Résignation tacite d’une charge ecclésiastique

Par Défection publique de la foi

selon le canon 188 du Code de 1917

 Table des matières :

 

Introduction

 

1.Les concepts généraux de la résignation tacite selon le canon 188

 

Argument 1 : La résignation tacite n’est pas une présomption, mais une véritable résignation, équivalente à une résignation expresse.

 

Argument 2 : La résignation tacite se produit ipso iure, indépendamment d’une intention contraire.

 

Argument 3 : La résignation tacite n’est pas une peine, même si certains actes sont des délits.

 

Argument 4 : Le canon 188 s’applique à toutes les charges et à tous les clercs, y compris les cardinaux, parce qu’il ne s’agit pas d’une loi pénale.

 

2.Application spécifique à la défection publique de la foi (canon 188, §4)

 

Argument 5 : La défection publique de la foi inclut l’hérésie, l’apostasie et probablement le schisme, mais le schisme pur est douteux.

 

Argument 6 : La défection publique ne requiert pas l’adhésion à une secte non catholique.

 

Argument 7 : La publicité est déterminée par le canon 2197 §1, sans un nombre fixe de témoins.

 

Argument 8 : La résignation tacite est indépendante de l’excommunication ou des peines.

 

Conclusions tirées de l’œuvre de McDevitt

 

Introduction

 

Dans le Codex Iuris Canonici de 1917, qui incarne la doctrine certaine et ferme de l’Église catholique avant 1963, le canon 188 réglemente la résignation tacite d’une charge ecclésiastique. Ce canon stipule que toute charge devient vacante ipso facto par une résignation tacite reconnue par la loi elle-même si un clerc accomplit l’un des actes énumérés. Parmi ces actes, le numéro 4 est : défection publique de la foi catholique (A fide catholica publice defecerit).

 

Cet argument s’applique a fortiori à un pape putatif, puisque le canon mentionne « quaelibet officia ».

 

Le canoniste Gerald V. McDevitt, dans sa dissertation doctorale The Renunciation of an Ecclesiastical Office (The Catholic University of America Press, 1946), fournit une explication approfondie de ce concept. McDevitt, qui obtint son doctorat en droit canonique en 1945 et devint plus tard évêque, démontre que la défection publique de la foi requiert un seuil plus bas que certains ne le prétendent, et qu’elle n’implique pas nécessairement l’adhésion à une secte. Son analyse est fondée sur le texte littéral du canon, les définitions du Code lui-même, et la conformité avec la doctrine traditionnelle. Ci-dessous, tous les arguments de son étude sont exposés systématiquement, avec des citations précises et des références, pour éclairer la vérité certaine.

 

  1. Les concepts généraux de la résignation tacite selon le canon 188

 

Le canon 188 se lit comme suit (traduction selon Edward Peters) :

 

Toute charge devient vacante du fait même et sans aucune déclaration par résignation tacite reconnue par la loi elle-même si un clerc :

 

[…]

 

  1. Défecte publiquement de la foi catholique ;

 

[…]

 

McDevitt définit la résignation tacite comme suit :

 

« Outre la renonciation expresse à une charge ecclésiastique, le Code prend en considération un autre type de résignation qu’il qualifie de renonciation tacite. […] Tout ce qui est nécessaire est que le clerc accomplisse l’un des actes ou soit responsable de l’une des omissions auxquelles la loi attache l’effet d’une renonciation tacite à la charge. » (Chapitre X, pp. 112-113).

 

Argument 1 : La résignation tacite n’est pas une présomption, mais une véritable résignation, équivalente à une résignation expresse.

 

McDevitt réfute l’opinion des auteurs qui parlent d’une présomption iuris et de iure :

 

« L’auteur est d’avis qu’il n’y a aucune présomption impliquée dans la sanction que la loi attache à une renonciation tacite. […] La loi ne présume pas simplement une résignation dans ces cas. Elle attache plutôt l’effet d’une résignation à ces actes lorsqu’ils sont posés par le titulaire. » (Chapitre X, p. 114).

