le temps de l’horrible persécution de Dioclétien, qui fut le prototype vivant de l’Antéchrist, plusieurs fidèles renoncèrent à la foi de Jésus- Christ, et sacrifièrent aux idoles ; parmi lesquels le saint Pape Marcellin lui-même, qui fit ensuite pénitence, et subit le martyre courageusement. Comme aussi, sur les quarante martyrs du temps de l’empereur Licinius, il y en eut un qui fit défection, dont la couronne fut ensuite donnée à Janitor ; c’est ainsi qu’il arrivera dans la persécution de la fin des temps, et pis encore ; car elle surpassera toutes les précédentes. Voilà pourquoi Jésus-Christ, comme un général en chef, a soin de prévenir Ses soldats à l’avance, en les armant du bouclier souverainement nécessaire, de la force, de la constance et de la persévérance. Il les exhorte donc en leur disant :
VERS. 12. – Garde ce que tu as, de peur que quelque autre ne reçoive ta couronne. Quiconque sera victorieux, J’en ferai une colonne dans le temple de Mon Dieu, et il n’en sortira plus ; et J’écrirai sur lui le nom de Mon Dieu, et le nom de la ville de Mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de Mon Dieu, et Mon nouveau nom.
Pour donner plus de force à Ses soldats chéris, et pour les confirmer davantage dans la dernière et la plus terrible des persécutions, Notre-Seigneur Jésus- Christ fait suivre dans le contexte, la promesse des plus grands biens, comme une récompense proportionnée aux victoires difficiles que les justes auront remportées sur le tyran.
La première de ces victoires sera la fermeté et la constance, par lesquelles ils seront comme des colonnes de persévérance dans l’Église du Christ. Ils résisteront à la fureur du tyran, à ses faux miracles et à ses inventions diaboliques, et ils sacrifieront leur corps, leur sang et leur vie, pour la vérité et pour la justice.
La seconde victoire sera la confession du vrai Dieu, qui créa le ciel et la terre, et tout ce qu’ils renferment ; et c’est contre cette confession que l’Antéchrist sévira principalement, et se constituera le dieu des dieux.
La troisième victoire sera la foi ferme et la fidélité de l’Eglise du Christ, que l’Antéchrist rejettera comme une imposture, et dispersera dans sa fureur aux quatre vents du ciel, sur les montagnes arides, et dans les cavernes.
La quatrième, enfin, sera la confession du nom de Jésus-Christ, contre laquelle le tyran s’élèvera. Il se glorifiera dans ses faux miracles, qu’il fera à l’aide d’artifices diaboliques. Il se dira le Messie, et il sera reçu comme tel par les Juifs , selon les paroles de Jésus-Christ même, en saint Jean, V, 43 : «Je suis venu au nom de Mon Père, et vous ne Me recevez point ; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez».
A ces quatre vertus, mérites et victoires insignes des justes, Dieu promet, en proportion, quatre sortes de récompenses et de gloires.
La première est contenue dans ces paroles : J’en ferai une colonne dans le temple de Mon Dieu, et il n’en sortira plus. On place des colonnes dans les palais des rois pour soutenir la masse de l’édifice, pour en être la gloire et l’ornement, et pour en rehausser la splendeur : or, c’est ainsi que les justes de Dieu, qui dans le temple du Christ, c’est-à-dire, dans l’Eglise militante, auront été, par la fermeté de leur foi, des colonnes de la vérité et de la justice de Jésus-Christ, en les défendant, en les prêchant, en combattant et en mourant pour elles ; c’est ainsi, disons-nous encore, que, dans le temple de Dieu et dans l’Eglise triomphante, les justes seront aussi des colonnes éternelles, éclatantes de gloire, en présence de tous les saints et de tous les anges du ciel. Ensuite, comme ces justes seront fidèlement et constamment demeurés dans le temple de Dieu sur la terre, c’est-à-dire, dans l’Eglise catholique, sans en jamais sortir pour aller dans les sectes de l’Antéchrist et des autres hérétiques, en abandonnant la vraie foi ; ainsi demeureront-ils dans le temple éternel de Dieu, sans jamais en sortir. Ils seront immortels, impeccables, stables et immuables, pour l’éternité. Ils n’auront plus de douleurs à souffrir, et ne verseront plus de larmes. Enfin la mort, la faim, la soif, et toutes les autres misères du corps et de l’âme, n’auront plus de prise sur eux.
La seconde récompense se trouve dans ces paroles : J’écrirai sur lui le nom de Mon Dieu. Car ils seront semblables à lui, selon saint Jean, III, 3 : et ils seront même appelés des Dieux, comme on le voit dans le Psaume LXXX, 6: «Je l’ai dit vous êtes des Dieux, vous êtes tous les fils du Très- Haut».
La troisième récompense est exprimée ainsi : Et j’écrirai sur lui… le nom de la ville de Mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de Mon Dieu. C’est-à-dire, que les justes seront le temple de Dieu, dans lequel le Roi des rois, et le Seigneur des seigneurs daignera habiter, et ils le posséderont pendant toute l’éternité, par la vision béatifique.
La quatrième récompense, enfin, se trouve dans ces mots : J’écrirai sur lui… Mon nouveau nom ; voulant dire qu’Il honorera les justes de Son nom ; car ils seront appelés les fils de Dieu, selon saint Jean, III, 1.
VERS. 13. – Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Églises. Même explication que plus haut.
§ III Du sixième ange qui sonna de la trompette.
CHAPITRE IX –
VERSET 13-20 de l’Apocalypse.
I.VERS – 13.- Et le sixième ange sonna de la trompette.
Lors donc que le règne des Lombards et des Goths eut été détruit, et que l’hérésie d’Arius eut été reléguée en enfer, l’Eglise du Christ jouit d’un repos parfait, et n’eut aucune hérésie à déplorer depuis l’an 800 de l’ère chrétienne, jusqu’à l’apparition du diacre Bérenger dans les Gaules, l’an 1048, qui osa nier la présence réelle de Jésus-Christ dans la très Sainte Eucharistie. L’an 1117, Durandus de Wandoch enseigna avec un autre sectaire, dans l’Aragon, que le mariage n’est qu’un concubinage déguisé ; mais ils furent brûlés l’un et l’autre, et par là on, mit fin à cette hérésie naissante, C’est ainsi que furent supprimées dès leur origine toutes les hérésies qui parurent ; de sorte que l’Eglise latine et l’empire d’Occident n’eurent aucun malheur considérable à déplorer jusqu’en I517, où parut en Allemagne Martin Luther, qu’on peut considérer comme le prince des hérésiarques. Le saint prophète ne décrit pas tous les moindres maux qui arriveront dans l’Eglise, mais il se borne aux principaux, laissant de côté ces hérésiarques intermédiaires et de peu d’importance qui ne furent que, comme nous l’avons dit, le prodrome du grand malheur que nous allons décrire. Et voilà pourquoi il s’applique à dépeindre dans ce cinquième âge, et sous la figure du sixième ange sonnant de la trompette, le plus grand et le plus terrible des hérésiarques, avec tous ses caractères et avec toutes les conséquences de ses erreurs. Il suffit d’examiner le contexte, la nature, et le caractère de cet hérésiarque et de ses erreurs, pour être convaincu que c’est bien Martin Luther que saint Jean désigne à la lettre par le sixième ange qui sonna de la trompette.
1° Comme Lucifer, le roi des ténèbres trouva dans Luther un instrument utile pour l’exécution de ses plans, il le choisit pour chef dans la guerre d’extermination qu’il allait déclarer à l’Eglise latine. Lucifer donna à ce moine, pour le diriger, un docteur d’une malice et d’une astuce consommée, que saint Jean appelle avec raison l’ange de l’abîme et le docteur de tous les hérésiarques, comme on l’a vu plus haut, et dont le nom en latin signifie Exterminateur. Or, on sait que Luther se glorifiait souvent lui-même de ce nom qui lui convient en effet.
2° En conséquence, Martin Luther doit être considéré comme le plus mauvais et le plus dangereux de tous les hérésiarques, puisqu’il vomit contre l’Eglise latine des erreurs si perverses et si nombreuses, qu’il n’y a pas un seul point de la foi ou de la morale que cet hérétique ou ses adeptes aient laissé intact. Il s’ensuivit une telle confusion dans les idées, et les esprits furent si divisés entre eux, qu’on peut considérer ce mal comme allant jusqu’à l’infini. Du moins on ne trouvera pas une province, une ville, un hameau, une famille, que dis-je, pas même deux hommes de la même maison qui pensent l’un comme l’autre et qui soient d’accord sur tous les points de leur croyance. Le principe fondamental de ce malheur a sa source dans la libre interprétation et dans l’examen particulier de la sainte Écriture. Et c’est de ce principe que découlèrent une infinité de sectes diverses dont les principaux et les premiers chefs furent Thomas Münzer, Jean OEcolampade, André Carlostadt, Zwingle, Jean Calvin, George David, Christophe Schapler, Philippe Mélanthton, Martin Bucer, Jean de Westphalie, Balthasar Parimontanus , Jean de Leide , Jean Spangenberg, Michel Servet, Jean Brenz , Théodore Bèze, Luc Sterenberg, qui furent déistes ou trinitaires ; Louis Alemann qui fut athée, etc. Voir le catalogue de Lindau, évêque de Ruremonde, sur Martin Luther, et sur l’origine et la patrie de tous les hérésiarques de ce temps.
3° Nous n’avons que trop appris à connaître, pour notre malheur, le caractère particulier de cette hérésie, qui est d’exciter à la guerre et à la sédition comme Luther lui-même prenait plaisir à le publier dans ses discours et dans ses écrits, et selon cette expression favorite de Zwingle : L’Évangile demande du sang. Cette doctrine séditieuse et sanguinaire de Luther, proclamée hautement et répandue publiquement par des libelles et des prédications contre Dieu et les monarques, provoqua en effet une terrible effusion de sang. Excités par la voix de Luther, et poussés à la révolte par Münzer, Carlostadt , Bucer, et par d’autres encore , une masse d’hommes égarés, connus sous le nom de paysans, envahirent les monastères et les églises de la Souabe, de l’Alsace, de la Thuringe et de la Franconie, pour les piller et les détruire. Dans la seule Franconie, il y eut jusqu’à 300 cloîtres et 180 châteaux féodaux saccagés. Ces rebelles n’épargnèrent pas plus les personnes que les propriétés, et ils se livrèrent à de tels excès dans le massacre qu’ils faisaient des nobles, qu’il en résulta une guerre ouverte, que ceux-ci entreprirent contre les paysans, et dans laquelle tombèrent plus de 130 000 de ces insensés. Combien de victimes durent payer de leur sang les fureurs de Zwingle dans la guerre civile qui affligea si cruellement la Suisse ! Vinrent ensuite les guerres de France et de la Belgique, qui durèrent depuis l’an 1595 ; puis la guerre de Smalkade, l’an 1547 ; la guerre de Livonie ; le massacre de la Saint-Barthélemi, ou la guerre civile excitée par Calvin qu’on eût pris pour un dictateur ; enfin la guerre des protestants proprement dite ou de 30 ans, qui commença l’an 1618, et dura presque sans interruption jusqu’au déplorable traité de paix qui fut si funeste à la religion catholique, l’an 1650. Combien de milliers et même de millions de victimes tombèrent en Europe par le fer, par le feu et par la peste ? Combien de milliers de catholiques perdirent la vie en Angleterre, surtout au temps d’Élisabeth, par la peine capitale et par d’autres supplices ? L’esprit de cette hérésie fut si sanguinaire, qu’il n’épargna pas même ses propres rois et ses propres princes : nous en trouvons un horrible exemple donné tout récemment par les Écossais, qui trahirent et livrèrent leur souverain légitime, Charles Stuart, et par les Anglais qui le firent décapiter par sentence publique, sans même l’avoir entendu.
4° L’hérésie de Luther causa à l’Eglise et à l’empire romain trois grands et horribles maux qu’on pourrait comparer à trois pestes.
Le premier fut la confusion et l’obscurcissement des vérités de la foi provenant d’erreurs opposées entre elles, et dont la variété étonne autant que le nombre. Le sens légitime de l’Écriture fut presqu’entièrement corrompu par Luther et ses impies adeptes ; les versions de la Bible furent éditées en si grand nombre et si peu conformes les unes aux autres, qu’on ne savait plus ce qu’on devait croire ou rejeter.
