Table des matières :
I. Introduction
- Identité de mission
- Pouvoir d’enseigner infailliblement
- Assistance de l’Esprit de vérité
- Toujours jusqu’à la fin du monde
- Promesse à Saint Pierre
- Transmission
II. Notions préliminaires sur le Magistère
III. Définition de l’infaillibilité
IV. Distinctions dans l’infaillibilité
- Aspects positif et négatif
- Modes
A. Magistère Extraordinaire et Universel (MEU)
B. Magistère Ordinaire et Universel (MOU)
C. Corollaire : Le MOU fonctionne même sans pape en temps de Sede vacante
D. Contre-arguments
E. Complémentarité des modes
F. Commonitorium de Saint Vincent de Lérins : Infaillibilité de l’Église comme un tout : « quod ubique, quod semper, quod ab omnibus»
V. Institution du Magistère authentique et infaillible
VI. Sujet du Magistère infaillible
VII. Objet du Magistère infaillible
- A. Objet primaire du Magistère
- B. Objet secondaire
- C. Infaillibilité dans les faits dogmatiques
- a. Qu’est-ce qu’un fait dogmatique ?
- b. Preuve scripturaire et traditionnelle
- c. Acceptation pacifique universelle (APU) comme critère infaillible
VIII. Réfutation des contre-arguments
IX. Conclusion
I. Introduction
Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le Messie attendu, venu pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, consoler les affligés, annoncer la liberté aux prisonniers, rendre la liberté aux opprimés (Luc IV, 18) : qui croit en Lui connaîtra la vérité qui donne la vraie liberté (Jn VIII, 31-32), mais qui ne croira pas sera condamné (Mc XVI, 16).
Voilà en résumé la mission que Notre-Seigneur avait reçue du Père (Jn VI, 38), et à plusieurs reprises, Il exigea la foi en Son enseignement (Mc I, 15 ; Jn VI, 29). C’est pourquoi Il a accepté d’être appelé Maître (Jn XIII, 13), et Il a même souligné qu’Il est le seul vrai Maître (Mt XXIII, 8-10) qui non seulement enseigne la vérité mais est la Vérité (Jn XIV, 6).
Les autres enseignants méritent le titre de maître dans la mesure où ils participent à Sa vérité : Notre-Seigneur, au contraire, enseigne comme celui qui a l’autorité (Mc I, 22).
- Identité de mission
La mission que Notre-Seigneur a exercée, Il l’a communiquée entièrement à Ses Apôtres. La doctrine et l’institution du Collège des Apôtres en sont la preuve : après avoir passé une nuit en prières, Il choisit les Douze et leur donna le nom d' »Apôtres » (c’est-à-dire envoyés) (Lc VI, 12-13). Pendant toute Sa vie publique, Il les a instruits et préparés à la mission qu’ils devaient recevoir.
Enfin Il leur confia la même mission qu’Il avait exercée sur la terre : « Comme vous m’avez envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde » (Jn XVII, 18). « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn XX, 21). « Qui vous reçoit, me reçoit : et qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. Qui vous écoute, m’écoute : et qui vous méprise, me méprise. Qui me méprise, méprise Celui qui m’a envoyé » (Mt X, 40 ; Lc X, 16).
Les Apôtres constituaient la même personne morale que Notre-Seigneur, ils avaient une charge et un pouvoir égal au Sien en plénitude et en étendue. Toutefois avec cette nuance que le Christ reste leur tête invisible et la source de leur pouvoir.
Cette identité de mission est une vérité de foi divine parce que contenue dans la Sainte Écriture, et c’est la doctrine catholique enseignée par le Concile du Vatican I (DS 3050), par Léon XIII dans Satis Cognitum et par Pie XII dans Mystici Corporis.
- Pouvoir d’enseigner infailliblement.
Ainsi, Notre-Seigneur a donné aux Apôtres et à leurs successeurs la charge de continuer Sa mission de Maître infaillible, c’est-à-dire le pouvoir d’enseigner infailliblement.
Comme nous le voyons dans les Évangiles (Mc XVI, 16), Il exige une obéissance absolue à ce Magistère, à tel point que « qui ne croira pas sera condamné ».
Cette menace serait absurde s’il n’y avait pas harmonie entre Son Magistère et celui des Apôtres et de leurs successeurs.
- Assistance de l’Esprit de vérité
Ceux-ci auront en effet l’assistance de l’Esprit de vérité, ils constitueront une seule chose avec Notre-Seigneur, ils seront les témoins et les interprètes authentiques de Sa doctrine : « Je prierai le Père et Il vous donnera un autre Paraclet qui restera toujours avec vous, l’Esprit de vérité… Quand sera venu l’Esprit de vérité, Il vous enseignera toute la vérité » (Jn XIV, 16-17 ; XVI, 13).
- Toujours jusqu’à la fin du monde
Le Magistère infaillible demeurera toujours dans l’Église : « Allez donc, enseignez toutes les nations… leur apprenant à garder tout ce que je vous ai ordonné. Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt XXVIII, 19-20).
