APOSTASIE

Table de matières

 

  1. Définition théologique et canonique de l’apostasie
     Distinction entre apostasie, hérésie et schisme
    III. Caractères essentiels de l’apostasie
    IV. Causes et formes d’apostasie
    V.  Sanctions canoniques traditionnelles
    VI. Devoirs envers l’apostat
    Conclusion

Note

 

I. Définition théologique et canonique de l’apostasie

Le terme apostasie provient du grec ἀποστασία, signifiant « abandon », « défection » ou « révolte ». En théologie et en droit canonique, l’apostasie désigne l’abandon total de la foi chrétienne reçue par le baptême.

 

Le Code de droit canonique de 1917 la définit au canon 1325 § 2 :

 

« Post receptum baptismum si quis, nomen retinens christianum, pertinaciter aliquam ex veritatibus fide divina et catholica credendis denegat aut de ea dubitat, haereticus ; si a fide christiana totaliter recedit, apostata ; si denique subesse renuit Summo Pontifici aut cum membris Ecclesiae ei subiectis communicare recusat, schismaticus est. »

 

Toute personne qui après avoir reçu le baptême et tout en conservant le nom de chrétien, nie opiniâtrement quelqu’une des vérités de la foi divine et catholique qui doivent être crues, ou en doute, est hérétique ; si elle s’éloigne totalement de la foi chrétienne, elle est apostat ; si enfin elle refuse de se soumettre au Souverain Pontife et de rester en communion avec les membres de l’Eglise qui lui sont soumis, elle est schismatique.”

 

Saint Thomas d’Aquin, dans la Somme Théologique (IIa-IIae, q. 12, a. 1), explique :

« Apostasia importat quandam recessionem a Deo…. et ideo est peccatum infidelitatis, quo aliquis recedit a fide. »

“L’apostasie implique un recul de Dieu, et donc est un péché d’infidélité, par lequel quelqu’un s’éloigne de la foi.”

Saint Thomas parle d’abord de l’apostasie en général, puis distingue l’apostasie de la foi (quæ est gravissima infidelitatis species) de l’apostasie religieuse ou morale.

 

L’apostasie de la foi est “l’espèce la plus grave d’infidélité” (fides signifie “foi” en latin) : le rejet ou refus de la foi qu’il fallait accepter.

Ainsi, l’apostat était fidèle baptisé, il est devenu infidèle en rejetant l’ensemble de la foi chrétienne, contrairement à l’hérétique qui nie un point particulier.

 

Distinguons ensuite l’apostasie publique du péché d’apostasie interne (retrait du consentement intérieur à la foi sans acte extérieur), qui ne relève pas du for canonique, mais est néanmoins un péché grave devant Dieu.

 

  1. Distinction entre apostasie, hérésie et schisme

 

Ces trois offenses contre la foi ou l’unité de l’Église sont bien distinctes, comme l’indique le canon 1325 §2 du codex :

 

  • L’hérésieconsiste dans le refus obstiné, après le baptême, de croire à une vérité révélée par Dieu et proposée par l’Église comme de foi divine et catholique. Exemple : nier la divinité du Christ ou la transsubstantiation.
  • Le schismeest le refus de la soumission au Souverain Pontife ou de la communion avec les membres de l’Église qui lui sont soumis, sans nécessairement nier un dogme. Par exemple : constituer une communauté ecclésiale séparée, rejetant l’autorité papale légitime.

Le schisme n’impliquant pas nécessairement une hérésie formelle,  y conduit souvent dans l’histoire de l’Eglise. Saint Jérôme a écrit : “Caeterum nullum schisma non sibi aliquam confingit haeresim, ut recte ab ecclesia recessisse videatur.” « D’ailleurs, il n’existe aucun schisme qui ne se forge quelque hérésie, afin qu’il paraisse avoir eu raison de se séparer de l’Église. » (Commentarius in Epistulam ad Titum, chap. III, vv. 10–11).

  • L’apostasie, plus grave, est l’abandon total de la foi chrétienne, conduisant à l’athéisme, à une religion non chrétienne ou à l’indifférentisme. Exemple : un baptisé qui adhère ouvertement à l’islam, au bouddhisme ou qui professe l’agnosticisme.