Le second mal fut comme un grand incendie allumé dans les esprits des hommes qui arrivèrent à un tel degré d’irritation, qu’on les vit s’insurger les uns contre les autres ; les états contre les états, les royaumes contre les royaumes. Tant d’horribles et de si cruels massacres qui se succédaient les uns aux autres presque sans interruption, et pendant si longtemps, coûtèrent la vie à des centaines de mille hommes. Telle fut la terrible conséquence de cette liberté ou plutôt de cette licence qu’on prêchait aux peuples pour les persuader que ni les hommes, ni même les anges n’avaient aucun droit de leur imposer des lois, qu’autant qu’ils voulaient bien les accepter. Le célibat était appelé une tyrannie. On livrait au mépris le pouvoir et la juridiction du souverain Pontife, des évêques et des prélats de l’Eglise et l’on violait tous les préceptes ecclésiastiques. On attribuait aux princes temporels le droit de s’emparer des biens des principautés et des dignités de l’Eglise, ne réservant aux prêtres que le seul droit d’être entretenus. Les inférieurs se révoltaient contre leurs supérieurs et secouaient le joug du Seigneur. Les ecclésiastiques eux-mêmes se dépouillaient de leur costume pour se marier. Les princes et les nobles se mirent à haïr le souverain Pontife, les évêques et les prêtres, dépouillèrent les évêchés, les prébendes, les bénéfices et les monastères, etc.; et lorsque l’empereur voulut les en empêcher, ils prirent les armes et se révoltèrent contre lui. Que celui qui désire mieux connaître cette infâme tragédie, lise l’histoire des faits qui se succédèrent depuis 1525 jusqu’à l’an 1650. Mais nous n’avons pas encore vu la fin de ces maux en Angleterre, en Écosse et en Irlande, et l’Allemagne ne sera pas en paix de longtemps. Or, quiconque examinera attentivement et sans passion la cause de ces malheurs, sera forcé de l’attribuer uniquement à cette affreuse hérésie.
Le troisième mal qu’elle produisit fut la corruption de toute morale et de toute discipline tant ecclésiastique que civile ; car on sait qu’il n’y a pas un seul point de la morale et de tout ce qui a rapport aux bonnes moeurs que Luther n’ait empoisonné de son souffle pestilentiel. D’où l’on peut conclure que cet hérésiarque ne fit pas seulement une guerre spirituelle ou morale, mais qu’il attaqua et bouleversa même, politiquement parlant, presque tout l’empire romain.
5° Le langage de Luther et de ses adeptes fut présomptueux, superbe et audacieux, à un tel point qu’il n’épargna aucune chose, si sainte qu’elle fût, ni aucune vérité, même la plus ancienne et la mieux établie. Sa bouche, semblable à la gueule du lion, déchirait et dévorait tout ; il vomissait, pour ainsi dire, le sarcasme, le mépris et la calomnie contre l’autorité du souverain Pontife, et contre la science et la vertu des saints Pères, n’épargnant dans sa fureur ni les hommes, ni les anges, pas même la très Sainte Trinité. Qu’on lise pour s’en convaincre ses écrits, et surtout les discours publics qu’il prononça dans les assemblées de Worms, et en particulier celui De Destructione, lib. contre le roi d’Angleterre.
6° Cette hérésie envahit en peu de temps non seulement toute l’Allemagne, à l’exception de la Bavière et du Tyrol, mais encore presque tous les peuples du Nord. Elle se répandit en France, en Belgique, en Hongrie et en Pologne. L’Angleterre, l’Écosse, le Danemark, la Suède et presque toutes les villes impériales se séparèrent de l’Eglise latine. Comme un torrent dévastateur, elle entraîna après elle les princes de l’empire, et prit un tel accroissement de force et d’extension, qu’elle se propagea en peu de temps, et s’étendit et continue de s’étendre sur terre et sur mer, parce que sa doctrine flatte la puissance et l’avarice des princes, et le goût dépravé d’une génération charnelle. Satan, ne pouvant rien par lui-même sur le monde, se servit de Luther par la permission divine, et celui-ci ne réussit que trop dans l’exécution de ses plans infernaux, parce que toute chair avait corrompu ses voies, et que personne n’était plus content de vivre selon sa condition. Le peuple recherchait la licence, les princes et les nobles ambitionnaient les honneurs et les richesses, et le clergé étant dégoûté du célibat, se livrait aux voluptés. Faut-il donc s’étonner si tous ces états acceptèrent avec tant d’empressement la doctrine flatteuse, mais perverse de Luther ? C’est à cette génération pervertie que saint Paul adresse ces paroles si pleines de vérité, II Tim., IV, 3 : «Un jour viendra que les hommes ne supporteront plus la saine doctrine et qu’ils multiplieront au gré de leurs désirs les maîtres qui flatteront leur orgueil; et ils fermeront l’oreille à la vérité et l’ouvriront à des fables». Les assertions de Luther étaient si extravagantes, que tout homme sensé doit être saisi d’étonnement de voir de si grands monarques en être épris ; mais, hélas ! ces princes multiplièrent au gré de leurs désirs de tels maîtres, qui flattaient leur orgueil et leur convoitise, comme ils continuent encore de le faire.
7° Enfin cette hérésie de Luther distilla un poison plus funeste encore dans le pseudopoliticisme et l’athéisme dont les principaux propagateurs furent Machiavel, Bodin et d’autres encore. En effets leurs ouvrages sont en vénération chez les princes, chez les nobles, et parmi beaucoup d’hommes illustres qui se glorifient cependant d’être catholiques. Et ce nouveau poison déguisé sous des apparences flatteuses pour les sens, infecte et envenime dans les esprits tout ce que les premières erreurs, qui en sont les éléments, y avaient laissé d’intact. Son essence pestilentielle s’est glissée jusque dans les conseils des princes, des états et des républiques, qu’il inspire, qu’il gouverne et qu’il dirige. C’est par elle qu’on parle, qu’on sent, qu’on tolère, qu’on permet et qu’on agit tout au contraire de la vérité et de la justice. Et c’est là la queue et les dernières conséquences de ce dragon et de sa funeste doctrine. Car Machiavel et Bodin, et surtout les adeptes de Calvin, recueillirent cette essence de poison sur les plantes du champ de l’erreur, et en firent un mélange avec l’esprit infernal, afin de produire sur les âmes l’effet que Luther lui-même n’avait pu obtenir. Ce fut en effet, par l’infusion de cette essence dans les esprits et les coeurs, que Lucifer parvint à empêcher la vraie réforme et la conversion du monde à la foi catholique. Par ce moyen il rendit impossible la restitution des biens de l’Eglise, il enseigna aux hommes à dissimuler la foi, et imbiba de faux et abominables principes une grande partie de la noblesse. C’est par là qu’il rendit inutiles tous les efforts qu’on tenta par la discussion et même par la force des armes, pour guérir l’Europe et particulièrement l’Allemagne. Tant il est vrai que la sagesse ou plutôt l’astuce de ce monde prévaut facilement sur les hommes ! Luc, XVI, 8 : «Les enfants de ce siècle sont plus habiles dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière». Nous ne vîmes que trop s’accomplir en Allemagne cet oracle de Jésus-Christ, Matth., XII, 43 : «Lorsque l’esprit immonde sort d’un homme, il erre dans des lieux arides, cherchant le repos ; et il ne le trouve pas. Et il dit : Je reviendrai dans ma maison d’où je suis sorti ; et revenant, il la trouve vide, nettoyée et ornée. Alors il va et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, et entrant, ils y habitent, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier ; et il en sera ainsi de cette génération criminelle». Nous voyons en effet toutes les hérésies modernes se résoudre en une seule et aboutir au pseudopoliticisme et à l’a- théisme. Chacun se forme à son gré une conscience et une religion qu’il base pour la forme sur ses principes politiques. Qu’est-elle autre chose, la religion des pseudopolitiques et des athées, sinon une pure hypocrisie ? Car ils disent dans leur coeur : que m’importe la religion ? Dieu n’existe pas, c’est un mot; il n’y a point d’autre vie que la présente. Et c’est ainsi qu’ils se moquent des plus grandes vérités. C’est de cette race impie que parle le saint roi David quand il dit : Ps. XIII, 1 : «L’insensé a dit dans son coeur : il n’y a point de Dieu. Ils se sont pervertis ; ils se sont corrompus, et sont devenus abominables dans toutes leurs affections : il n’en est pas un qui fasse le bien, pas un seul… Leur gosier est un sépulcre ouvert, ils se sont servi de leurs langues pour tromper avec adresse ; le venin des aspics est sous leurs lèvres. Leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ; leurs pieds se hâtent pour répandre le sang. Toutes leurs voies ne tendent qu’à affliger et qu’à opprimer les autres ; ils n’ont pas connu le sentier de la paix; la crainte du Seigneur n’est pas devant leurs yeux, ne comprendront-ils pas enfin, ces ouvriers d’iniquité, qui dévorent Mon peuple comme un morceau de pain? etc.». De cet abrégé historique passons maintenant au texte.
II. VERS. 13. – Et le sixième ange sonna de la trompette.
Ce sixième ange fut donc Martin Luther, le prince des hérésiarques, et l’un de ceux qui sont décrits sous les sept trompettes. Il fit retentir la sienne en décla38 mant contre les indulgences et en disséminant ses horribles erreurs, par ses discours, par ses écrits et par ses adeptes, presque par toute l’Europe. (De occasione et causa hujus apostasiæ vide Doctorem Gabriel. Prateolum, Marcassium, Lib. 10. Elench. Alphab. Hæreticorum.) Ce fut contre cet hérésiarque que s’assembla le Concile OEcuménique de Trente, sous les empereurs Charles Quint et Ferdinand, et par les souverains Pontifes Paul III, Marcel II, Paul IV, Pie IV, et Pie V. Luther fut condamné à l’unanimité comme hérétique, ses livres ayant déjà été condamnés à Rome le septième jour des Calendes de juillet l’an 1520, et lui-même ayant été excommunié auparavant par Léon X, le même pape qui concéda et fit publier les indulgences en Allemagne. Le soin de cette publication avait été confié à l’électeur de Mayence qui, selon l’usage, en chargea les Dominicains ; et c’est ce qui excita la jalousie, l’avarice et l’orgueil de Luther et des siens, jusqu’au point d’apostasier.
Et j’entendis une voix qui sortait des quatre coins de l’autel d’or, qui est devant Dieu.
VERS. 14. – Voix disant au sixième ange qui avait la trompette : Déliez les quatre anges qui sont enchaînés sur le grand fleuve d’Euphrate.
Par l’autel, saint Jean désigne ici l’Eglise universelle, ou les prélats, les évêques, les docteurs et les prêtres unis avec leur chef le souverain Pontife. Ils sont appelés avec vérité l’autel, parce que c’est dans eux et par eux que les prières et les bonnes oeuvres de la chrétienté sont offertes chaque jour à Dieu le Père, par Jésus-Christ ; et c’est de cet autel que s’élève jusqu’aux cieux l’encens du repentir et de la douleur. C’est pourquoi cet autel est appelé d’or, parce qu’il n’y a que la seule Église qui soit continuellement illuminée par la sagesse éternelle que l’or représente.
Il est dit aussi que cet autel est devant Dieu parce qu’en effet l’Eglise catholique est toujours présente aux yeux du Seigneur qui la garde et la protège d’une manière toute particulière, et l’empêche de tomber dans quelque erreur que ce soit, ou d’être vaincue par aucun ennemi. Si ses membres se rendent coupables de quelque faute, il les châtie et les corrige comme un bon Père, selon sa promesse contenue dans les Paralipomènes, II, c. VII, 15, à l’égard du temple de Salomon qui était la figure de l’Eglise catholique : «Mes yeux seront ouverts, et mes oreilles attentives à la prière de celui qui m’invoquera en ce lieu, parce que j’ai choisi ce lieu et je l’ai sanctifié, afin que mon nom y soit à jamais, et que mes yeux et mon coeur y soient toujours attachés». Ainsi donc une chose qui est devant Dieu signifie, selon l’Écriture, la garde, la sollicitude, le soin et l’amour paternel du Seigneur à son égard. Or telle est l’Eglise de Jésus-Christ qu’Il s’est acquise par Son précieux sang. Nous avons un exemple de cette sollicitude et de cette vigilance dans l’histoire naturelle des animaux : qui n’a pas eu occasion d’admirer dans les femelles des oiseaux leur oeil de vigilance et leurs ailes de protection pour leurs poussins ? Cet autel dont parle saint Jean dans son texte, avait quatre coins, pour signifier encore mieux l’Eglise qui s’étend dans les quatre parties du monde, en Orient, en Occident, au Nord et au Midi ; et comme l’Eglise universelle est l’assemblée de tous les fidèles du monde réunis sous un seul chef qui est notre saint Père le Pape ; et que chaque fois qu’elle s’assemble en concile tous les prélats et tous les docteurs du monde sont convoqués, voilà pourquoi nous trouvons ces paroles pleines de sens et de vérité dans l’Apocalypse: Et j’entendis une voix qui sortait des quatre coins de l’autel d’or. Cette voix fut celle du saint concile de Trente qui sortit des quatre coins de l’autel. Elle fut une, parce que ce concile fut général et qu’il condamna d’une voix unanime, et livra à Satan, l’impie Luther avec toutes ses erreurs. Voix disant au sixième ange, à Martin Luther, qui avait la trompette, et auquel Dieu avait permis de prêcher, de propager, de disséminer par Lui-même et par les Siens, les erreurs les plus nombreuses, les plus variées et les plus criantes, que ses passions effrénées, son orgueil indomptable et son audace sans pareille, avaient pu produire. Déliez les quatre anges ; c’est une manière de parler pour provoquer quelqu’un au combat et lui déclarer la guerre, lorsque tous les autres moyens de pacification ont été épuisés pour vider une affaire urgente et nécessaire.