- Promesse à Saint Pierre
Il a fait à Saint Pierre une promesse particulière : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt XVI, 18-19).
De cette promesse on peut déduire que Notre-Seigneur a donné à Saint Pierre et à ses successeurs la même mission et les mêmes privilèges que ceux donnés à l’Église (DS 3058, 3074-75).
- Transmission
Les Apôtres furent conscients de leur infaillibilité et transmirent leurs pouvoirs à leurs successeurs.
Les Pères les plus proches des Apôtres ont répété le même enseignement.
Saint Ignace d’Antioche († 107) affirme que comme Jésus est le Verbe du Père, ainsi les évêques constituent la doctrine du Christ et les fidèles doivent y adhérer.
Pour saint Irénée, la doctrine apostolique, qui nous parvient par la succession des évêques, est le critère pour discerner la vérité de l’hérésie.
« Là où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu ; là où est l’Esprit de Dieu, là est aussi l’Église ».
Cette doctrine, enseignée toujours par toute l’Église, a été niée par les gnostiques, les protestants, les rationalistes, les modernistes.
Ces hérésies, qui nient l’infaillibilité ecclésiale, contredisent la logique même de la Révélation : sans un Magistère infaillible, la foi serait livrée à l’arbitraire humain, ce qui est contraire à la sagesse divine telle que l’expose saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique (II-II, q. 1, a. 9, sed contra), où il affirme que la foi repose sur l’autorité infaillible de l’Église comme sur un fondement certain.
II. Notions préliminaires sur le Magistère
Quand vous cherchez à connaître une vérité, il faut avant tout se reporter au Magistère de l’Église, qui est la règle de la foi.
Si la doctrine exposée par le Magistère n’est pas claire, il convient de se reporter à d’autres documents où le Magistère s’est exprimé sur cette question. Si vous voulez arriver à une plus grande clarté, il faudra aussi chercher les textes qui ont préparé la déclaration du Magistère : pour cela vous vous reportez à certaines explications des Pères du Concile du Vatican. Enfin, il faudra se référer aux théologiens, et là où ils ne sont pas d’accord, il faudra suivre de préférence la doctrine tenue pour unanime par les théologiens ou la thèse considérée comme la plus probable.
Le Magistère est une institution destinée à instruire des personnes : à l’école, à l’Université, dans des cours de formation, dans des séminaires, partout où il y a quelqu’un qui enseigne et des auditeurs qui sont là pour être instruits, il y a un Magistère. Le Maître par excellence est Notre-Seigneur qui possède la vérité et l’enseigne avec autorité.
Le Magistère authentique (du grec authentia = autorité) est le devoir qu’a l’autorité légitime de transmettre la doctrine, auquel correspond pour le disciple, l’obligation et le droit de recevoir l’instruction.
Il se subdivise en :
– Sens large : il n’a pas de lui-même la force d’exiger du disciple l’assentiment de l’intelligence (un professeur qui enseigne une théorie personnelle).
– Sens strict : il a la force d’imposer la doctrine de telle manière que les disciples sont tenus de donner l’assentiment de leur intelligence à cause de l’autorité du maître qui est le représentant de Dieu.
L’autorité du Magistère de l’Église est fondée sur la mission qu’elle a reçue de Dieu.
Le Magistère infaillible : il a le degré suprême de l’autorité.
On distingue :
– L’infaillibilité de fait : c’est la pure inerrance, simplement l’absence d’erreur (en disant n’importe quelle vérité, on ne se trompe pas même s’il ne s’agit ni de foi ni de morale : 2+2=4).
– L’infaillibilité de droit : c’est l’impossibilité de se tromper par principe : l’infaillibilité de l’Église vient de l’assistance du Saint-Esprit et donc ne peut pas se tromper.
Le Magistère se subdivise ensuite en :
a) Écrit : même après la mort de l’auteur il est exercé par ses écrits (par exemple les écrits des papes).
b) Vivant : il est exercé par des hommes vivants et peut être :
– Traditionnel : il doit seulement garder, déclarer, expliquer, défendre le dépôt.
– Inventif : il ajoute objectivement de nouvelles vérités : dans l’Église la révélation s’est arrêtée à la mort du dernier apôtre, Saint Jean (+ ca. A.D. 100).
III. Définition de l’infaillibilité
L’infaillibilité est ce don par lequel l’Église jouit d’un privilège tel que, grâce à l’assistance du Saint-Esprit elle ne peut errer en ce qui concerne la foi et la morale, soit dans ce qu’elle enseigne soit dans ce qu’elle croit.
– Don :
l’Église est infaillible non ex natura sua (par nature), mais parce qu’elle participe à l’infaillibilité de Notre-Seigneur qui est le Chef de l’Église.
– Assistance du Saint-Esprit :
l’Esprit Saint n’habite pas dans l’âme d’une façon spéciale mais il y a une opération de Dieu attribuée à l’Esprit Saint. C’est une aide spéciale et efficace de Dieu, qui gouverne l’esprit de celui qui enseigne de telle manière que celui-ci quand il propose une doctrine est toujours préservé de l’erreur.
