Le Fait Dogmatique

Sa Nature et sa Relation

avec l’Infaillibilité du Magistère de l’Église Catholique

Table des matières :  

Introduction  

  1. Définition du Fait Dogmatique  
  2. Le Fait Dogmatique en Relation avec l’Infaillibilité du Magistère  

III. Le Fait Dogmatique comme Fruit de l’Infaillibilité, Non comme Source  

  1. Exemples Historiques Illustratifs  
  2. Implications Doctrinales et Pastorales  

Conclusion  

Références Principales  

 

Introduction

 

Le fait dogmatique occupe une place éminente en théologie catholique, car il relie le contingent historique à l’éternelle vérité révélée. Défini comme un fait connexe à la doctrine de foi et de mœurs, il n’est pas révélé en soi, mais acquiert une certitude infaillible par l’intervention du Magistère ecclésial. Sa relation avec l’infaillibilité – privilège divin promis à l’Église pour garder intact le dépôt de la foi (cf. Lc 22, 32) – est intime : le fait dogmatique n’est pas source d’infaillibilité, mais en est le fruit et l’expression concrète. Comme l’enseigne saint Thomas d’Aquin, l’Église, assistée par le Saint-Esprit, ne peut errer dans ce qui touche à la foi. Saint Thomas exprime l’idée en plusieurs endroits (par exemple IIa-IIae, q. 2, a. 6, ad 3 ; q. 5, a. 3 ; q. 1, a. 10). Nous procéderons par ordre logique : définition, lien avec l’infaillibilité, exemples, et implications.

 

  1. Définition du Fait Dogmatique

 

Le fait dogmatique est un événement historique ou un jugement contingent qui, bien qu’il ne fasse pas partie intrinsèque de la révélation primitive, est affirmé par l’Église comme certain et nécessaire à la sauvegarde de la doctrine chrétienne.

Il s’agit d’un fait connexe avec la doctrine révélée, comme l’explique précisément le théologien Charles René Billuart dans son Cursus theologiae (De Fide, diss. 5, art. 3) : « Factum dogmaticum est factum aliquod historicum, vel iudicium contingens, quod non est revelatum in se, sed affirmatur ab Ecclesia tanquam certum fide divina et catholica, quia intime connexum cum revelatione. » (Traduction : Le fait dogmatique est un fait historique quelconque, ou un jugement contingent, qui n’est pas révélé en soi, mais est affirmé par l’Église comme certain de foi divine et catholique, parce qu’il est intimement connexe avec la révélation.)

Cette définition, commune aux docteurs de l’Église, distingue le fait dogmatique des vérités spéculatives pures. Par exemple, l’authenticité des Actes des Apôtres n’est pas révélée directement, mais son affirmation par le Magistère en fait un fait dogmatique. La certitude en découlant est théologiquement certaine, voire de foi divine et catholique si le lien est direct avec un dogme.

 

Pie IX, lettre apostolique Tuas libenter (1863) DH 2879 l’affirme clairement : « persuadere Nobis volumus, noluisse obligationem, qua catholici Magistri ac Scriptores omnino adstringuntur, coarctare in iis tantum, quae ab infallibili Ecclesiae iudicio veluti fidei dogmata ab omnibus credenda proponuntur… sed ad ea quoque extendenda quae ordinario totius Ecclesiae per orbem dispersae magisterio tanquam divinitus revelata traduntur. » (Traduction : Nous voulons nous persuader qu’ils n’ont pas voulu restreindre l’obligation, par laquelle les maîtres et écrivains catholiques sont absolument liés, à ces choses seulement qui sont proposées par le jugement infaillible de l’Église comme dogmes de foi à croire par tous… mais qu’elle doit s’étendre aussi à celles qui sont transmises par le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée dans le monde comme divinement révélées.)

 

Ainsi, le fait dogmatique n’est pas arbitraire, mais exigé par la logique thomiste : le tout (la révélation) ne peut subsister sans ses parties connexes (les faits qui la protègent).

 

  1. Le Fait Dogmatique en Relation avec l’Infaillibilité du Magistère

 

L’infaillibilité, don divin à l’Église pour définir sans erreur les vérités de foi et de mœurs, s’étend aux faits dogmatiques par un lien causal intrinsèque. Le Magistère – papal ex cathedra ou ordinaire et universel – rend infaillible le fait en l’affirmant, non parce que le fait l’est par nature, mais parce que l’assistance du Saint-Esprit garantit l’impeccabilité du juge ecclésial. Si le pape est infaillible en se prononçant sur une vérité révélée ou sur un fait dogmatique intéressant l’Église universelle, il ne l’est pas sur les questions purement scientifiques ou politiques.