C’est ainsi que procéda Jésus-Christ, lorsqu’Il eut vu que le démon était entré dans le coeur de Judas qui devait Le trahir et Le livrer aux Juifs ; Il lui dit, Jean, XIII, 27 : «Fais promptement ce que tu fais». Et c’est ainsi que nous agissons nous-mêmes lorsque nous voyons qu’il n’y a plus d’autre moyen d’échapper à un ennemi que par une juste défense ; nous nous préparons résolument au combat et nous attaquons avec intrépidité l’ennemi qui nous insulte. Cette expression impérative : Déliez, n’est donc pas autre chose dans le sens du texte, qu’une provocation à la guerre spirituelle contre la fureur de Satan et de tout l’enfer qui se servait de cet hérésiarque pour essayer d’exterminer l’Eglise latine. Nous avons dit que cette expression Déliez est impérative, ordonnant en effet au souverain Pontife et au concile de Trente, de porter une sentence d’excommunication et de condamnation contre l’impie Luther et ses adeptes ; et ce fut là l’occasion qui enflamma le plus sa fureur et l’excita aux plus honteuses diatribes contre les souverains Pontifes, contre les saints conciles, les indulgences, le célibat, les dignités, le pouvoir, l’autorité et les biens ecclésiastiques. On peut s’en convaincre par ses écrits et par ses discours. De plus, cet ennemi infernal excita les princes de l’empire, le peuple, et même des ecclésiastiques contre le pape, les évêques, et les prélats, cherchant toujours et par tous les moyens à exterminer l’Eglise. C’est du moins ce qu’on voit clairement par les efforts qui furent tentés et qu’on tente encore de nos jours.
Déliez les quatre anges qui sont enchaînés sur le grand fleuve d’Euphrate. Par le grand fleuve d’Euphrate on comprend l’empire romain qui est appelé un grand fleuve.
1° A cause de la multitude des peuples qui le composent. Car l’Europe qui appartient en entier à cet empire est très peuplée, selon ces paroles de l’Apocalypse même, XVII, 15 : «Les eaux que tu as vues, où la prostituée est assise, sont les peuples, les nations et les langues».
2° Parce que, comme l’Euphrate était l’un des quatre grands fleuves du Paradis terrestre, selon la Genèse, II, 14 : «Le quatrième fleuve est l’Euphrate» ; c’est ainsi que l’empire romain était l’un des quatre principaux empires du monde et même le plus grand, le plus puissant et le plus durable, comme on le voit dans l’histoire romaine et dans les prophéties de Daniel, II. Quelle ne fut pas la puissance de cet empire qui fut comme de fer ; et qui, comme le fer, brisa et dompta tous les rois de la terre, et se les rendit tributaires, bien qu’à présent cet empire soit très restreint, et si divisé, qu’on n’y voit que confusion, ainsi que le même prophète l’avait prédit.
3° Comme l’Euphrate est très grand vers sa source, mais qu’ensuite il se divise en divers fleuves et rivières, ainsi l’empire romain fut d’abord immense, puis il diminua avec le temps et se divisa en divers royaumes et républiques qui s’en séparèrent soit par des rébellions, soit par des défections à la foi catholique, soit enfin par quelqu’autre circonstance ; de sorte qu’il n’en reste plus maintenant qu’une petite portion, pleine de troubles, comme nous l’avons dit : Le nombre quatre est souvent employé pour exprimer la totalité d’une chose ; c’est ainsi que nous voyons en saint Matthieu, XXIV, 31 : «Il enverra ses anges avec la trompette et un grand bruit, et ils rassembleront ses élus des quatre vents», c’est-à-dire, tous les élus. Or, c’est de la même manière qu’il faut comprendre par les quatre anges dont saint Jean fait ici mention, l’universalité des méchants que Luther convoqua pour faire la guerre à l’Eglise de Dieu.
Et ces méchants se divisent en deux catégories :
1° celle des ecclésiastiques que cet hérésiarque recruta parmi les siens et dans une infinité d’autres ordres religieux et séculiers tels que Carlostadt, Münzer, OEcolampade, Zwingle, Calvin et un grand nombre d’autres.
2° La seconde catégorie est formée des princes de l’empire et des prétendus docteurs de la réformation que Luther délia comme des bêtes féroces et lança contre les empereurs et les rois, pour abattre les églises et les monastères, et pour s’emparer des biens ecclésiastiques et des évêchés. Il fit tout cela en haine surtout du souverain Pontife, des évêques et des prêtres, et par aversion pour l’Eglise et la foi catholique que les saints pères, les docteurs et tous les saints qui en ont toujours été l’ornement avaient conservée pure et sans tache à travers tous les âges et toutes les difficultés des temps. Les plus pervers parmi ces princes impies et agresseurs furent l’Electeur de Saxe qui abolit les évêchés et tous les monastères de ses États, les électeurs de Brandebourg, de Heidelberg, de Brunswich, le landgrave de Hesse, les rois de Suède, de Danemark et d’Angleterre, et une infinité d’autres princes, ducs, marquis, comtes palatins, barons et nobles. Tout le Nord et même presque tout l’empire romain à l’Orient, l’Occident et le Nord furent déliés contre l’Eglise latine, au son de la trompette de ce sixième ange, parce qu’aucun d’entre eux ne pouvait supporter la saine doctrine du saint concile de Trente. Déliez les quatre anges qui sont enchaînes par la puissance de l’empire ; car ces impies étaient contenus par la force et sous le joug de la puissance de Dieu que l’empire romain représentait, et ils cherchaient à rompre leurs chaînes en hurlant comme des chiens enchaînés. En effet dans ce temps-là, les princes de l’empire, les rois et un grand nombre d’ecclésiastiques étaient semblables au chien en fureur, et à l’étalon qui hennit, à cause de leurs passions effrénées et de leur soif pour les richesses et les honneurs. Mais Dieu, dans Sa puissance, les retint liés jusqu’à ce que la mesure des iniquités de l’empire romain fût comble et la vengeance divine permit que ces impies fussent déliés par Luther, pour châtier cet empire et son Église latine. C’est donc avec justesse que le texte dit : Déliez les quatre anges, pour indiquer la permission divine, sans laquelle nos ennemis demeurent enchaînés et incapables de nuire. Il y avait longtemps que l’Allemagne et même l’empire romain nourrissaient dans leur sein ce principe du mal, et ces affreux désastres auraient eu lieu plus tôt, si Dieu ne les eût pas retardés pour attendre les pécheurs à la pénitence. Car tous les états et toutes les conditions avaient corrompu leurs voies, les sujets ne voulaient plus obéir, les ecclésiastiques violaient la discipline, et considérant le célibat comme insupportable, réclamaient à grands cris le mariage. Les princes et les nobles devenus insatiables, convoitaient d’autres honneurs, d’autres richesses et d’autres dignités. La vue des richesses dans les prébendes, les évêchés et les prélatures excita leur avarice, et, dans leur jalousie, ils conçurent la haine la plus profonde contre ceux qui les possédaient. C’est pour s’en rendre maîtres qu’ils joignirent la calomnie aux scandales dont malheureusement le clergé fournissait tant d’exemples. Tous les hommes oublièrent Dieu sur la terre, et se vautrèrent jusqu’au cou dans la fange des voluptés, des honneurs et des richesses. C’est ainsi que tout était disposé et préparé à une ruine générale que Dieu, dans Sa miséricorde, contint quelque temps, jusqu’à ce qu’Il fit enfin éclater Sa colère. Tel fut jusqu’ici le sort de l’empire romain et de l’Eglise latine qui commencèrent l’an 800 de l’ère chrétienne, époque où cet empire passa aux Germains, continuant de durer jusqu’à ce jour. Nous voyons donc dans leur histoire, que depuis leur origine jusqu’à l’an 1517, c’est-à-dire, l’espace de sept siècles, ils furent exempts de toute hérésie et de toute ruine, si l’on en excepte seulement celles de Bérenger et de quelques autres hérétiques de peu d’importance que nous avons citées ; car la main de Dieu tenait Satan lié, et tous ces hérésiarques qu’on peut envisager comme les prodromes du mal, selon que nous l’avons déjà dit, ne parvinrent jamais à exercer contre l’Eglise les fureurs de l’enfer, que lorsque le jour des vengeances célestes fut venu.
III. VERS. 15. – Et aussitôt furent déliés les quatre anges, qui étaient prêts pour l’heure, le jour, le mois et l’année, où ils devaient tuer la troisième partie des hommes.
Suivent dans ces paroles les effets de la permission divine par laquelle Luther obtint la grande puissance des ténèbres pour commettre avec le plus grand succès les maux horribles dont il affligea si cruellement l’Eglise latine. Car il ne faut pas seulement lui attribuer le mal qu’il fit par lui-même sur les hommes de son époque ; mais l’on doit l’envisager comme le grand coupable et la cause première de tous les désastres que ses erreurs produisirent et produiront encore dans la suite.
Le premier de ces maux fut l’effervescence qu’il excita sur un nombre presque infini d’ecclésiastiques de tout rang et de toute condition, en leur enseignant, par sa doctrine, à secouer le joug de la discipline de l’Eglise, pour parcourir ensuite l’Europe comme des chevaux sans frein, manifestant leurs désirs charnels par d’horribles hennissements, et pervertissant des millions d’hommes par leurs scandales.
Le second de ces maux fut d’exciter par des discours et par des écrits les princes de l’empire à la guerre la plus longue et la plus désastreuse qui fut et sera jamais. Et aussitôt, furent déliés les quatre anges, c’est-à-dire, il fut permis à l’universalité des impies et des méchants, qui étaient prêts et comme enrôlés sous les drapeaux de Lucifer, à qui ils étaient vendus pour faire le mal comme autrefois Achab, III Reg., XXI, qui dit à Elie : «En quoi m’as-tu trouvé ton ennemi ? Elie lui répondit : Parce que tu t’es vendu pour faire le mal au yeux du Seigneur». Nous voyons un pareil prince dans la personne de Frédéric V qui, joint à ses alliés, fit verser en si grande abondance le sang des chrétiens. Tels furent aussi Henri VIII, roi d’Angleterre, Élisabeth sa fille, et récemment encore Gustave-Adolphe, roi de Suède, qui, à la tête des protestants, dévora presque toute l’Allemagne jusqu’à la moelle des os, après lui avoir fait subir les plus sanglants outrages qui puissent humilier une nation. On ne sait que trop, en effet, l’horrible effusion de sang que ce prince provoqua, ainsi que ses rapines, ses vexations, ses homicides, ses sacrilèges et ses autres infamies. Or la première source de ces maux incalculables, passés et à venir, fut la doctrine de Luther.
Et aussitôt furent déliés les quatre anges, qui étaient prêts pour l’heure, le jour, le mois et l’année, etc. L’apôtre désigne par là les diverses époques des guerres du protestantisme dont les moments sont fixés à l’heure, au jour, au mois et à l’année, selon qu’il plaît à la volonté divine de permettre aux chefs de guerre d’arrêter et de déterminer l’exécution de leurs plans.
Où ils devaient tuer la troisième partie des hommes. Ici l’apôtre indique un nombre déterminé pour s’exprimer d’une manière indéterminée ; et par cette troisième partie des hommes, on entend la plus grande partie des chrétiens qui furent et seront réellement tués par ces guerres. Par les hommes, on comprend indistinctement les bons et les mauvais, les catholiques et les impies que ces guerres devaient et doivent encore atteindre.
Par l’heure, le jour, le mois et l’année sont spécialement désignées les principales époques des guerres du protestantisme ; ainsi l’heure indique clairement la guerre des paysans qui dura peu de temps, et dans laquelle cependant 130 000 hommes furent tués par la ligue suédoise et par Antoine Lotharinge.
L’heure désigne aussi les guerres civiles en Suisse, en France et en Belgique qui furent courtes, mais cruelles. Le jour indique la guerre smalkadique qui fut plus longue que celle des paysans, mais qui fut cependant abrégée par l’empereur Charles-Quint, célèbre par ses éclatantes victoires sur les ennemis les plus redoutables.
Le mois annonce la guerre violente, dite de 30 ans, qui dura depuis l’an 1619 jusqu’à 1649. Ces trente ans sont en effet désignés par les trente jours du mois ; car l’on sait que chez les prophètes un jour compte pour une année.
Enfin par l’année, l’apôtre nous fait entendre toutes les guerres et les séditions qui auront lieu en Europe, jusqu’à l’extinction de cette si cruelle hérésie.