Cela n’exclut pas la recherche humaine qui est même indispensable : l’assistance suppose la coopération.
– Foi et Morale : l’objet de l’infaillibilité est constitué par les vérités de foi et de morale ainsi que par celles qui lui sont connexes.
– Soit dans les vérités à enseigner, soit dans les vérités à croire : on distingue une double infaillibilité, active et passive.
– L’active (in docendo) concerne l’Église enseignante (Ecclesia docens), le corps des pasteurs qui ne peut errer lorsqu’il transmet une doctrine de foi ou de morale.
– La passive (in credendo) concerne l’ensemble des fidèles (Ecclesia discens), en tant que soumis aux pasteurs dans la mesure où leur consentement unanime ne peut errer en ce qui concerne la foi ou la morale. L’infaillibilité passive ne peut exister qu’en union et soumission aux pasteurs légitimes.
– L’Église ne peut errer :
l’infaillibilité non seulement signifie l’immunité d’erreur de fait, appelée plutôt inerrance, mais comporte de plus l’impossibilité de se tromper ; comme dit le théologien J. de Groot que l’Église non seulement ne se trompe pas, ce qui est un fait, mais ne peut se tromper non plus, ce qui lui revient de droit (J. V. de Groot, O.P., Summa apologetica de Ecclesia Catholica ad mentem S. Thomae Aquinatis, Ratisbonae, G. J. Manz, 3e éd., 1906)
De même Cardinal Billot affirme que l’infaillibilité est nécessaire à l’acte de foi et au salut : en effet la Sainte Écriture est insuffisante comme critère (De Ecclesia Christi, tome I, ).
IV. Distinctions dans l’infaillibilité
- Dans l’infaillibilité nous pouvons distinguer deux aspects :
– un que nous pourrions appeler positif quand le Magistère affirme positivement une vérité qui jusqu’alors n’était qu’affaire d’opinion (ex. Léon XIII établit que les ordinations anglicanes sont invalides) ou bien quand il donne une définition solennelle d’une vérité (qui n’était pas encore ou était déjà de foi). Ces décisions sont irréformables.
– L’aspect que nous appelons négatif consiste simplement dans la non-existence d’erreur ou de nocivité vis-à-vis de la Foi et de la morale, dans tout ce que l’Église enseigne comme étant révélé ou connexe à la Révélation : ex., quand Pie XI a promulgué la Messe et l’Office du Sacré-Cœur, tous les catholiques ont été sûrs qu’en célébrant cette Messe et en récitant cet Office, ils ne courraient aucun risque d’erreur contraire à la foi ou à la morale, ou qu’il n’y avait rien de nuisible au salut éternel.
Ces décisions ne sont pas irréformables ; pour cette raison, le même Pontife ou un autre peut changer ou annuler la Messe et/ou l’Office : de même ce changement serait infaillible dans un sens négatif, c’est-à-dire qu’il n’y aurait aucune erreur contre la Foi ou la morale ou aucun danger pour le salut éternel.
Le Cardinal Franzelin en parle à propos de l’infaillibilité du Magistère de l’Église quand il donne la note dogmatique d’une proposition comme « sûre » et « pas sûre ». Ainsi quand l’Église a déclaré qu’en morale on peut suivre en toute sécurité les opinions de saint Alphonse, cela ne veut pas dire que tout le monde est obligé de suivre saint Alphonse, mais que dans ses œuvres il ne se trouve rien de contraire à la doctrine de l’Église.
- Modes :
On distingue enfin les espèces d’exercice de l’infaillibilité selon les modes du Magistère.
Le Magistère infaillible s’exerce de deux manières principales : le Magistère Extraordinaire et Universel (MEU) et le Magistère Ordinaire et Universel (MOU).
A- Le MEU est solennel et formel :
il comprend les définitions ex cathedra du Pontife Romain et les décisions des Conciles œcuméniques en union avec le Pape. Ces actes sont des jugements solennels qui définissent dogmatiquement une vérité de foi ou de morale, rendant la proposition irréformable et obligeant à l’assentiment de foi divine et catholique (DS 3074).
Par exemple, la définition de l’infaillibilité pontificale au Concile du Vatican (DS 3073-3075) est un acte du MEU.
Ce mode est rare, mais il est le plus éclatant témoignage de l’assistance divine, réfutant les objections modernistes qui prétendent que l’Église peut errer dans ses définitions solennelles – rejetées par l’affirmation du contraire par Pie IX dans Pastor Aeternus, 1870, DS 3070–3075.
B- Le MOU est continu et habituel :
il s’exerce par l’enseignement unanime des évêques dispersés dans le monde, en communion avec le Pape, lorsqu’ils proposent une doctrine de foi ou de morale comme définitivement à croire.
Il n’exige pas de forme solennelle, mais repose sur la persistance et l’universalité de l’enseignement (DS 3011 : « par son Magistère ordinaire et universel »).