 

Cette relation est unidirectionnelle : l’infaillibilité est la cause efficiente du fait dogmatique, non l’inverse. Suarez, dans sa Défense de la foi catholique (Livre IV, chap. 2, n. 10) : « Cum Ecclesia aliquid definit de fide, non solum in rebus immediate revelatis, sed etiam in factis dogmaticis quae ad eas spectant, infaillibilis est. » (Traduction : Lorsque l’Église définit quelque chose de foi, non seulement dans les choses immédiatement révélées, mais aussi dans les faits dogmatiques qui y regardent, elle est infaillible.) L’Église, en définissant, enveloppe en effet les faits connexes dans son privilège divin.

 

Dans la logique thomiste, cela relève de la causalité formelle : le Magistère donne au fait sa forme de certitude infaillible, comme la forme substantialise la matière. Le fait dogmatique n’est donc pas « source » d’infaillibilité – ce serait inverser l’ordre divin –, mais un mode de son exercice visible. On distingue trois cas d’exercice : le Magistère extraordinaire (ex cathedra), l’ordinaire universel, et les jugements sur faits connexes, tous assistés infailliblement.

 

III. Le Fait Dogmatique comme Fruit de l’Infaillibilité, Non comme Source

 

Affirmer que le fait dogmatique serait source d’infaillibilité serait une erreur grave, contraire à la primauté du divin sur l’humain. Au contraire, il en est le fruit : sans l’infaillibilité, le fait reste contingent ; avec elle, il devient pierre angulaire de la foi. Le Dictionnaire de théologie catholique (article « Église » É. Dublanchy, t. IV/2, col. 2175 ss.), admet l’infaillibilité de l’Église dans ce que nous appelons aujourd’hui un fait dogmatique, en s’appuyant sur l’unité de la foi (Somme théologique, IIa-IIae, q. 1, a. 9). En effet les fidèles sont tenus, par nécessité de salut, de croire de telles propositions que l’Église propose. Donc les propositions ecclésiales sur faits dogmatiques obligent en conscience.

 

Cette subordination est évidente dans les controverses : le déni d’un fait dogmatique équivaut à hérésie si proclamé ex cathedra, car il attaque l’infaillibilité elle-même. Ainsi, le fait dogmatique manifeste l’infaillibilité sans la causer ; il en est l’effet, comme la confirmation sacramentelle scelle le baptême sans le produire.

 

  1. Exemples Historiques Illustratifs

 

L’histoire ecclésiale regorge d’exemples où le Magistère infaillible a élevé un fait contingent à la dignité dogmatique :

 

  1. Les cinq propositions de Jansenius furent condamnées comme hérétiques par Innocent X dans la bulle Cum occasione (31 mai 1653), DS 2001–2005. Le fait dogmatique selon lequel ces propositions se trouvent réellement dans l’Augustinus et dans le sens condamné, ne fut défini ultérieurement et infailliblement par Alexandre VII dans Ad sanctam beati Petri sedem (1656) et Regiminis Apostolici (1665). Ces décisions mirent fin à la controverse en imposant l’adhésion à la fois à la condamnation doctrinale et au fait de l’attribution.

 

  1. La Condamnation des Trois Chapitres : Par le IIe Concile de Constantinople (553) et ensuite par le pape Vigile, ce fait dogmatique – la condamnation postérieure d’erreurs antérieures – illustre l’infaillibilité malgré les apparentes contradictions historiques, protégée par l’assistance divine.

 

  1. Le fait que telle personne est pape : Par exemple, le fait que Pie X est vraiment et véritablement le pontife romain, dûment élu et reconnu par l’Église universelle (en 1909), est un fait dogmatique, car il est connexe au dogme que tout pontife dûment élu et reconnu est successeur de Pierre (Encyclopédie Catholique, article « Dogmatic Fact », 1913).

 

  1. Implications Doctrinales et Pastorales

 

Dans notre temps troublé, où des prétentions infaillibles masquent des erreurs modernistes, le fait dogmatique nous invite à la vigilance. Les catholiques vrais, gardiens du dépôt préconciliaire, discernent que seuls les actes du Magistère authentique – jusqu’à Vatican II – confèrent cette certitude. Que cette étude fortifie les âmes contre les illusions, en ramenant à la sainte Église des Apôtres.

 

Conclusion

 

Le fait dogmatique, par sa subordination à l’infaillibilité, révèle la sagesse divine qui lie l’éternel au temporel. Il n’en est pas la source, mais le témoignage éclatant, appelant les fidèles à l’obéissance filiale. Prions pour que Dieu, par Marie Immaculée, préserve Son Église des faux bergers. Si cette étude édifie, qu’elle porte du fruit pour la gloire du Roi des rois.

 

Références Principales :

 

– Denzinger-Schönmetzer, Enchiridion Symbolorum (éd. pré-1963).

– Suarez, Défense de la foi catholique, Livre IV.

– Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1911-1928.

– Billuart, Cursus theologiae, 1747.

 

Que Dieu vous bénisse dans la vérité.

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