VERS. 16. – Et le nombre de cette armée de cavalerie était de deux cents millions.
Par cette armée, saint Jean désigne en général toutes les milices et toutes les troupes que l’Europe, dans une circonstance déterminée, a mises sur pied de guerre, et qu’elle continuera de mettre par les quatre anges, à cause de cette impie et sanguinaire hérésie ; et le nombre de ces milices surpassera tout ce qu’on pourrait croire et supposer relativement aux ressources de l’Europe. Et cependant il semble que cette contrée devrait être déjà épuisée, si l’on considère toutes les batailles sanglantes dont elle fut déjà le théâtre pendant 125 ans. Car presque tous les royaumes, les principautés et les républiques furent ensanglantés par suite de ces erreurs, comme on le voit par ce qui précède. Or, si l’on additionne les chiffres de toutes ces troupes, on obtiendra un nombre incroyable, que saint Jean indique lui-même par un chiffre prodigieux en ces termes : Et le nombre de cette armée de cavalerie était de deux cents millions. Nous disons chiffre prodigieux, et le lecteur sera d’accord avec nous, s’il considère le chiffre plus étonnant encore de l’infanterie que cette si nombreuse cavalerie suppose d’après l’art de la guerre. Aussi le prophète ne s’exprime pas autrement pour ne rien dire de superflu, tout comme il n’annonce qu’une seule armée, bien qu’il y en ait eu et qu’il y en aura un très grand nombre. Son but est de nous faire comprendre que toutes ces armées, si nombreuses et si variées qu’elles puissent être, ne forment cependant qu’une seule armée, moralement parlant, puisque tous doivent tendre au même but et servir la même cause, qui est de combattre pour ou contre les principes de Luther. Toutes ces troupes sont un instrument dans les mains de Dieu pour châtier ce siècle charnel par le massacre de la troisième partie des hommes. Car j’entendis leur nombre. Par ces mots, le prophète veut nous faire entendre que ce n’est pas au hasard, ni sans dessein qu’il cite ce nombre déterminé indiquant un autre nombre indéterminé ; mais il affirme lui-même que ce nombre de deux cents millions lui a été indiqué, et qu’il l’a ainsi entendu en esprit.
IV. VERS. 17. – Et les chevaux me parurent ainsi dans la vision.
Le Prophète passe maintenant de la description des maux physiques à la description des maux spirituels ou moraux de cette hérésie. Et, d’abord , il décrit la manière dont il vit la nature et les propriétés de cette armée spirituelle. Il dit que les chevaux lui parurent ainsi dans la vision. Or, cette manière de voir est purement intellectuelle, et convient parfaitement à son objet qui est la guerre spirituelle, tout comme l’autre manière d’entendre, qui suppose une participation physique de l’ouïe, convenait au premier détail des maux matériels. Et les chevaux me parurent ainsi dans la vision. Par les chevaux on comprend les mauvais prêtres et les impies qui, ayant secoué le joug de toute discipline, et ayant abandonné le frein de leurs passions, renoncèrent à la foi catholique et se mirent à courir comme des chevaux sauvages après Luther. Le nombre de ceux qui manifestaient leurs passions effrénées, par des sortes de hennissements après les voluptés de la chair, était considérable comme celui d’une grande armée de cavalerie.
1° De même que l’étalon mis en liberté dresse sa crinière, agite sa queue, écume, court, hennit après sa femelle, et devient tellement indomptable, qu’il ne se laisse prendre par personne ; ainsi ces hommes impies et sacrilèges qui n’avaient pas su se conserver eunuques par la crainte de Dieu, se croyant déliés, par la doctrine de Luther, du frein de la discipline ecclésiastique, du célibat et de la morale, commencèrent à dresser la crinière de leur orgueil, à jeter leur écume contre l’Église de Dieu, à pervertir les hommes, et à courir après toutes les voluptés de la chair. Ils ne se laissaient guider par personne afin de pouvoir satisfaire plus librement leurs passions, ne pensant pas qu’ils s’exposaient ainsi à être liés, après leur mort, dans la prison éternelle de l’enfer. On doit aussi comprendre littéralement, par ces chevaux, les prédicateurs, soit les ministres de la réforme qui ont vécu, qui vivent encore, et qui vivront pour conserver et propager l’oeuvre subversive de Luther. Or, ce sont là les maîtres dont parle saint Paul, II. Tim., IV, 3 ; et leur nombre forme une grande armée.
2° Les étalons en liberté foulent tout à leurs pieds, même ce qu’ils rencontrent de plus précieux, parce qu’ils sont privés de raison ; et c’est ainsi que Calvin, Zwingle, OEcolampade, Carlostadt et une infinité d’autres, ayant à leur tête Luther, c’est-à-dire, l’ange qui les délia, foulèrent tout à leurs pieds. Semblables à des chevaux échappés, ils couraient dans le jardin de l’Eglise qui était en Europe, n’épargnant pas même les fleurs de ce jardin, c’est-à-dire, les vierges qui avaient voué leur vie et leur sang à Jésus-Christ, pour conserver leur virginité. Ils osèrent les attaquer par leurs sollicitations impures, en disant qu’elles devaient abandonner leur état pour se marier. Ils n’épargnèrent pas non plus les arbres majestueux et anciens des saints Pères, arbres si fertiles par leur doctrine sur les sacrements ; ni les plantations, ni les ouvrages, ni les embellissements des conciles généraux et provinciaux, pas même les horticulteurs dans la succession continuelle des souverains pontifes, depuis saint Pierre jusqu’au présent pape, qui demeurèrent, malgré ces injures, fermes et inébranlables comme des monuments éternels de vérité. Ils attaquèrent et cherchèrent à dévaster toutes les plantes de l’Eglise, qui sont aussi nombreuses qu’il y a de miracles et de vertus chrétiennes produites par la foi catholique. Leurs pieds sont l’orgueil, le mépris, la présomption, la démence et l’impiété, et c’est avec ces pieds qu’ils éclaboussèrent ou attaquèrent le saint baptême, le Christ, la sainte Vierge, la très Sainte Trinité, les saints Pères, la succession continuelle des Apôtres, l’invocation des Saints, le libre arbitre ; ce grand don que Dieu fit à la nature ! enfin, tous les articles de foi et de morale ; car rien ne fut à l’abri de leurs injures. Je dis la vérité, et ne mens point : je souhaiterais que Jésus- Christ me rendit moi-même anathème pour mes frères, qui sont les Allemands, et pour tous les Européens qui sont aveuglés par ces chevaux émissaires, s’ils pouvaient, par ce moyen, ouvrir les yeux à la vérité, qui ne se trouve que dans l’Eglise romaine, une, sainte, catholique et apostolique.
3° De même que les chevaux sont légers à la course, surtout s’ils sont bien montés, ainsi les chevaux émissaires de Luther portèrent, d’une course rapide, le poison de son erreur, qu’ils répandirent en un moment par toute l’Europe, étant montés par les démons qui sont leurs cavaliers, comme nous le verrons plus bas.
4° Les chevaux sont des animaux très robustes et très forts qui, lorsqu’on leur a une fois lâché la bride, peuvent causer de grands dommages dans un champ, ou dans une plantation, et qui ne se laissent plus dompter facilement. Or, les chevaux émissaires de Luther furent aussi très forts, étant appuyés, dans leurs prédications erronées, sur la puissance des princes, des rois, des républiques, des riches commerçants, des villes opulentes, comme ils l’étaient surtout dans les commencements. C’est à l’aide d’une si puissante protection, qu’ils causèrent impunément tant de ruines spirituelles aux âmes, tout en faisant verser en abondance des larmes de sang. Et l’on ne parviendra pas facilement à les dompter, à cause de la puissance des princes sur lesquels ils s’appuient, et à qui ils servent de maîtres qui flattent leur orgueil et leur sordide avarice, selon le langage de l’Écriture. Ces princes protègent de tels docteurs, parce qu’ils leur enseignent une doctrine conforme à leurs désirs, comme, par exemple, de garder injustement les biens de l’Église, les prélatures, les dignités, les principautés et les évêchés. L’histoire de la réforme nous fournit une preuve patente de la difficulté qu’il y avait; surtout dans les premiers temps, de dompter ces chevaux : c’est lorsque le pieux et puissant empereur Ferdinand II employa toutes ses forces pour rétablir l’ordre public dans ses États, en éloignant ces perturbateurs qui livraient les âmes à tout vent de doctrine. Or, l’on sait que tous ses efforts furent paralysés et qu’il dut, tout récemment encore, composer avec l’ennemi, et accepter un traité de paix qui fit tomber la foi catholique dans un état pire que le premier. Car tous les ennemis de l’Eglise, quelque divisés qu’ils soient d’ailleurs entre eux, se réunissent et s’entendent parfaitement, lorsqu’il s’agit d’attaquer les intérêts de la foi, ou de lui causer quelque dommage. On trouve une figure véritable, quoique peu flatteuse, de cet accord des impies, dans la vie agricole : c’est lorsqu’un maître de ferme veut faire mettre le fer au groin d’un porc pour l’empêcher de nuire ; tous les autres accourent à ses cris, et menacent celui qui procède à l’opération.
Et les chevaux me parurent ainsi dans la vision : ceux qui les montaient avaient des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre. Par ces paroles, le Prophète indique et décrit les cavaliers de ces chevaux qui ne sont personne autre que les démons. On sait, en effet, que Luther avoua lui-même, dans ses écrits, qu’il avait de fréquents rapports avec un démon qui le poussait et l’éperonnait, pour ainsi parler, au mal. Il en est de même de tous ses disciples et de ses adeptes, et surtout de ceux qui renient le chef visible de l’Église dans les temps actuels ; ils ont tous des démons qui leur servent de chefs et qui les dirigent. Car, 1° celui qui monte un cheval, le domine ; 2° il le tient serré par la bride et le dirige où il plaît ; 3° il le pique de son éperon pour l’exciter à la course, et pour lui imprimer tous les mouvements qu’il désire : tantôt il le fait avancer, tantôt reculer, et tantôt caracoler. Or, c’est ainsi que les démons agirent sur tous les disciples et sur tous les adeptes de Luther, sous quelque forme qu’ils aient paru et c’est ainsi qu’ils agiront sur ceux qui paraîtront encore dans la suite. Car ils les dominent et les dirigent toujours vers le mal, et ceux-ci comme des chevaux domptés et souples, obéissent sans pudeur aux impulsions de leurs cavaliers, foulant aux pieds la morale, la discipline et les articles de foi. Si ces chevaux sont mous et sans feu, leurs cavaliers se servent de l’éperon, c’est-à-dire, qu’ils leur inspirent un faux zèle et une espèce de fureur mêlée d’orgueil, d’arrogance et d’envie, pour mieux les lancer à la course et disséminer plus rapidement l’impiété, sous le faux prétexte et sous l’apparence du bien et de la vérité. C’est du moins sous ces dehors qu’ils se présentèrent aux villes impériales, et qu’ils s’introduisirent auprès des princes, en leur présentant les richesses de l’Église, et en leur disant, comme le démon dans la tentation de Jésus-Christ : «Nous vous donnerons toutes ces choses, si vous vous prosternez et nous adorez ». C’est encore de la même manière que ces chevaux coururent carrière pour faire retentir par leurs hennissements aux oreilles des ecclésiastiques, de quelque état qu’ils fussent, cette fausse et licencieuse interprétation du passage de saint Paul, I. Cor., VII, 9 : «Il vaut mieux se marier que de brûler». Par leur course rapide, ils propagèrent dans toute l’Europe, en un moment, leurs mensonges si flatteurs pour les passions des hommes. Mais ces chevaux ne se soumettaient pas seulement à leurs cavaliers par leur obéissance et par leur souplesse pour l’attaque, mais aussi pour la fuite. Les hérétiques fuient, en effet, avec aversion tout ce qui est contraire aux démons ; c’est pourquoi ils repoussèrent avec horreur le signe de la croix, l’eau bénite, les cérémonies sacramentelles, les reliques des saints, et surtout la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans la très Sainte Eucharistie. Ils repoussèrent surtout le saint nom de la bienheureuse Vierge Marie, si terrible aux démons, en conséquence de cette ancienne inimitié par laquelle la prophétie divine se réalise chaque jour. Gen., III, 15 : «Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne : elle te brisera la tête, et tu la blesseras au talon». Or, les hérétiques modernes manifestent, par tous leurs faits et gestes, cette vieille et ancienne rancune contre la femme, que les anges et les archanges vénèrent, que les rois, les princes et toutes les générations ont toujours louée et loueront toujours, selon saint Luc, 1, 48 : «Désormais toutes les générations me diront bienheureuse». Ensuite, de même que les démons se montrèrent, dès le commencement, rebelles à Dieu leur créateur, et que, par jalousie, ils poussèrent à la désobéissance nos premiers parents ; ainsi ces chevaux émissaires secouèrent le joug de l’obéissance envers la sainte Église romaine, et excitèrent les États de l’empire à la révolte contre leurs maîtres légitimes et contre le souverain Pontife, vrai successeur de saint Pierre, et chef de l’Eglise universelle. Ensuite, qu’y a-t-il de plus odieux et de plus terrible pour les démons que le saint sacrifice de la Messe ! Or, les hérétiques modernes, vrais précurseurs de l’Antéchrist, firent tous leurs efforts pour le détruire et rejetèrent en effet le sacrifice continuel, comme le fera l’Antéchrist, selon la prophétie de Daniel, XII, 11 : «Et depuis le temps que le sacrifice continuel aura été aboli, etc.». Les démons ne soupirent qu’après le sang des chrétiens, et ne recherchent que les homicides, les discordes, les guerres, les séditions, etc., et ils y excitent les méchants qu’ils tiennent sous leur domination. Or, n’est-ce pas là le vrai portrait de ces chevaux émissaires que la trompette du sixième ange anime sans cesse au carnage et à la dévastation, comme on l’a vu plus haut ? Il résulte donc clairement de tout ce qui précède, que les cavaliers de ces chevaux sont les démons qui les dominent et les poussent au mal, et l’on voit par les détails qui suivent dans le texte, sur les armes et l’uniforme de ces cavaliers, que le Prophète désigna ces démons à la lettre. Car il ajoute : Ceux qui les montaient avaient des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre, c’est-à-dire, qu’ils étaient remarquables par leurs cuirasses de feu, de fumée et de soufre. Or, ces trois choses se trouvent en enfer, et les démons qui l’habitent et qui en sortent pour faire la guerre à Jésus-Christ sur la terre, paraissent briller, d’après le texte, dans ces cuirasses, pour mieux nous faire comprendre quels sont ces cavaliers. Car, comme un roi porte une cuirasse d’or, un officier une cuirasse d’argent et un soldat une cuirasse de fer, chacun selon son rang et son grade, ainsi les démons portaient une cuirasse de feu, de fumée et de soufre. Ces paroles indiquent aussi, littéralement, divers genres de cuirasses que ces démons portaient à cheval, pour être plus terribles dans leur attaque contre l’Eglise de Jésus-Christ ; et on en distingue trois espèces, qui sont :
1° le zèle de la haine implacable, et la noire envie que Satan inspira, par ses faux docteurs, aux princes et aux grands contre l’Eglise romaine, contre le souverain Pontife, contre les cardinaux, les archevêques, les évêques, les prélats ; contre les ordres religieux, et en général contre tout le clergé. L’expérience de chaque jour nous démontre la haine et la jalousie incroyable dont les hérétiques sont enflammés contre l’Eglise du Christ. Et c’est là une cuirasse dont Satan sut parfaitement prémunir ses soldats pour le combat. Car un coeur rempli de haine et d’aversion ne se laisse pas facilement convaincre et persuader par la saine doctrine, par les bons conseils, ni par les remontrances. C’est pourquoi il est dit dans le texte : Ceux qui les montaient avaient des cuirasses de feu. Car de même que le feu brûle et consume, ainsi le faux zèle de la haine et de l’envie consume les coeurs des hérétiques, et les brûlera éternellement.