Par exemple, la doctrine de l’Immaculée Conception était enseignée par le MOU avant sa définition solennelle en 1854.
Ce mode est plus fréquent et couvre l’ensemble du dépôt de la foi, comme l’explique saint Thomas (II-II, q. 5, a. 3) : l’Église enseigne infailliblement par la Tradition vivante des pasteurs.
- Corollaire : Le MOU fonctionne même sans pape en temps de Sede vacante
En temps de Sede vacante le Pape n’existe pas, l’Église persiste sans lui pendant l’interrègne.
Cependant, l’Église elle-même – corps mystique du Christ, assisté par l’Esprit Saint – ne saurait faillir, sous peine de contredire la promesse du Seigneur : « Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Matthieu 16, 18).
Si le MOU était absent ou perdait son infaillibilité pendant la vacance, cela impliquerait que l’ensemble de l’Église est faillible pendant cette période, ce qui est impossible.
En effet, le MOU est l’enseignement constant et unanime des évêques en communion les uns avec les autres (et avec le Pape quand il existe), dispersés dans le monde, sur les vérités de foi et de mœurs. Cette unanimité morale suffit pour engager l’infaillibilité, comme l’affirme le même Vatican I dans Pastor Aeternus (18 juillet 1870), en étendant l’infaillibilité au collège épiscopal uni au successeur de Pierre – mais la vacance n’interrompt pas l’exercice ordinaire de l’Église dispersée
- Quant aux contre-arguments possibles
par exemple, ceux qui prétendent que sans Pape, il n’y a plus de communion possible et donc plus d’infaillibilité, ils sont réfutés par la logique même de la doctrine : l’Église est une société parfaite et indéfectible, et son Magistère ordinaire ne dépend pas d’un individu, mais de l’assistance divine promise à l’ensemble du corps enseignant.
– L’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel – y compris sede vacante – repose fermement sur la promesse divine rapportée en Matthieu 16, 18 :
« Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. »
Et « elle » c’est l’Église, et que les portes de l’enfer ne prévaudront pas veut dire que l’erreur ne régnera jamais dans l’Église (entière).
– Cette assistance de l’Esprit Saint à l’Église entière, en tant que corps mystique du Christ, est affirmée avec une clarté dogmatique par le Concile du Vatican I dans sa constitution Dei Filius (24 avril 1870, chapitre 3, De fide) :
« Or, on doit croire d’une foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans les saintes Écritures et dans la tradition, et tout ce qui est proposé par l’Église comme vérité divinement révélée, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel. »
Cette vérité immuable exclut toute possibilité de faillibilité temporaire pendant l’interrègne, sous peine de contredire la logique thomiste même de la société parfaite de l’Église.
Cf. saint Thomas, Somme théologique, III, q. 8, a. 3, où il expose que Jésus est tête de l’Église. Puisque sa tête est infaillible, l’Église est infaillible par assistance divine. Car un corps pense et enseigne par sa tête.
Les objections qui limiteraient l’infaillibilité à la seule présence d’un Pape régnant sont donc réfutées par cette doctrine certaine : l’Église persiste et enseigne infailliblement par ses évêques en communion, assistés par le Paraclet, indépendamment d’un individu mortel.
En ces temps de grave crise, où le Siège est vacant depuis plus de soixante ans en raison de l’hérésie publique des occupants conciliaires, cette infaillibilité du MOU nous guide précisément : elle nous oblige à adhérer à la Tradition immaculée, sans concession aux nouveautés. C’est ainsi que les catholiques fidèles discernent la vérité éternelle.
Les objections protestantes, qui nient ce mode en invoquant la « Sola Scriptura », sont réfutées par la logique même de la Révélation : sans le MOU, l’Écriture serait obscure et sujette à l’interprétation privée, ce qui contredit la promesse du Christ (Jn XVI, 13).
- Ces deux modes se complètent :
le MEU précise et définit ce que le MOU propose déjà de manière continue.
Tous deux assurent la perpétuité de l’infaillibilité, contre les erreurs libérales qui imaginent une Église faillible.
F- L’infaillibilité de l’Église comme un tout : « quod ubique, quod semper, quod ab omnibus »
Cependant, l’infaillibilité ne se limite pas à ces exercices du Magistère enseignant : l’Église comme un tout est infaillible, en vertu de son unité organique sous la tête du Christ.
Comme l’enseigne saint Vincent de Lérins dans son Commonitorium (II, 6) :
« Id teneamus, quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est ; hoc est enim vere proprieque catholicum »
« Gardons ce qui a été cru partout, toujours, par tous ; car c’est là proprement et véritablement ce qui est catholique ».
Nous consacrerons un chapitre au Commonitorium de Saint Vincent de Lérins.
Ce critère de la catholicité – ce qui a été cru et enseigné par tous, partout et toujours – manifeste l’infaillibilité passive de l’Église docens et discens unie : le consensus perennial de la Tradition, conservé par l’Église fidèle contre les hérésies postérieures à 1963, est infaillible en soi.