 

Il poursuit :

 

« Les actes spécifiés [sont] équivalents en effet juridique aux formalités complètes prescrites pour l’exécution d’une renonciation expresse. […] Elle est tacite parce qu’elle n’observe pas les formalités requises pour une renonciation expresse, mais elle est équivalente à une renonciation expresse dans tous ses effets. La loi attache l’effet d’une résignation à ces actes, mais elle ne présume pas une résignation ou une intention de démissionner. » (Chapitre X, pp. 114-115).

 

En appui, il cite Wernz-Vidal :

 

« … ius in certis factis agnoscit contineri tacitam renuntiationem, quam ipsum ius admittit et sancit tamquam sequelam iuridicam illius facti, quin opus sit ulla declaratione. » (Ius Canonicum, II, n. 329).

 

Traduction : « … la loi reconnaît que dans certaines actions il y a une renonciation implicite, que la loi elle-même admet et sanctionne comme une conséquence juridique de cet acte, sans qu’il soit besoin d’une déclaration quelconque. » (Chapitre X, p. 115).

 

Argument 2 : La résignation tacite se produit ipso iure, indépendamment d’une intention contraire.

 

« La vacance de la charge est effectuée par la pose de ces actes, même si la personne manifeste son intention de conserver la charge au moment où elle pose l’acte. La résignation tacite se produit malgré toute intention contraire de la part du titulaire. » (Chapitre X, p. 114).

 

Argument 3 : La résignation tacite n’est pas une peine, même si certains actes sont des délits.

 

« Il est vrai que certains des actes énumérés dans le canon 188 constituent des délits, et ont des peines spéciales qui leur sont attachées, mais l’effet d’une résignation tacite ne doit pas être considéré comme une peine canonique. » (Chapitre X, p. 116).

 

Cela est évident d’après la formulation dans d’autres canons, par exemple le canon 2314 §1, 3 :

 

« Si sectae acatholicae nomen dederint vel publice adhaeserint, ipso facto infames sunt et, firmo praescripto can. 188, n. 4, clerici, monitione incassum praemissa, degradentur. »

 

Traduction : « S’ils donnent leur nom à des sectes non catholiques ou y adhèrent publiquement, ils sont ipso facto infâmes, et, ferme la prescription du canon 188, n. 4, les clercs, après avertissements inutiles, sont dégradés. » (Chapitre X, p. 116).

 

La résignation tacite est mentionnée séparément, non comme une peine.

 

Argument 4 : Le canon 188 s’applique à toutes les charges et à tous les clercs, y compris les cardinaux, parce qu’il ne s’agit pas d’une loi pénale.

 

« Bien que les cardinaux ne soient pas soumis à la loi pénale à moins d’être expressément mentionnés [can. 2227 §2], l’auteur croit qu’ils sont soumis aux prescriptions du canon 188 sans une telle mention spéciale, puisque selon son opinion ce canon n’est pas un canon pénal. » (Chapitre X, p. 116).

 

Cet argument s’applique a fortiori à un pape putatif, puisque le canon mentionne « quaelibet officia ».

 

  1. Application spécifique à la défection publique de la foi (canon 188, §4)

 

McDevitt traite cela au chapitre XII, pp. 136-140.

 

Argument 5 : La défection publique de la foi inclut l’hérésie, l’apostasie et probablement le schisme, mais le schisme pur est douteux.

 

Définitions tirées du canon 1325 §2 :

 

« Post receptum baptismum si quis, nomen retinens Christianum, pertinaciter aliquam ex veritatibus fide divina et catholica credendis denegat aut de ea dubitat, haereticus ; si a fide Christiana totaliter recedit, apostata ; si denique subesse renuit Summo Pontifici aut cum membris Ecclesiae ei subiectis communicare recusat, schismaticus est. »

 

Traduction : « Après la réception du baptême, si quelqu’un, retenant le nom de chrétien, nie pertinemment ou doute de quelque vérité à croire de foi divine et catholique, [il est] hérétique ; s’il se retire totalement de la foi chrétienne, [il est] apostat ; si enfin il refuse d’être soumis au Souverain Pontife ou refuse la communion avec les membres de l’Église soumis à lui, il est schismatique. » (Chapitre XII, p. 137).