2° La seconde espèce de ces cuirasses, c’est la confusion et la nouveauté attrayante de la doctrine de cette hérésie sur la foi et la morale. C’est pourquoi il n’était pas facile de la combattre. Car à peine une erreur était-elle réfutée, qu’il en surgissait un nombre infini d’autres plus étonnantes encore. Ce fut là un nouveau et très adroit stratagème que Satan employa dans sa guerre contre l’Eglise latine, et c’est à l’aide de cette forte cuirasse qu’il para tous les coups et marcha sans crainte et avec intrépidité contre son ennemi. Cette seconde cuirasse avait la couleur de l’hyacinthe, ou de la fumée ; car l’hyacinthe ressemble à l’air obscurci, et cette couleur représente parfaitement la confusion des erreurs de Luther. En effet, 1° la fumée est produite par le feu ; 2° elle obscurcit l’air ; 3° elle trouble la vue ; 4° elle est confuse et comme un chaos ; on ne peut la comprimer, et si on la dissipe d’un côté, elle s’étend d’un autre ; 5° enfin, elle fait sortir les larmes des yeux. Or, telle est parfaitement l’hérésie moderne :
1° elle offre le tableau des erreurs les plus nombreuses et les plus variées, et la confusion qui en résulte provient du feu de la jalousie et de l’envie des hérétiques contre les chrétiens ; car ils se plaisent à enseigner et à pratiquer en haine du souverain Pontife et de l’Eglise romaine tout ce qui leur est contraire.
2° Cette hérésie obscurcit par ses erreurs toute l’Europe dont la foi était pure et lucide comme l’air par un beau jour d’été.
3° Elle troubla et gâta la vue, c’est-à-dire, l’intelligence et la saine raison des hommes, à tel point qu’il n’était plus possible de distinguer quelle était la vraie doctrine et la voie qui conduit à la vie éternelle.
4° Elle est comme un chaos de toutes les erreurs précédentes qu’on n’est pas parvenu à dissiper, et plus on veut en faire disparaître les nuages et les vapeurs, et plus elles s’élèvent de toutes parts.
5° Elle fit verser des larmes abondantes et même des larmes de sang, particulièrement en Allemagne, et elle en fera répandre bien plus encore.
Maintenant pourquoi le prophète a-t-il comparé ce mal à l’hyacinthe et non pas à la fumée ? La raison en est que si les erreurs de cette doctrine n’étaient pas autre chose en réalité que de la fumée, elles paraissaient néanmoins plausibles au dehors et avaient une apparence de solidité ; et ces chevaux émissaires les présentèrent sous ces fausses couleurs pour les faire agréer des hommes charnels dont ils flattaient les désirs, du moins pour la vie présente. C’est ainsi que les démons ont coutume de présenter le mal sous des couleurs et avec des raisons bonnes en apparence, afin de mieux réussir à tromper les hommes. On voit donc par là que c’est bien avec raison que le prophète se servit de ces cuirasses d’hyacinthe pour dépeindre ces ennemis du Christ et de son Église.
La troisième espèce de ces cuirasses fut le relâchement de la discipline ecclésiastique et des moeurs chrétiennes remplacées par une vie toute charnelle et par une liberté licencieuse. De sorte que Satan, par cette hérésie, ouvrit la porte à tous les vices et à toutes les voluptés en persuadant aux hommes, par ses ministres, que le chemin du ciel est très facile et couvert de roses, et que Dieu ne punit pas le péché si rigoureusement que les catholiques l’enseignent. Il eut soin surtout de prêcher la plus grande liberté de la chair contrairement au célibat, aux ordres religieux, aux vierges et aux prêtres. Satan fut comme un pêcheur qui, au moyen de cette hérésie, tendit un grand filet sur les grandes eaux de l’Europe, et fit une immense capture de poissons qu’il fit rôtir dans les flammes éternelles ; et la puanteur de la fumée qui sortait de ce feu de la luxure, infecta toute l’Europe. C’est avec cette troisième armure que Satan prémunit ses cavaliers auxquels il donna des cuirasses de soufre. Car le soufre désigne métaphoriquement la puanteur et l’infection des péchés déshonnêtes. Tels furent donc ces trois sortes de cuirasses spirituelles dont les démons furent recouverts et munis pour entreprendre cette terrible guerre que Satan avait déclarée à l’Eglise latine.
V. Et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lion. Dans ces paroles et celles qui suivent, le prophète passe à la description de la nature et des propriétés de ces chevaux. On en concevra sans nul doute une idée monstrueuse et horrible, si on se les représente avec le ventre, les pieds et le corps d’un cheval, la tête d’un lion, une gueule infernale, et la queue formée de serpents. C’est là cependant ce que nous allons vérifier en détail.
1° Il est dit dans le texte que les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lion, et c’est avec justesse. Car de même que la tête du lion est très forte, et qu’elle dévore et déchire de ses dents tout ce qui se présente à elle, ainsi ces chevaux, animés par le son de la trompette du sixième ange, osèrent attaquer et dévorer de leurs dents maudites presque tous les articles de foi, si saints, si authentiques et si anciens qu’ils fussent. Ils n’épargnèrent rien de ce qui appartient aux bonnes moeurs ; pas plus que les choses sacrées, les cérémonies sacramentelles et le culte de la sainte Vierge et des saints. Comme le lion en fureur lance des regards de feu, laisse tomber de sa gueule l’écume de sa rage, fait retentir les vallées de ses affreux rugissements, et répand partout où il passe la terreur du carnage et l’effroi de la mort, ainsi ces chevaux de l’impiété, animés du feu de la haine, enflammés de la fureur de l’envie, et brûlant de la soif de la vengeance contre le souverain Pontife et contre tous les prélats de l’Église, déchirèrent et dévorèrent avec leurs dents de lion toutes les choses saintes et même les sacrements.
2° Le Prophète ajoute : Et de leur bouche il sortait du feu, de la fumée et du soufre. Nous avons dit que le feu désigne l’ardeur de la jalousie, le zèle de la haine et la noire envie dont ces chevaux furent enflammés par les démons qui les montaient, et qui les lancèrent par toute l’Europe pour faire la guerre au souverain Pontife et à l’Eglise latine. C’est avec ce feu qu’ils brûlèrent tous les préceptes de morale et tous les dogmes de la foi catholique. Nous avons dit aussi qu’ils remplirent cette même Europe de fumée et de soufre par la confusion de leur doctrine, et par la fausseté de leur moral, et par la puanteur de leur vie licencieuse. Or, selon le texte, ces trois horreurs sortaient de leur bouche, c’est-à-dire, qu’ils les prêchèrent et les disséminèrent par leurs discours et par leurs écrits. Car que pouvaient-ils prêcher autre chose que ce dont leurs coeurs étaient remplis ? Et de quoi pouvaient- ils être remplis, si ce n’est du mal que les démons leur inspiraient ? Ainsi ces chevaux émissaires répandaient par leur bouche ce que les démons, qui les montaient, portaient comme des cuirasses. C’est en effet la propriété des démons de vouloir le mal que Satan fait commettre dans le monde par ses ministres, qui sont les impies et les méchants. Et la bouche des impies est semblable à l’enfer, d’où sortent et d’où sortiront pendant toute l’éternité le feu, la fumée et le soufre, qui dévoreront ces méchants dans les siècles des siècles. C’est de ces mêmes impies que David a si bien écrit, Ps. V, 10 : «La vérité n’est point sur leurs lèvres ; leur coeur est rempli de vanité, leur bouche est un sépulcre ouvert, et leur langue est pleine d’artifice. Jugez-les, ô Seigneur, etc.». Et Ps. XIII, 5 : « Leur gosier est un sépulcre ouvert, ils se sont servis de leur langue pour tromper avec adresse, le venin des aspics est sous leurs lèvres. Leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ; leurs pieds se hâtent pour répandre le sang. Les angoisses et la désolation sont leurs voies ; ils n’ont pas connu le sentier de la paix.»
3° Le feu, la fumée et le soufre des cuirasses que portaient les cavaliers sont appelés des plaies,
a) pour signifier la funeste influence qu’ils exercèrent en Europe sur l’Eglise latine par la permission de Dieu. Car la mesure des péchés des hommes était comble, toute chair avait corrompu ses voies, et toute l’Europe s’était prostituée, loin de Dieu son Seigneur, à l’orgueil, à l’avarice, à la luxure, à toutes les voluptés de la chair, et à la félicité de la vie présente. C’est en conséquence de ce débordement que cette hérésie enfanta et produisit une génération d’hommes qui lui furent parfaitement semblables, et qui devinrent des enfants de douleur pour le malheur du monde entier.
b) Ces cuirasses sont appelées des plaies, parce que Dieu ne peut pas infliger une plus grande punition à un peuple ou à une nation qu’en permettant qu’elle abandonne la vraie foi pour tomber dans l’hérésie. Aussi Dieu, dans Sa bonté et Sa miséricorde, a-t-Il soin d’annoncer ces terribles châtiments souvent cent et même deux cents ans à l’avance, pour exciter les peuples à la pénitence ; et s’ils persévèrent dans leurs vices et leurs erreurs, il fait enfin éclater sa colère par une ruine complète. Car, selon l’expression de l’Apôtre, Heb., X, 31 : «Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant». Et voilà pourquoi le saint roiprophète nous avertit, Ps. II, 10 : «Maintenant, ô rois, ouvrez vos coeurs à l’intelligence, instruisez-vous, vous qui jugez la terre. Servez le Seigneur avec crainte, et réjouissez-vous en Lui avec tremblement. Embrassez adroitement la discipline, de peur que le Seigneur ne s’irrite, et que vous ne périssiez hors de la voie de la justice, lorsque dans peu de temps Sa colère se sera embrasée». Voir ce qui a été dit, Liv. I, chap. II.
4° Suit la grande dévastation causée par ces trois plaies.