Ainsi, non seulement le MOU et le MEU, mais l’Église entière, dans sa permanence doctrinale, est préservée de l’erreur, comme le confirme le Concile du Vatican (DS 3020) : la doctrine révélée doit être gardée fidèlement et déclarée infailliblement.
Le MEU peut les définir solennellement (ex. authenticité du Symbole de Nicée), mais le consensus de l’Église les rend infaillibles de droit, réfutant les rationalistes qui les soumettent au libre examen.
V. Notre-Seigneur a institué un Magistère authentique et infaillible, vivant et traditionnel, afin qu’il dure à perpétuité
Grâce aux documents suivants, nous disons que cette vérité a été au moins implicitement définie par un jugement solennel au Premier Concile du Vatican. Il a défini :
1) Le Magistère a été institué par Dieu sur les Apôtres :
« Dieu a institué l’Église… afin qu’Elle puisse être connue de tous comme gardienne et maîtresse de la Révélation » (DS 3012).
« L’Église… en plus de la charge apostolique d’enseigner a reçu la mission de conserver le dépôt de la foi » (DS 3018).
2) Le Magistère est authentique et a autorité :
– Pour interpréter la Sainte Écriture : DS 3007 ;
– Pour proposer aux fidèles les vérités à croire de foi divine et catholique : DS 3011 ;
– Pour juger des vérités scientifiques et philosophiques qui sont connexes au dépôt révélé : DS 3017-3018.
3) Le Magistère institué par Notre-Seigneur est perpétuel :
DS 3050
« L’éternel pasteur et gardien de nos âmes (1 P 2, 25) , afin de perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption, a décidé de fonder l’Église, dans laquelle, comme en la maison du Dieu vivant, tous les fidèles seraient rassemblés par le lien d’une seule foi et d’une seule charité »
DS 3071
« Ce charisme de vérité et de foi à jamais indéfectible a été accordé par Dieu à Pierre et à ses successeurs en cette chaire, afin qu’ils remplissent leur haute charge pour le salut de tous, afin que le troupeau universel du Christ, écarté des nourritures empoisonnées de l’erreur, soit nourri de la doctrine céleste, afin que, toute occasion de schisme étant supprimée, l’Église soit conservée tout «
4) Il est infaillible :
DS 3020
« D’autre part, la doctrine de foi que Dieu a révélée n’a pas été proposée comme une découverte philosophique à faire progresser par la réflexion de l’homme, mais comme un dépôt divin confié à l’Épouse du Christ pour qu’elle le garde fidèlement et le présente infailliblement. En conséquence, le sens des dogmes sacrés qui doit être conservé à perpétuité est celui que notre Mère la sainte L’Église a présenté une fois pour toutes et jamais il n’est loisible de s’en écarter sous le prétexte ou au nom d’une compréhension plus poussée »
DS 3074.
« par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église. »
5) Il est traditionnel :
il a été institué non pour enseigner des choses nouvelles mais pour garder, défendre et proclamer le dépôt reçu :
DS 3070.
« Car le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi. »
VI. Sujet du Magistère infaillible (voir ci-dessus : « III. Distinctions dans l’infaillibilité – Mode »)
Le sujet de ce Magistère infaillible, c’est-à-dire la personne morale ou physique qui possède cette fonction d’enseigner est :
– Le Pontife Romain, en tant que Successeur formel de Saint Pierre dans sa primauté sur l’Église ou en tant que Vicaire de Notre-Seigneur, lorsque la sainte chaire est occupée ;
– Le Corps des Évêques en soumission au Souverain Pontife. Les Évêques peuvent être réunis en Concile ou bien dispersés dans le monde.
Dans le premier cas on parle de Magistère Pontifical ; dans le second de Magistère universel, qui s’exerce par les modes distingués ci-dessus.
L’infaillibilité du Souverain Pontife est une vérité de foi divine définie. Elle est contenue dans la Révélation (Mt XVI, 18-19 ; Lc XXII, 32), a toujours été enseignée, crue, pratiquée par l’Église.
Le Souverain Pontife jouit de la même infaillibilité que l’Église (DS 3074) :
« lorsque le pontife romain parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l’Église, il jouit, en vertu de l’assistance divine qui lui a été promise en la personne de Saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Église lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale ; par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église. »
Quand le Souverain Pontife parle non en tant que Pape, mais comme docteur privé, il ne jouit pas de l’infaillibilité.
L’infaillibilité des évêques unis et soumis au Pape est une vérité de foi implicitement définie au Concile du Vatican (DS 3011), et se fonde sur les documents de l’Écriture Sainte cités au début de ce chapitre. L’Église catholique, fidèle à la Tradition apostolique, conserve cette unité infaillible contre les schismes et hérésies.
VII. Objet du Magistère infaillible
Est appelé objet du Magistère, l’ensemble des propositions sur lesquelles celui-ci peut porter un jugement positif ou négatif, selon que de telles propositions sont vraies ou fausses.