 

  • Caractères essentiels de l’apostasie

Pour que l’apostasie soit formelle et entraîne des peines canoniques, elle requiert :

  1. Un baptême valide, car nul ne peut abandonner ce qu’il n’a pas reçu.
  2. L’usage de la raison, excluant les enfants ou les insensés.
  3. Un rejet volontaire et conscient de l’ensemble de la foi chrétienne.
  4. Une manifestation externe, car un acte purement intérieur n’est pas justiciable canoniquement.

 

  1. Causes et formes d’apostasie

Les causes principales incluent :

  • L’ignorance coupable, souvent due à une catéchèse déficiente.
  • Les scandales ecclésiastiques, tels que les trahisons des pasteurs ou les compromissions doctrinales.
  • Les influences mondaines, notamment le modernisme, qui relativise les vérités de foi.
  • Saint Pie X, dans Pascendi Dominici Gregis(§ 53), dénonce le modernisme : «Modernismusnemo mirabitur si sic illud definimus, ut omnium haeresium conlectum esse affirmemus. »  (“Personne s’étonnera, si nous le (le modernisme) définissons comme le ramassis de toutes les hérésies”.) Il prépare à l’apostasie en sapant les fondements dogmatiques.

 

Les formes d’apostasie incluent :

  • Apostasie pure: abandon explicite de la foi chrétienne.
  • Apostasie pratique: participation à des cultes non chrétiens ou à des sociétés incompatibles, comme la franc-maçonnerie.
  • Apostasie implicite: vie incompatible avec la foi, sans déclaration formelle, mais avec un rejet effectif.

 

  1. Sanctions canoniques traditionnelles

Le Code de droit canonique de 1917 prévoit des peines latae sententiae :

  • Excommunication : « Omnes a christiana fide apostatae, et omnes haeretici aut schismatici,incurrunt ipso facto excommunicationem. » (can. 2314 § 1) (Tous les apostats de la foi chrétienne, et tous les hérétiques ou schismatiques, encourent ipso facto l’excommunication.)

 

  • Pour les clercs : privation d’offices, déposition (can. 188 § 4 ; can. 2314 § 2). Selon le canon 188 § 4, la défection publique de la foi entraîne la renonciation tacite à tout office ecclésiastique: “En vertu de la renonciation tacite admise ipso jure, sont vacants ‘ipso facto’ et sans aucune déclaration, quelque office que ce soit si le clerc :… 4° a publiquement défailli de la foi catholique.”

 

  • Saint Paul avertit : « Si quis non amat Dominum nostrum Iesum Christum, sit anathema. Maranatha.»(1Cor. 16, 22) “Si quelqu’un n’aime pas notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il soit anathème. Maranatha!” (voir note en fin de texte).

 

  1. VI. Devoirs envers l’apostat

 

L’Église cherche le retour de l’apostat par la prière, la prédication charitable et les remèdes canoniques (can. 2232 sq. et 2315). La miséricorde s’allie à la justice, selon l’enseignement patristique : la discipline est nécessaire pour éviter la ruine spirituelle.

  • Conclusion

L’apostasie, rejet total de la foi chrétienne, surpasse en gravité l’hérésie et le schisme. Elle exige une réponse ferme et charitable, conforme au principe : « Salus animarum in Ecclesia suprema lex esto. »  (“Le salut des âmes doit être dans l’Église la loi suprême”).

Les théologiens Wernz et Vidal dans leur Ius Canonicum (Romae, 1928, tom. I), confirment en effet ce principe comme la règle suprême dans l’Église.

Les âmes doivent être préservées d’hérésie, apostasie et schisme.

Deo gratias.

 

Note hors sujet : “Maranatha :

Ce terme est une expression araméenne, tirée de l’Écriture Sainte, spécifiquement de la Première Épître de l’Apôtre Saint Paul aux Corinthiens, chapitre 16, verset 22. Le mot « Maranatha » est une translittération de l’araméen maranâ thâ, qui est composé de deux parties : maranâ” (notre Seigneur) et « thâ » (viens). Elle se traduit donc littéralement par « Notre Seigneur, viens ! ». Une invocation qui exprime la demande de la seconde venue de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

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