VERS. 18. –Et par ces trois plaies, le feu, la fumée et le soufre qui sortaient de leur bouche, la troisième partie des hommes fut tuée.
Par la troisième partie des hommes, on comprend ici une partie considérable de la chrétienté qui abandonna la vraie foi et périt d’une mort spirituelle, soit par le feu de la jalousie, soit par le venin de la haine contre le souverain Pontife et contre l’Eglise et ses ministres, que ces chevaux émissaires rendirent odieux, soit par la confusion de leur doctrine, et la diversité de leurs erreurs, soit enfin par les attraits d’une vie voluptueuse et d’une liberté de conscience sans limite et sans frein. Aussi le Prophète indique ici littéralement que la troisième partie des hommes perdit la vie spirituelle à cause de cette hérésie, de la même manière qu’il avait dit plus haut, littéralement aussi, que la troisième partie des hommes fut physiquement tuée. Or, cette mort spirituelle d’un tiers de la chrétienté peut facilement se démontrer par la quantité de royaumes, de provinces ou de villes qui furent et sont encore infectés, ou totalement ou en partie, par cette abominable hérésie. Car si l’on compare la multitude des hérétiques qui sont dans le monde au nombre des catholiques restés fidèles, on comprendra facilement la grandeur du mal et la ruine considérable causées par cette hérésie, qu’on doit déplorer avec des larmes de sang.
VERS. 19. –
5° Car la puissance de ces chevaux est dans leur bouche et dans leurs queues.
Ces paroles indiquent la cause des maux que cette hérésie continuera de produire par les conséquences de ses principes, comme l’indique déjà la conjonction Car, qui est mise en tête.
1° La puissance de ces chevaux est dans leur bouche dont ils se servirent pour vomir la calomnie et le mensonge contre le souverain Pontife, contre les prélats et en général contre toute l’Eglise, s’efforçant de les rendre odieux, surtout aux princes et à la noblesse, et en cherchant à persuader tout le monde qu’il ne convenait pas que les ecclésiastiques possédassent plus longtemps des dignités, des principautés et des richesses, à cause de l’abus qu’ils en faisaient. Par leurs discours artificieux et par l’apparence de gravité et de raison qu’ils affectaient de se donner, ils trompèrent une multitude innombrable de personnes de l’un et de l’autre sexe, de tout état et de toute condition ; et c’est par de tels moyens qu’ils attirèrent tant de monde à leur secte, osant se vanter qu’ils étaient inspirés et envoyés de Dieu pour secouer le joug de la servitude du démon. Tel était leur langage contre l’Eglise catholique. Ils ouvrirent aussi leur bouche pour blasphémer et pour prêcher que l’usage des viandes dans les repas est permis tous les jours, et qu’on n’est plus tenu à aucun précepte de l’Eglise. De plus, ils enseignèrent et publièrent par toute l’Europe, qu’on ne doit pas obéir au Pape, et qu’il faut supprimer le célibat, etc., etc. Et parce que leur doctrine si désastreuse pour l’Eglise fut généralement agréée par les rois, les princes, les nobles, les villes impériales et une grande partie des peuples, le prophète a raison de dire que la puissance de ces chevaux est dans leur bouche.
2° Il dit aussi que leur puissance est dans leurs queues. On doit remarquer qu’il indique ces queues au pluriel, pour dire qu’il y en aura plusieurs et de divers genres.
La première de ces queues, c’est l’hypocrisie et l’adulation dont ils se servirent, comme les animaux se servent de leurs queues pour flatter les hommes ; et ces hérétiques s’en servirent pour couvrir la turpitude et dissiper la puanteur de leur doctrine et de leurs vices.
La seconde queue furent les princes, les villes impériales, les républiques et les gouvernements qu’ils entraînèrent à leur suite dans l’erreur et la perdition, en les persuadant qu’ils pouvaient en toute sécurité de conscience prendre ou retenir les biens de l’Eglise, les dignités, les principautés, les prébendes et les évêchés. Et ceux-là coururent après de tels maîtres qui savaient si bien flatter leurs passions, comme des enfants courent après les noix. Faut-il donc s’étonner si, appuyés par de telles puissances, ces chevaux hennissant et agitant leur crinière, osèrent et osent encore jeter leur écume avec tant d’impudence contre l’Eglise latine ? Cette seconde queue leur servit aussi pour cacher leur turpitude et pour dissiper la puanteur de leur hérésie, en ce que les simples parmi le peuple, voyant les grands et les savants, les riches et les seigneurs, les princes et les gouvernements euxmêmes agréer et protéger une telle doctrine, ne pouvaient guère faire autre chose que d’en perdre la tête.
La troisième queue est le pseudopoliticisme et l’indifférentisme récemment introduits dans le monde par Machiavel, Bodin et par d’autres philosophes ; ainsi que l’athéisme qu’on peut considérer comme les dernières conséquences de tant de principes faux et contradictoires de cette doctrine, et par conséquent aussi comme la queue de ces chevaux, puisque la queue est adhérente au corps comme les conséquences d’un principe résultent du corps de la doctrine : ils en sont la dernière raison, comme la queue est le dernier membre de l’animal. De même que la dernière solution du grand problème de la foi catholique c’est Dieu ; ainsi, par opposition, la dernière conséquence de la doctrine de Luther, c’est la négation de Dieu. Et voilà pourquoi tant de princes et tant de gouvernants finissant par se persuader des contradictions et des variations infinies des sectes modernes, et conservant d’ailleurs le premier levain de haine que le protestantisme inspira à un trop grand nombre d’entre eux, même parmi les catholiques, finirent par ne plus croire à d’autre vérité qu’à la religion et à la raison d’Etat ; et ils se contentèrent de conserver les cérémonies extérieures et apparentes pour mieux réussir à contenir leurs peuples dans la soumission ; et ils dirent avec les impies dans leurs coeurs : «Il n’y a point de Dieu».
6° Le Prophète décrit ensuite la nature et les propriétés de ces queues, et il se sert à dessein de la conjonction parce que, pour bien faire comprendre à l’Eglise latine la cause de tant de ruines et de désolations. Parce que leurs queues ressemblent à des serpents, et qu’elles ont des têtes dont elles blessent.
A) Les queues de ces chevaux sont assimilées à des serpents à cause des flatteries dont ils se servent. Car de même que le serpent séduisit par la flatterie nos premiers parents dans le paradis terrestre, et leur fit manger le fruit défendu; ainsi les disciples de Luther séduisirent et continuent de séduire les peuples, en les flattant dans leurs désirs, et en leur persuadant de manger les viandes défendues et de se livrer sans crainte aux voluptés et à la licence. Ils emploient dans ce but des mensonges aussi flatteurs que spécieux, se servant, même au besoin, des textes de l’Écriture dont ils faussent le sens, en disant, par exemple : Matth., XV, 11 : «Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme» ; et I Cor., VII, 9 : «Il vaut mieux se marier que de brûler».
B) De plus, les serpents ne se laissent pas prendre facilement; car si quelqu’un veut en saisir un, il court grand risque d’être mordu, et de recevoir une blessure souvent mortelle. Or, c’est ainsi que sont les queues, soit les conséquences de l’hérésie présente. Car quel est celui qui pourrait se vanter d’avoir saisi l’astuce des hérétiques? Qui pourra extirper la fausse philosophie, la fausse politique et l’athéisme qui se sont glissés comme le poison jusque dans les membres des catholiques eux-mêmes ? Gloire à celui qui pourra faire descendre de leur chaire ces docteurs des ténèbres prêchant l’erreur et le mensonge comme des vipères qui menacent de la mort par leurs horribles sifflements ! Heureux enfin celui qui pourra saisir et dominer, avec l’aide de Dieu, les princes, les rois, les républiques, les villes impériales et toutes les puissances sur lesquelles est appuyée cette erreur ! L’histoire nous apprend que Ferdinand II, empereur aussi pieux que puissant, essaya de le faire, ainsi que Ferdinand III ; mais hélas ! le résultat de leurs efforts fut une horrible blessure qu’ils reçurent en voulant saisir ces serpents si redoutables.
C) La nature du serpent l’oblige à ramper sur la terre, et c’est là précisément ce que font ces hérétiques dont la face, comme celle du serpent, est sans cesse inclinée vers les choses terrestres ne recherchant que les honneurs, les richesses et les plaisirs.
D) Selon la Genèse, III, 1 : «Le serpent était le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur Dieu avait placés sur la terre». Or, il en est de même de la génération présente qui est la plus rusée de toutes celles qui ont existé jusqu’ici. Il est certain que les protestants ont employé contre l’Eglise la ruse la plus raffinée. On n’a qu’à lire pour s’en convaincre les actes de la chancellerie d’Anhalt, ainsi que les décrets de leurs conciles, et l’on y verra tout ce que la ruse leur inspira contre les catholiques et contre l’empire romain ; et l’on comprendra que ce n’est pas à tort que le Prophète les compare aux serpents les plus rusés.
E) Si Dieu, dans Sa malédiction, a établi une inimitié entre le serpent et la femme, entre la race de l’un et de l’autre, Gen., III, on peut alors comprendre quelle inimitié Dieu a permis qu’il existât entre cette nouvelle race de serpents et la femme par excellence, la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu fait homme, qui sera bénie entre toutes les femmes.
F) Il est dit que ces queues ont des têtes, pour nous faire comprendre que les fauteurs et les adeptes de cette hérésie seraient des rois, des princes et un grand nombre de personnages distingués et puissants, qui sont en effet comme la tête, ou les chefs des peuples. De plus, ce n’est pas sans raison que le Prophète désigne plusieurs têtes pour signifier que les dogmes du protestantisme, n’ayant pour base que le principe du libre examen, il s’ensuivrait nécessairement une multitude de sectes diverses, puisqu’on devait rejeter toute autorité qui aurait pu gêner la fausse liberté de conscience. N’est-ce pas là en effet ce que l’expérience n’a malheureusement que trop prouvé par tant de controverses scandaleuses sur la présence du Christ en tous lieux, sur la communication des idiomes divins, sur le nombre des sacrements, sur la foi des enfants dans l’administration du baptême, sur l’usage et les cérémonies de la messe en allemand, etc., etc. Il suffisait qu’un consistoire ou un concile provincial admît et proclamât quelque règle à ce sujet, pour que d’autres conciles et consistoires les rejetassent et même les missent en dérision. N’est-ce pas là une preuve évidente qu’ils n’étaient ni les uns ni les autres appuyés de l’assistance infaillible et de la promesse du Saint-Esprit qui les aurait empêchés de faillir et de se diviser ? Ces têtes signifient aussi la sagesse, l’intelligence et la prudence humaine par lesquelles cette génération surpasse de beaucoup les catholiques; car , selon saint Luc, XVI, 8 : «Les enfants de ce siècle sont plus ha- biles dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière», n’est ce pas là ce que nous avons expérimenté surtout au commencement de ce cinquième âge, en voyant les protestants surpasser de beaucoup les catholiques dans l’art de feindre, de combiner des plans occultes et de dresser des embûches ; dans le talent d’acquérir des richesses et d’étendre le commerce, de réussir dans les négociations, de perfectionner les systèmes d’attaque et de défense pour les forteresses et les places de guerre, dans les lois civiles et les règlements de police extérieure, dans le luxe d’une éducation brillante pour la jeunesse, etc., etc.? Lors donc que le prophète nous dit qu’ils auront des têtes, il veut nous prévenir des dommages considérables que cette génération perverse causera à l’Eglise et à l’empire romain ; et il complète la description de cette hérésie en disant : Leurs queues ressemblent à des serpents…, elles ont des têtes dont elles blessent. C’est-à-dire, qu’ils nuiront particulièrement à l’Eglise et à l’empire romain avec ces trois genres de queues dont nous avons parlé plus haut, et que toute la puissance et la vigueur de cette hérésie, quand elle sera sur le point de finir, consistera dans ces trois queues. De sorte que celui qui parviendra à couper ces queues, mettra fin à l’existence de cette hérésie.
Plaise à Dieu que vienne bientôt ce puissant monarque qui doit bouleverser les républiques, battre en brèche les villes impériales et maritimes qui ne sont pas autre chose que des nids de vipères, étouffer les cris et les sifflements de ces prédicateurs et de ces serpents, et qu’après avoir humilié les hérétiques et les schismatiques, il fasse cesser toute erreur ! Le prophète n’a écrit aucune hérésie avec autant de force et de clarté, et par des comparaisons aussi sensibles que la moderne, afin de mieux faire connaître à l’Eglise latine les maux qui en résulteront. En faisant passer ce monstre devant nos yeux, l’Apôtre nous avertit nous-mêmes, chacun en particulier, de demeurer fidèlement attachés à la foi catholique romaine, et de marcher avec sobriété, chasteté, piété et sainteté en présence de cette horrible bête, de peur que notre ministère ne soit tourné en dérision et avili. De plus, le prophète nous avertit d’éviter la luxure, les plaisirs de la table, l’orgueil, l’impudicité, l’avarice et l’ostentation, de peur que les faibles parmi nous en tirent scandale. Nous devons nous efforcer, au contraire, de briller par notre vie et par notre doctrine comme une lumière dans les ténèbres. Observons la discipline du Seigneur, de peur que Sa colère n’éclate, et qu’Il ne permette que tout ce que nous possédons encore en Europe, ne soit dévoré par cette bête hideuse. Lisez ce qui est écrit dans le petit livre qui traite des sept animaux, et de quelques autres secrets particuliers concernant l’Allemagne.