Il s’agit de vérités liées à la Révélation (puisque le Magistère infaillible a été donné afin de garder, défendre et expliciter le dépôt de la Révélation) et qui sont indiquées normalement par la phrase : «doctrine regardant la foi et la morale ».
Tous les théologiens divisent en deux classes ces vérités de foi ou de morale : primaire ou directe, secondaire ou indirecte. Saint Thomas : « Une proposition peut être de foi pour deux raisons : en premier lieu et principalement, comme les articles de foi, ou indirectement et secondairement comme les propositions dont la négation entraîne l’altération de quelque article de foi » (II-II, q. 11, a. 2).
A. Objet primaire du Magistère
La première classe est constituée par les propositions qui sont contenues formellement dans la Révélation, explicitement, ou implicitement ; ex. : « Jésus est Dieu ». On les appelle vérités révélées par elles-mêmes et elles constituent l’objet primaire ou direct du Magistère. Voyons l’enseignement de l’Église à ce sujet.
– Premier Concile du Vatican (1870):
« Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son Magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé » (DS 3011).
« La doctrine de la foi, que Dieu a révélée… transmise à l’Épouse du Christ comme dépôt divin, doit être gardée fidèlement et déclarée infailliblement » (DS 3020).
« L’Esprit Saint n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils révèlent une nouvelle doctrine, mais pour que, avec son assistance ils gardent saintement, et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi. Tous les vénérables Pères ont accepté et les saints docteurs catholiques ont vénéré et suivi la doctrine apostolique en sachant très bien que la chaire de Saint Pierre restait pure de toute erreur, selon la promesse de Notre Seigneur faite au prince des Apôtres : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point : et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » (Lc XXII, 32) » (DS 3070).
Léon XIII “Sapientiæ Christianæ” : « Parmi les choses qui sont contenues dans la révélation divine, les unes se rapportent à Dieu, et les autres à l’homme et aux moyens nécessaires au salut éternel de l’homme. Il appartient de droit divin à l’Église, et, dans l’Église, au Pontife Romain, de déterminer dans ces deux ordres ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire. Voilà pourquoi le Pontife doit pouvoir juger avec autorité de ce que renferme la parole de Dieu [la Révélation], décider quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines y contredisent. De même, dans la sphère de la morale, c’est à lui de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui est nécessaire d’accomplir et d’éviter si l’on veut parvenir au salut éternel ; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de la vie humaine » (DS 1936a).
Pie XII, Humani Generis :
« Et bien que ce Magistère sacré doive être pour tout théologien, en matière de foi et de mœurs, la règle prochaine et universelle de vérité, – puisque c’est à lui que le Christ Notre Seigneur a confié tout le dépôt de la foi, Écriture Sainte et Tradition, à garder, à défendre et à interpréter… Dieu, en effet, a donné à Son Église, avec ces sources que nous avons dites, un Magistère vivant pour éclairer et dégager ce qui n’était contenu dans le dépôt de la Foi que d’une manière obscure et pour ainsi dire implicite. Ce dépôt, ce n’est pas à chacun des fidèles, ni aux théologiens eux-mêmes que notre divin Rédempteur en a confié l’interprétation authentique, mais au seul Magistère de l’Église… Il lui revient de par l’institution divine… de garder et d’interpréter le dépôt des vérités divinement révélées » (DS 3884, 3886).
La valeur dogmatique de ces propositions à partir des textes cités est la suivante : c’est une vérité de foi définie que l’objet de l’infaillibilité est constitué des vérités formellement révélées (Concile du Vatican),
DS 3011 et suiv.:
“Porro fide divina et catholica ea omnia credenda sunt, quae in verbo Dei scripto vel tradito continentur et ab Ecclesia sive solemni judicio sive ordinario et universali magisterio tamquam divinitus revelata credenda proponuntur.”
DS, 3020,
« Neque enim fidei doctrina, quam Deus revelavit, velut philosophicum inventum proposita est humanis ingeniis perficienda, sed tamquam divinum depositum Christi Sponsae tradita, fideliter custodienda et infallibiliter declaranda. Hinc sacrorum quoque dogmatum is sensus perpetuo est retinendus, quem semel declaravit sancta mater Ecclesia, nec umquam ab eo sensu altioris intelligentiae specie et nomine recedendum (can.3). « Crescat igitur… et multum vehementerque proficiat, tam singulorum quam omnium, tam unius hominis quam totius Ecclesiae, aetatum ac saeculorum gradibus, intelligentia, scientia, sapientia: sed in suo dumtaxat genere, in eodem scilicet dogmate, eodem sensu eademque sententia « .
DS 3067.