 

Certains auteurs (Augustine, Blat, Toso, Coronata) excluent le schisme pur ; d’autres (Maroto, Vermeersch-Creusen, Cocchi, Sipos) l’incluent. McDevitt :

 

« Selon l’interprétation stricte […] il faut admettre que le canon ne comprend pas indiscutablement la condition de schisme pur […]. Cependant, on pourrait douter que la loi entende exclure la considération du schisme […]. En pratique, il sera extrêmement rare qu’un cas de schisme pur surgisse […]. Si toutefois un cas de schisme pur surgissait […], l’auteur croit que le clerc ne perdrait pas sa charge par une renonciation tacite […]. » (Chapitre XII, pp. 138-139).

 

Argument 6 : La défection publique ne requiert pas l’adhésion à une secte non catholique.

 

« Il faut noter immédiatement que l’adhésion ou l’inscription à une secte non catholique n’est pas requise pour constituer la publicité que le canon exige. » (Chapitre XII, p. 139).

 

Argument 7 : La publicité est déterminée par le canon 2197 §1, sans un nombre fixe de témoins.

 

« Delictum est publicum, si iam divulgatum est aut talibus contigit aut versatur in adiunctis ut prudenter iudicari possit et debeat facile divulgatum iri. »

 

Traduction : « Un délit est public, s’il est déjà divulgué ou s’il s’est produit ou se trouve dans des circonstances telles qu’on peut et doit prudemment juger qu’il sera facilement divulgué. » (Chapitre XII, p. 139).

 

« Ainsi la défection de la foi peut être publique du fait qu’elle est déjà connue d’une partie notable de la communauté. La loi ne prescrit aucun nombre spécial nécessaire pour constituer une partie notable de la communauté. La détermination de ce point est laissée au jugement prudent de l’homme. […] Outre être publique du fait d’une divulgation actuelle, la défection de la foi peut être publique aussi du fait que les circonstances forcent à conclure qu’elle sera facilement divulguée à l’avenir. » (Chapitre XII, p. 139).

 

Les auteurs s’accordent sur le fait que c’est la publicité requise.

 

Argument 8 : La résignation tacite est indépendante de l’excommunication ou des peines.

 

« Puisque l’auteur soutient l’opinion qu’une renonciation tacite n’est pas de la nature d’une peine, il soutient aussi que les prescriptions du canon 2229 concernant les causes excusantes par référence aux peines latae sententiae ne s’appliquent pas […]. Ainsi l’auteur croit que même si l’on pouvait penser qu’un clerc était excusé d’encourir l’excommunication […], il perdrait néanmoins sa charge par une renonciation tacite. » (Chapitre XII, p. 140).

 

Conclusions tirées de l’œuvre de McDevitt

 

« 8. Une renonciation tacite à une charge ecclésiastique n’est pas une résignation présumée ; c’est une véritable résignation admise par la loi comme équivalente à une renonciation expresse.

 

  1. Une renonciation tacite à une charge ecclésiastique n’est pas une peine, même si certains des actes qui effectuent une telle renonciation sont des actes criminels. Par conséquent, les cardinaux sont soumis aux prescriptions du canon 188. » (p. 156).

 

Cette doctrine montre que la défection publique de la foi, sans adhésion à une secte et avec un seuil plus bas pour la publicité, rend la charge vacante ipso facto, sans déclaration ni intention de la retenir. C’est la doctrine certaine de l’Église avant 1963, en conformité avec la saine raison et la tradition canonique.

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