§ IV Résumé des maux causés par les mauvais catholiques eux-mêmes.
CHAPITRE IX –
VERSET 20-21 de l’Apocalypse
I. Et les autres hommes qui ne furent point tués par ces plaies ne se repentirent point des oeuvres de leurs mains, pour n’adorer plus les démons, etc. Ce texte renferme un admirable résumé des maux considérables que nous, catholiques, avons causés à l’Eglise par nos oeuvres perverses. Car bien que nous soyons demeurés dans la vraie foi, nous nous sommes presque alliés avec la bête, pour combattre contre notre sainte mère l’Eglise. Et les autres hommes, c’est-à-dire, les restes des catholiques, qui ne furent point tués par ces plaies, qui n’abandonnèrent pas la vraie foi. Et les autres hommes. Cette construction ne paraît pas complète au premier abord, parce qu’il n’y a point de verbe et d’attribut. Mais on doit savoir que ce verbe et cet attribut existent cependant, et se trouvent dans ces mots du texte qui précède. Et qu’elles ont des têtes dont elles blessent. En latin la liaison se fait mieux, à cause du pronom illis, qui est des trois genres, au lieu du pronom français elle, qui est féminin, Les autres hommes sont donc aussi le sujet du verbe blesser qui se trouve dans le verset qui précède, et l’attribut se trouve dans le mot : dont ou avec ces têtes ; c’est-à-dire, avec ces têtes dont les autres hommes blessent. Par cette liaison de phrases, le prophète nous indique d’une manière admirable la liaison ou du moins le rapprochement qui unirent presque les restes des catholiques avec les protestants. En conséquence, le prophète veut nous faire entendre que nous aussi, mauvais catholiques, apporterions notre part de bois à cet horrible incendie qui devait embraser l’Europe. Et ces maux dont nous nous rendrons coupables contre l’Eglise se divisent en deux espèces. La première, c’est cette prétendue sagesse et cette ruse de serpent qui président dans les conseils des puissances du siècle, et leur inspirent d’opprimer l’Eglise en la privant de ses immunités et en se servant de toute espèce de titres faux et spécieux pour empiéter sur le pouvoir spirituel, pour grever d’impositions les rentes et mêmes les personnes ecclésiastiques, les corporations, les séminaires, etc. ; et pour leur enlever leurs droits, leurs revenus, leurs dîmes, etc. Et si l’Eglise de son côté, les menace d’excommunication ou porte même des sentences en ce genre, ils rient, ils s’en moquent et persévèrent dans leur péché. N’est-ce pas là le plus mauvais signe que l’Europe entière est sur le penchant de sa ruine et de la prévarication ? Y a-t-il en effet un plus mauvais signe dans un enfant que lorsqu’il se moque de la verge dont sa mère le menace ? Or, c’est en cela surtout que les mauvais catholiques se rapprochent des hérétiques, puisqu’ils font d’une manière occulte et cachée ce que ceux-ci firent au grand jour et avec tant d’éclat.
Ils ravissent aujourd’hui ce que leurs pères fondèrent dans une pieuse intention, mais ils n’en deviennent pas plus riches pour cela ; ils continuent au contraire d’être dans le besoin et les embarras financiers, parce que la bénédiction de Dieu n’est pas sur eux. C’est à tous ces ravisseurs que s’adressent ces paroles du Sage : Prov. , XI, 24 : «Les uns donnent ce qui est à eux, et sont toujours riches ; les autres ravissent le bien d’autrui, et sont toujours pauvres». Puisse-t-on persuader à ces derniers de cesser au plus tôt cette usurpation du pouvoir ecclésiastique, ces exactions, ces impositions, cette oppression du clergé ; et puissent-ils commencer à craindre enfin le glaive de l’Eglise qui est terrible, puisqu’il attire la malédiction de Dieu sur leurs familles et sur les enfants de leurs enfants. Nous en avons un terrible exemple dans Charles Stuart, roi d’Angleterre, dont les prédécesseurs prétendirent être les chefs de l’Église ; cet infortuné dut être décapité et perdre sa couronne en conséquence des malédictions qu’Henri VIII et Élisabeth avaient attirées sur cette malheureuse dynastie. C’est ainsi que Dieu punit les crimes des hommes jusqu’à la troisième et à la quatrième génération.
La second espèce de maux que les catholiques causèrent à l’Église leur mère, ce sont les grands péchés des princes, du clergé et du peuple pour l’expiation desquels on n’a point fait pénitence, selon l’expression du prophète lui-même ; car il ajoute, vers. 21 : «Et ils ne firent point pénitence de leurs homicides, de leurs empoisonnements, de leurs impudicités et de leurs larcins». C’est déjà pour nos énormes péchés que Dieu permit cette funeste hérésie en Allemagne et dans une grande partie de l’Europe ; et c’est parce que nous continuons à pécher qu’il permet qu’elle dure si longtemps. Car à quelle autre cause peut-on attribuer un si triste résultat des efforts de l’empereur Ferdinand II, pour la réforme de la foi et la restitution des biens de l’Eglise, si ce n’est à nos péchés ? Ce prince avait en main tous les moyens pour réussir ; son oeuvre avait bien commencé, et il l’avait même déjà affermie par d’éclatantes victoires, et cependant, à cause des péchés des catholiques, qu’est-il résulté de tout cela, sinon un traité de paix qui compromit davantage encore leur situation ? C’est donc à cause des vices auxquels nous continuons de nous livrer, et dont nous ne voulons pas faire pénitence après les avoir reconnus et confessés, que Dieu, dans Sa colère, a empêché cette réforme de la foi et cette restitution des biens de l’EgIise que nous avions commencées d’une manière insuffisante, puisque nous n’y ajoutions pas la réforme de nos moeurs. Le Seigneur agit en cela comme un père gravement offensé de l’indigne conduite de Son fils qu’il déshérite en déchirant le testament qu’il avait fait en sa faveur, etc. Pour n’adorer plus les démons, les idoles d’or, d’argent, d’airain, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher.
Ces paroles spécifient sept énormes péchés qui sont la cause par laquelle Dieu n’a pas pitié de l’Europe, et qu’il n’y relève point l’Eglise opprimée sous le joug des hérétiques.
Le premier péché, c’est l’idolâtrie occulte des superstitieux dont l’Europe, et surtout l’Allemagne, abondait avant la dernière guerre, et qui commencent déjà à reparaître. Ceux qui se livrent à ces superstitions, entretiennent un commerce secret avec les démons qu’ils adorent dans ces abominations, comme autrefois les gentils les adoraient dans les idoles; et c’est ainsi qu’ils oublient Dieu leur créateur. Or, c’est là un énorme péché que le texte exprime en ces termes. Pour n’adorer plus les démons.
Le second péché, c’est l’avarice, qui est abominable devant le Seigneur.
Le prophète la dépeint métaphoriquement sous la figure de l’idolâtrie, en disant :
les idoles d’or, d’argent, d’airain, de pierre et de bois. De même que les païens fabriquaient la plupart de leurs idoles avec l’or, l’argent, l’airain, etc.; ainsi les hommes de cet âge n’attachent de prix et d’amour qu’à ces futiles objets, et en font l’idole de leur coeur plongé dans l’avarice. Dans ces objets désignés par le prophète, sont contenus tous les autres, et les raisons pour lesquelles il appelle l’avarice une idolâtrie sont les suivantes :
A) parce que c’est le propre des prophètes de désigner ces sortes de choses par des énigmes et par des métaphores.
B) L’apôtre saint Paul appelle aussi l’avarice une idolâtrie, parce que l’une est un aussi grand crime que l’autre. Ephes, V, 5 : «Sachez que nul fornicateur, nul impudique, nul avare, dont le vice est une idolâtrie, ne sera héritier du royaume de Jésus-Christ.».
C) De même que l’idolâtrie fait apostasier, ainsi ceux qui veulent devenir riches, selon saint Paul, tombent dans les filets du démon. I Tim, II, 9 : «Ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège de Satan, et en plusieurs désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans l’abîme de la perdition, et de la damnation. Car le désir des richesses est la racine de tous les maux. Et quelques-uns de ceux qui en sont possédés se sont éloignés de la foi».
Or, n’est-ce pas là ce que nous vîmes en Europe et surtout en Allemagne, où plusieurs princes et autres personnages illustres abandonnèrent la foi, à cause de leur cupidité pour les biens de l’Eglise ? Les avares sont des idolâtres qui adorent les monnaies comme des idoles, mettant toute leur confiance dans les richesses, et commettant avec elles la fornication par l’oubli de Dieu et par le mépris des lois divines et humaines.
D) De même que rien n’est plus vain, plus vil, et plus imparfait que les idoles ; ainsi le plus petit moucheron devrait être bien plus estimé, ce semble, que l’or, l’argent, le bois, l’airain et la pierre pour lesquels cependant les hommes abandonnent Dieu leur créateur et l’Être par excellence. Aussi le prophète exprime-t-il son étonnement sur cette folie, par ces paroles : Les idoles d’or, d’argent, etc…, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher.
Le troisième péché, c’est l’envie, la haine, la colère ; ce sont les rixes, les procès injustes, le désir de dominer et la convoitise ; tout comme aussi les guerres injustes, desquelles il résulte des homicides innombrables. L’Europe en général n’abonde-t-elle pas en homicides de ce genre ? Combien de guerres injustes, parmi lesquelles nous ne citerons que celle de Mantoue, celle de la France contre l’empire romain pour appuyer les protestants, lorsque Ferdinand Il voulut introduire la réforme de la foi et restituer les biens de l’Eglise ; enfin la guerre contre le roi d’Espagne ne fut-elle pas entreprise par une profonde jalousie ? On veut être catholique, mais on ne veut pas vivre en catholique, on appuiera même au besoin les ennemis de la foi par les armes, par de mauvais conseils et par l’argent, sans aucun motif qui puisse légitimer de telles alliances autre que l’intérêt. Combien d’autres guerres injustes ont été entreprises ! Combien d’homicides dont on s’est rendu coupable dans tant de révolutions ! O pécheurs que nous sommes, quand finironsnous par reconnaître nos crimes ? C’est pourquoi le prophète ajoute : Et ils ne firent point pénitence de leurs homicides.
Le quatrième péché, c’est l’homicide particulier. Combien d’assassinats en effet n’avons-nous pas à déplorer ? Combien de femmes enceintes qui détruisent leurs fruits ? Combien de mères, ô horreur de la nature ! qui sont assez cruelles pour verser leur propre sang, le sang de l’innocent ? Que d’empoisonnements cachés ou connus dans la société et dans les familles ! C’est ce que le texte indique expressément : ils ne firent point pénitence… de leurs empoisonnements.
Le cinquième péché est celui de la chair exprimé en ces termes : Et ils ne firent point pénitence… de leurs impudicités. Ici le prophète indique l’espèce pour le genre ; mais sa parole renferme tous les péchés de luxure en général dont lemonde est tellement souillé, qu’on peut bien lui appliquer ces paroles que l’Écriture adresse aux hommes qui vivaient avant le déluge : «Toute chair avait corrompu ses voies». Ah ! ce ne sont pas des paroles, mais des larmes qu’il nous faut ici !
Le sixième péché, c’est l’injustice qui règne partout, et que le prophète indique par ces mots : Et ils ne firent point pénitence… de leurs larcins. Ici encore il cite l’espèce pour le genre, comme on en a beaucoup d’exemples chez les prophètes. Par les larcins, il entend donc l’injustice en général dans laquelle sont renfermées toutes les espèces de vols, de quelque nature qu’ils soient. Or, qui n’a pas à se plaindre des injustices qui lui ont été faites en ce genre, ou du moins qui est-ce qui n’en a pas été menacé ? Mais aussi en est-il beaucoup de ces ravisseurs du bien d’autrui qui reconnaissent enfin leurs torts, et qui réparent leurs injustices ? Ne cherchent-ils pas au contraire, à augmenter encore leur fortune par tous les moyens justes ou injustes, peu leur importe, inspirés qu’ils sont par leur avarice insatiable ?
Le septième péché de cet âge, qu’on doit considérer comme le complément de notre perdition, c’est l’impénitence finale exprimée si clairement par le prophète : Et les autres hommes… ne se repentirent point des oeuvres de leurs mains. Et plus bas : Ils ne firent point pénitence de leurs homicides, etc. Telle est la dernière sentence portée par saint Jean, l’archichancelier des redoutables conseils de Dieu !