« 3067 Approbante vero Lugdunensi Concilio secundo Graeci professi sunt: ‘sanctam Romanam Ecclesiam summum et plenum primatum et principatum super universam Ecclesiam catholicam obtinere quem se ab ipso Domino in beato Petro Apostolorum principe sive vertice, cuius Romanus Pontifex est successor, cum potestatis plenitudine recepisse veraciter et humiliter recognoscit; et sicut prae ceteris tenetur fidei veritatem defendere, sic et, si quae de fide subortae fuerint quaestiones, suo debent iudicio definiri’ (cf. DS 861). «
Traduction :
DS 3011
« En outre, par la foi divine et catholique, tout ce qui est contenu dans la parole écrite ou transmise de Dieu doit être cru, et il faut le présenter comme divinement révélé, soit par le jugement solennel de l’Église, soit par son magistère ordinaire et universel. »
DS 3020
« En effet, la doctrine de la foi que Dieu a révélée ne doit pas être proposée comme une invention philosophique à accomplir par les esprits humains, mais comme un dépôt divin confié par la Mère du Christ, à garder fidèlement et à déclarer infailliblement. De là, le sens perpétuel des dogmes sacrés doit être retenu, celui que la sainte Mère Église a une fois déclaré, et il ne faut jamais s’en écarter au nom d’une intelligence supérieure (can. 3). « Qu’il croisse donc… et progresse vivement, tant pour les individus que pour tous, tant pour un homme que pour l’ensemble de l’Église, à travers les âges et les siècles, dans l’intelligence, la science, la sagesse : mais toujours dans son propre genre, dans le même dogme, le même sens et la même opinion. » »
DS 3067
« En vérité, le Concile de Lyon (seconde) a déclaré que la Sainte Église romaine doit posséder le plus haut et le plein premier rang et le principe sur toute l’Église catholique universelle, qu’elle a reçu de Dieu luimême au bon Pierre, chef ou tête des Apôtres, dont le successeur est le Pontife romain, avec la pleine reconnaissance de la puissance, de la vérité et de l’humilité ; et comme elle est tenue avant tout de défendre la vérité de la foi, elle doit également, si des questions de foi surgissent, les définir par son propre jugement » (cf. DS 861).
La thèse selon laquelle la doctrine sur la foi et la morale constitue l’objet direct et primaire de l’infaillibilité est contenue implicitement dans la définition de l’infaillibilité du Pontife : en effet on dit que son objet est « la doctrine sur la foi ou la morale » (DS 3074).
B. L’objet secondaire
La seconde classe est constituée des propositions qui sont connexes (liées) d’une manière nécessaire à la Révélation, qui sont utiles à la réception, à la conservation, et à la communication du dépôt révélé.
En effet, comme l’enseigne Mgr Gasser, il existe de nombreuses vérités qui « bien qu’elles ne soient pas en elles-mêmes révélées, sont cependant requises pour garder intègre le dépôt de la Révélation lui-même, pour l’expliquer comme il convient, et le définir efficacement ». Absolument tous les théologiens catholiques, conclut Mgr Gasser, s’accordent à reconnaître que ces vérités, qui ne sont pas révélées par elles-mêmes mais qui appartiennent à la garde du dépôt de la foi, sont infaillibles.
Ainsi Monseigneur Vincent Gasser (1810-1879), évêque de Brixen (actuelle Bressanone), lors du Concile du Vatican I. Il s’agit d’une intervention officielle faite au nom de la Députation de la Foi, le 11 juillet 1870, dans le cadre des discussions sur la définition de l’infaillibilité pontificale. Cette intervention, souvent qualifiée de « rapport Gasser », est une explication autorisée et infaillible du sens de la constitution dogmatique Pastor Aeternus (promulguée le 18 juillet 1870), qui définit l’infaillibilité du Pape en matière de foi et de mœurs.
Il est appelé objet secondaire parce qu’il dérive du primaire ; il est dit objet indirect de l’infaillibilité, parce que l’infaillibilité ne le touche pas lui-même, mais à cause de l’objet primaire.
Il inclut les propositions tirées formellement de celles qui sont révélées par le biais d’une déduction légitime ; il inclut aussi les vérités nécessaires pour garder intègre le dépôt de la Révélation (lequel, sans elles, serait corrompu) pour l’expliquer et le définir davantage. On a l’habitude de le diviser en plusieurs groupes.
C. Un objet secondaire en particulier : « Infaillibilité dans les Faits dogmatiques »
De plus, l’Église est infaillible dans les faits dogmatiques (FD), c’est-à-dire les faits historiques nécessaires à la foi et à la morale, tels que l’authenticité des Livres saints ou la résurrection du Christ.
- Qu’est-ce qu’un fait dogmatique ?
Un dogme est une vérité révélée par Dieu, contenue dans les Écritures ou la Tradition, et proposée infailliblement par le magistère de l’Église comme devant être crue de foi divine et catholique.
Mais il n’y a pas que les vérités spéculatives (comme la Trinité) qui relèvent du dogme ; les faits historiques nécessaires au dépôt de la foi en sont aussi, car sans eux, les vérités révélées perdraient leur fondement.
Ainsi, l’élection valide d’un pape n’est pas une simple question canonique ou historique contingente : c’est un fait constitutif de la hiérarchie divine de l’Église, sans lequel l’infaillibilité et la visibilité de l’Église s’effondreraient.