O prêtres et laïques de toute l’Europe et surtout de l’Allemagne, ouvrons enfin les yeux pour voir le terrible danger qui nous menace ! Dieu a jeté un regard de colère sur l’Eglise Sa fille ; et depuis plus de cent ans, la guerre, la peste, la famine, les dissensions, les hérésies, les schismes, les révolutions, les maladies de tous genres nous affligent et nous accablent ! Et nous ne faisons point pénitence pour tout cela, nous persévérons dans la recherche criminelle des plaisirs de la chair ; nous sommes encore haletants de la soif des biens périssables et enflés de l’orgueil de la vie. Les yeux de nos âmes sont obscurcis par nos passions, et ne peuvent voir l’abîme dans lequel nous nous précipitons. Ah, éveillons-nous enfin de notre sommeil de mort ! Pour l’amour de Jésus-Christ qui nous a aimés jusqu’au sacrifice du Calvaire ; pour l’amour de nos âmes et pour l’amour de ceux qui viendront après nous, faisons tous ensemble un effort de salut, de peur que le Seigneur ne nous laisse enfin tomber dans les profondeurs de l’abîme sur lequel nous sommes suspendus, de peur aussi que l’horrible bête ne dévore cette belle Europe, et qu’il n’y ait plus personne qui puisse nous sauver. Ainsi soit-il.
(Tout est dans Holzhauser, Jean Vaquié)
Écrit en 1650 environ, ce livre a mérité ce jugement particulièrement élogieux que l’on peut lire dans Les Petits Bollandistes, septième édition (1878), tome 6, page 229 : «Holzhauser a laissé, entre autres ouvrages, une Interprétation de l’Apocalypse de saint Jean, qui ne va que jusqu’au cinquième verset du quinzième chapitre, ouvrage étonnant, dit-on, et qui offre une si admirable concordance des temps et des événements, que les autres commentaires de ce livre sacré ne sont en comparaison que des jeux d’enfants». Tous ceux qui ont pu lire et méditer ce livre, dans son édition complète, partagent cet avis. Il y a eu malheureusement une édition expurgée1, toujours disponible, qui a été si mal faite, qu’elle rend Holzhauser incompréhensible et même ridicule. N’ayant pas les moyens de rééditer ce livre intégralement, nous proposons toutes les pages concernant notre époque. Elles sont prises dans la seconde édition française qui date de 1857. Quand cette édition fut connue, les contemporains, en général, ne comprirent pas ce texte qui annonçait la destruction de l’Eglise. On était alors en pleine résurrection, et les instituts missionnaires, la plupart français, convertissaient le monde entier. Le livre fut oublié et à ce jour les exemplaires connus sont très rares.
Le texte de l’Apocalypse, mot qui veut dire révélation, contient tous les principaux événements que l’Eglise de Jésus-Christ vivra jusqu’à la consommation des siècles2. Holzhauser, (1613-1658), né très pauvre, curé de Bingen, ville déjà très connue pour avoir abrité sainte Hildegarde, fut le saint Ignace de l’Allemagne. Il se distingua par une science approfondie de l’histoire du monde, qu’il sut appliquer aux vastes connaissances qu’il possédait de l’Écriture sainte. Aussi savant que pieux, il rédigea son interprétation vers 1650, au milieu des plus grandes épreuves, plongé dans la méditation, le jeûne et la prière. Il avoua qu’il «était comme un enfant dont on conduit la main pour le faire écrire», mais fut obligé d’arrêter au chapitre 15, ne se sentant plus inspiré et ne pouvant continuer, Dieu,
1 Il s’agit de l’édition abrégée de Jacques Monnot :Révélation du passé et de l’avenir, 1978.
2 Lire la préface introductive de l’abbé Drach dans « La Sainte Bible » édition Lethielleux, 1879, tome 23, Apocalypse de saint Jean : il y a, dans le cours des âges, trois systèmes d’interprétation de l’Apocalypse
pour des raisons particulières voulant réserver le restant de ses secrets à une autre époque.
L’auteur a divisé sa matière en sept principales époques dont le rôle et la signification sont très précis, chacune correspondant à l’une des sept Églises d’Asie, à un jour de la création, à un des sept dons du Saint-Esprit, à l’une des sept périodes de l’ancien Testament. Notre époque, la cinquième, est celle de l’Eglise de Sardes. C’est la période purgative, précédant la période de consolation que sera l’Eglise de Philadelphie et qui sera illustrée par le règne du Grand Pape et du Grand Monarque, courte période avant la dernière, l’Eglise de Laodicée, temps de désolation où régnera l’antéchrist.
La ville de Sardes était la ville de Crésus, ville réputée pour ses activités commerciales et industrielles. La rivière qui y coulait s’appelait le Pactole. Le culte qui s’y célébrait, était le culte gnostique de Cybèle, et les prêtres étaient des eunuques accoutrés en femme. Un de leurs rites était de baiser la terre quand ils arrivaient dans un lieu. Enfin, le mot Sardes veut dire principe de beauté. Car cette époque annonce et sert de base à la suivante, l’Eglise de Philadelphie. Cette cinquième époque commence à Charles-Quint, (1500-1558), et finira au grand Monarque. Saint Vincent Ferrier, (1355-1419), la précéda et fut appelé « l’ange de l’apocalypse », car il annonça cette période particulièrement destructrice. Un autre dominicain, Savonarole, considéré comme un saint par son Ordre (et par d’autres, comme saint Philippe Néri), fut certainement l’opposant le plus lucide à l’ère moderne qui vit la renaissance du paganisme. En attaquant les Médicis, famille qui fit autant de mal à la papauté qu’au trône de France, il sut désigner, à travers eux et l’académie florimontaine, ancêtre des sociétés secrètes, les destructeurs de toute la société chrétienne. En ayant fêté le 23 mai 1998, le cinquième centenaire de son martyr, puissions-nous avoir mérité un aussi beau défenseur de l’honneur de Dieu.
Le mot Philadelphie veut dire amitié entre les frères, c’est-à-dire amitié entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Au cours du cinquième âge, ce fut bien souvent la lutte entre ces deux pouvoirs, à un point tel qu’elle détruisit les deux pouvoirs. En cette sixième période, qui sera le Règne du Sacré-Coeur, les deux pouvoirs, dont les chefs seront choisis par Dieu, travailleront en pleine union et subordination.
Il est important de s ouligner que ce Règne du Sacré-Coeur a été promis tellement de fois, q ue la répé tition de cette promesse nous assure de Son avènement.
C’est pourquoi il est impossible que nous soyons dans les temps eschatologiques. Nous n’attendons pas l’antéchrist. Nous attendons le Règne de Notre- Seigneur Jésus-Christ qui sera dirigé par Son Vicaire, le Grand Pape et par Son LieuTenant, le Grand Monarque.
Enfin, la dernière période sera celle de la désolation, le mot Laodicée voulant dire vomissement. Ce sera le règne de l’antéchrist.
Nous laissons le lecteur découvrir les richesses de ces pages, mais nous voulons attirer son attention sur plusieurs points :
– ne jamais oublier que ce livre a été écrit en 1650 environ. Nous avons l’édition de 1857, mais nous avons pu consulter les éditions de l’époque d’Holzhauser, (actuellement à Mayence et dont nous avons un microfilm). Les deux chapitres ci-joints sont in-extenso, et la traduction du chanoine de Wuilleret faite en 1857 est conforme aux originaux latins.
– la notion du petit nombre, très petit nombre ; d’un petit nombre attentif à être fidèle à Dieu en tout ; un si petit nombre qu’ils se connaîtront par leur nom ; sans ambition, si ce n’est de ne pas perdre la foi ; ils ne rêveront ni de sauver l’Eglise, ni de sauver la France. Ils savent que seul Dieu, jaloux de Sa gloire, remettra la société en ordre.
– les quatre moyens utilisés par la divine sagesse pour conseiller ce petit nombre : a) l’affliction ; b) le concile de Trente ; c) les exercices de saint Ignace ; d) la foi transportée dans le monde entier.
– les nombreuses épreuves, surtout les humiliations, les calomnies, les persécutions, que ce petit nombre devra subir ; ils s’en moqueront.
– leur vie de crainte de Dieu et de pénitence ;
– la trahison des clercs et surtout des prélats ; trahison longuement décrite dans tous les détails ; surtout le manque de vigilance ;
– les hérésies qui attaqueront tout ;
– l’importance du concile de Trente qui, en effet, nous permet, dans la confusion hérétique, de savoir où est la Vérité ;
– l’influence de Luther, l’Exterminateur, dont les idées seront imposées partout et en tout ;
– une menace terrible contre l’Eglise, annonçant que tout sera pillé et volé ;
– la mise en place de républiques partout ;
– comment doivent agir les chrétiens lors du passage du cinquième âge au sixième âge ;
– le résumé des maux causés par les mauvais catholiques : les sept énormes péchés qui sont la cause pour laquelle Dieu n’a pas pitié de l’Europe.
Il est un autre point sur lequel il faut s’attarder : sa dénonciation du pseudopoliticisme. Le choix de ce mot est remarquablement juste, car il définit bien la politique actuelle. Il est évident que la démo(n)cratie moderne, vue en 1650, avait de quoi surprendre. Dans une société en ordre il n’y avait que le Gouvernant et les gouvernés. La politique, qui est la troisième partie de la morale1, est l’art de gérer la cité. Cet art, comme tout art demande une énorme compétence. C’est le fait des gouvernants, et d’eux seuls. L’homme est fait pour être gouverné, pas pour gouverner. L’observation de tous les jours le confirme.
En France, de par la volonté divine, le gouvernant est le roi. Un roi choisi par Dieu. L’aristocratie fait exécuter les ordres royaux ; elle est parfois, mais rarement, vraiment gouvernante. Elle est comme tout le reste de la nation, gouverné, et tous ne font jamais de politique au sens moderne. Chacun à sa place assume le plus vertueusement possible ses devoirs d’état, personnels, familiaux, sociaux.
C’est bien suffisant.
La société a fonctionné ainsi pendant 1300 ans environ.
La société chrétienne avait le souci du salut du plus grand nombre. La société moderne fondée sur la démo(n)cratie cherche à damner le plus grand nombre.
La Révolution a fait croire (et fait toujours croire) aux gouvernés qu’ils sont devenus gouvernants. C’est la pseudopolitique. Les gouvernés n’ont jamais eu aucun pouvoir, hors celui permis par les loges, mais on oblige tous ces gouvernés à s’exciter à longueur d’années sur une prise de pouvoir future ou sur une obligation de participer à la vie politique. Le seul acte qui leur est imposé, car il n’y en a pas d’autre, est celui de voter2. Voter, non pas comme sous la chrétienté pour tel candidat très précis, mais aujourd’hui pour le candidat choisi par un parti. Car les gouvernés ont été divisés en parties et les vrais gouvernants, qui sont inconnus et occultes, créent et tiennent chaque partie par des partis. Et les élus sont tenus. Ils obéissent, non pas à leurs électeurs, mais aux chefs de leur parti. S’ils désobéissent, ils n’ont plus l’investiture nécessaire lors de l’élection suivante. Les partis sont bien sûr dirigés par les financiers. Ce qui fait que depuis deux cents ans le vote ne sert à rien. Tout est mensonge. Le seul vrai pouvoir est celui des financiers. Le vote n’est qu’une communion au système démo(n)cratique. Aux arguments de raison, s’ajoute l’argument historique : 200 ans d’échec prouvent qu’en aucun cas la solution ne se trouve dans les urnes.
Pire, les esprits sont tellement déformés qu’on veut faire croire que le pouvoir temporel est le pouvoir des laïcs, et que le pouvoir spirituel est le pouvoir des clercs, alors que le pouvoir temporel est celui du Gouvernant, le Roi, le pouvoir spirituel est celui des évêques unis au Pape. Avec de telles erreurs, d’esprit révolutionnaire, on passe son temps à écrire des articles et des livres complètement inutiles. On rentre bien dans le système démo(n)cratique moderne qui oblige à ne penser qu’à cette inversion : de gouvernés devenir des gouvernants. C’est la pseudopolitique : bêtise et orgueil.
Et il y a enfin les arguments surnaturels. La révolution, c’est Dieu hors-la-loi. A ce mot d’ordre, il n’y a qu’une réponse : le Christ-Roi. Ce sera le message de sainte Jeanne d’Arc, de sainte Marguerite- Marie, du Cardinal Pie : Il est Roi de France. Il veut régner sur la France et par la France sur le monde. C’est Lui qui choisira Son Grand Monarque, Son LieuTenant.
A nous donc, aucune compromission avec toute tentation politique. Ce ne pourrait qu’être du pseudopoliticisme. Les démo(n)crates ne peuvent pas être du “petit nombre”. (Texte provenant pour parti du Blog: Prophetes et Mystiques – format PDF : Interprétation de L’Apocalypse par le Vénérable Barthélemi Holzhauser »)