Ces faits, connexes au dépôt révélé, relèvent de l’objet de l’infaillibilité, car leur négation altérerait un article de foi, selon saint Thomas (II-II, q. 11, a. 2, corpus ) :
« une chose se rapporte à la foi : tantôt directement et à titre principal, comme les articles de la foi ; tantôt indirectement et secondairement, comme les choses qui entraînent la corruption d’un article. Et l’hérésie peut s’étendre à ce double domaine, comme aussi la foi. »
Le fait de déterminer si quelqu’un est ou non le pape constitue un fait dogmatique, et par conséquent infaillible. Cette affirmation est non seulement exacte, mais elle découle directement des principes immuables de la foi catholique.
b. Preuve scripturaire et traditionnelle que la papauté est un fait dogmatique
Le Christ a institué la primauté pétrinienne comme un fait divin et irrévocable : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Matthieu 16, 18).
Cette promesse implique que l’Église, indéfectible, aura toujours un successeur visible de Pierre pour la gouverner.
Le Concile Vatican I (1869-1870), dans la constitution Pastor Aeternus du 18 juillet 1870, chapitre 4, définit l’infaillibilité du pape légitime :
« Nous enseignons et définissons comme un dogme divinement révélé : que le pontife romain, quand il parle ex cathedra […] possède, par l’assistance divine qui lui est promise en tant que béni Pierre, cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Église fût pourvue. »
Si l’on ne peut infailliblement déterminer qui est ce pontife romain, alors l’infaillibilité même de l’Église est mise en péril. Il faut savoir si une personne est vraiment pape pour croire fermement dans son enseignement surtout de pape infaillible.
Or, l’Église ne peut faillir (promesse du Christ en Luc 22, 32 : « J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille point »).
Donc, le fait de qui occupe validement la chaire de Pierre est lui-même dogmatique et infaillible.
c. L’acceptation pacifique universelle (APU) comme critère infaillible (voir chapitre “APU et fait dogmatique”)
La théologie catholique enseigne que l’élection d’un pape est rendue certaine et dogmatique par l’acceptation pacifique et universelle de l’Église (évêques, clergé et fidèles).
Cela n’est pas une simple coutume, mais un fait dogmatique déduit de l’indéfectibilité de l’Église.
Le théologien Billuart (XVIIIe siècle), dans son Cursus Theologiae, explique :
« L’élection d’un pape est rendue légitime et irrévocable par l’acceptation pacifique du corps ecclésiastique. »
De même, Cajetan (Tommaso de Vio, 1469-1534), commentant saint Thomas, affirme dans son De Comparatione Auctoritatis Papae et Concilii : « La certitude de la légitimité du pape réside dans l’acceptation universelle et paisible par l’Église. »
Ce principe est logique selon saint Thomas : si l’Église visible ne pouvait reconnaître infailliblement son chef visible, elle cesserait d’être une société visible et indéfectible, ce qui contredit la réalité divine.
VIII. Réfutation des contre-arguments
– Certains objectent que « l’Église ne peut subsister sans pape pendant des décennies », invoquant l’indéfectibilité.
Mais c’est une erreur : l’Église de Rome a connu des séjours vacants prolongés (par exemple, sous l’empereur Henri IV au XIe siècle).
Saint Robert Bellarmin (De Romano Pontifice, II, 30), théologien docteur de l’Église, enseigne : «Un pape hérétique manifeste cesse ipso facto d’être pape et membre de l’Église, sans qu’il soit besoin de déclaration. »
Les antipapes post Vatican II, par leurs hérésies publiques (liberté religieuse, collégialité), ont perdu toute juridiction.
Et sans pape l’Église est capable de faire tout ce que Dieu lui a ordonné et donné à faire.
Il y a eu de Saint Pierre à Pie XII 260 papes donc 260 interrègnes, « temps de sede vacante » et l’Église a toujours fonctionné.
– Les traditionalistes « non-sédévacantistes » (qu’il faut bien nommer schismatiques ou hérétiques pour leur adhésion aux antipapes) se contredisent en critiquant le « pape » tout en le reconnaissant : soit il est infaillible, et leurs critiques sont sacrilèges ; soit il ne l’est pas, et leur reconnaissance est illogique.
Bref, déterminer si quelqu’un est pape constitue un fait dogmatique, car il touche au dépôt de la foi révélé.
Ce FD est donc infaillible, garanti par l’assistance du Saint-Esprit à l’Église.
IX. En conclusion
l’infaillibilité de l’Église est le rempart divin contre l’erreur, assurant la transmission fidèle du dépôt de la foi. Comme le rappelle Pie XII dans Mystici Corporis (DS 3813), l’Église, Corps du Christ, ne peut faillir en vertu de la promesse du Chef divin. Toute objection contraire, qu’elle vienne des modernistes ou des schismatiques, est réfutée par la logique thomiste : la foi exige un critère infaillible, et ce critère est l’Église catholique, fidèle à la Tradition apostolique.
AMDG