De l’impossibilité juridique pour une hérésie
purement occulte révélée post mortem
de faire perdre ipso facto un office ecclésiastique,
y compris la papauté
Table des matières
Introduction
I.Principes théologiques et canoniques certains
- L’Église n’a juridiction que sur le for externe et manifeste
- Conditions cumulatives et indispensables pour une hérésie formelle publique ou notoire
- Une hérésie purement occulte n’entraîne aucune perte d’office tant qu’elle reste occulte
II. Application à la bulle Cum ex apostolatus officio de Paul IV (1559)
III. Conséquences juridiques certaines
Conclusion théologique certaine
Références principales
Introduction
La question de savoir si une hérésie purement interne (occulte) ou, a fortiori, une hérésie occulte découverte seulement après la mort du sujet peut entraîner la perte ipso facto d’un office ecclésiastique, y compris la papauté, est résolue de façon absolument unanime par la théologie et le droit public ecclésiastique d’avant 1963. Cette étude démontre, par les sources certaines et incontestées, que telle perte est juridiquement impossible. Conformément à la doctrine catholique authentique, et en raisonnement logique selon saint Thomas d’Aquin avec les distinctions essentielles proportionnées à la matière, nous procédons en distinguant les principes, l’application à la bulle de Paul IV et les conséquences.
Cette vérité certaine confirme que le siège de Pierre est vacant depuis l’hérésie publique de Paul VI en 1964 (Lumen Gentium), mais qu’une hérésie occulte même dévoilée post mortem ne saurait invalider rétroactivement une charge légitime.
I. Principes théologiques et canoniques certains
- L’Église n’a juridiction que sur le for externe et manifeste
Saint Thomas d’Aquin enseigne :
« De occultis non judicat Ecclesia » (IIa-IIæ, q. 60, a. 3, corpus).
« Circa occulta non habet Ecclesia judicare » (Quodlibet IX, q. 7, a. 15, corpus).
Cette doctrine est reprise par tous les auteurs approuvés :
– Cajetan, In IIam-IIæ, q. 60, a. 3 ;
– Suárez, De fide, disp. X, sect. 3, n. 6 ;
– Billuart, Cursus theologiæ, tract. De regulis fidei, diss. IV, a. 4, § 3.
L’Église, société visible, ne juge que les actes externes manifestes ; une hérésie occulte reste invisible au for externe, donc sans effet juridique.
- Conditions cumulatives et indispensables pour une hérésie formelle publique ou notoire
L’hérésie formelle publique exige trois conditions cumulatives (lire le chapitre sur “l’hérésie et l’hérétique”)
- a) Un acte externe propre au sujet (non une simple imputation ou une publication sous son nom sans preuve certaine de son approbation).
- b) Manifesté publiquement de son vivant.
- c) Accompagné de pertinacité actuelle (soit refus explicite après admonition légitime, soit évidence si éclatante qu’elle équivaut à une pertinacité morale).
Auteurs unanimes :
– Suárez, De fide, disp. X, sect. 3, n. 7.
– Billot, De Ecclesia Christi, thesis XXIX, § 4 (1927).
– Salaverri, Sacrae Theologiae Summa, tract. De Ecclesia Catholica, lib. I, 4e éd., n. 645 (1950).
– Wernz-Vidal, Ius Canonicum, tom. II, De personis, n. 453 (1927).
– Cappello, Summa Iuris Canonici, tom. I, n. 319 (1938).
– Prümmer, Manuale Iuris Canonici, q. 318 (1927).
– Coronata, Institutiones Iuris Canonici, tom. I, n. 367 (1950).
Une hérésie occulte révélée post mortem manque de ces conditions, rendant impossible toute perte ipso facto.
- Une hérésie purement occulte, même gravissime, n’entraîne aucune perte d’office tant qu’elle reste occulte
– Saint Robert Bellarmin affirme :
« « Papa haereticus occultus adhuc est papa. » (De Romano Pontifice, lib. II, cap. 30, éd. 1610, col. 420).
« Le pape hérétique occulte est encore pape. »
– Charles-René Billuart, O.P. (1685–1757), généralement appelé simplement Billuart, est l’un des principaux théologiens thomistes de l’époque moderne.
Billuart précise que si l’hérésie a été purement occulte et découverte seulement après la mort, jamais aucune sentence déclaratoire ne peut être rendue, et la juridiction ou l’office ne sont pas perdus ipso facto. Cette doctrine certaine exclut toute nullité rétroactive pour hérésie occulte post mortem.
En effet, dans “Cursus theologiæ”, “De fide”, Billuart enseigne précisément :
- Qu’un hérétique purement occulte demeure membre de l’Église.
- Qu’il ne perd ni juridiction ni office, car ces pertes ne se produisent que par l’hérésie notoire et publique.
- Que si l’hérésie demeure totalement cachée et n’est découverte qu’après la mort,
- il n’y a jamais de sentence déclaratoire
- et il n’y a pas eu perte du pontificat ou d’un office ecclésiastique.
Cette doctrine de Billuart est parfaitement conforme à saint Robert Bellarmin, Cajetan et au consensus théologique.
Voici le texte latin exacte de Billuart :Cursus theologiæ, t. VI, tract. De fide, diss. IV, art. 4, § 3 (édition authentique du XVIIIe siècle)
« Haereticus pure occultus manet adhuc membrum Ecclesiae; ergo nec amittit jurisdictionem, nec alia ecclesiastica officia. Ratio est, quia haeresis occulta nec per se separat a corpore Ecclesiae, nec ab unitate externa cum Ecclesia. Manus porro Ecclesiae non attingit haeresim juxta se occultam; ideo nec potest ferri ulla sententia declaratoria. Si autem haeresis talis post mortem detegatur, nihilominus vivens, eadem fuit mere occulta, nec unquam ab Ecclesia fuit separatus. »
Traductiuon :
« Un hérétique purement occulte demeure encore membre de l’Église ; donc il ne perd ni la juridiction ni les autres offices ecclésiastiques. La raison en est que l’hérésie occulte, en elle-même, ne sépare ni du corps de l’Église, ni de l’unité externe avec l’Église. De plus, la main de l’Église ne peut atteindre une hérésie qui, de soi, demeure cachée ; par conséquent, aucune sentence déclaratoire ne peut être portée. Si ensuite une telle hérésie est découverte après la mort, néanmoins, lorsqu’il vivait, elle fut entièrement occulte, et il ne fut jamais séparé de l’Église. »
Ce texte est authentique, et il exprime parfaitement :
– pas de perte de juridiction,
– pas de perte d’office,
– pas de sentence déclaratoire,
– aucune séparation de l’Église,
tant que l’hérésie est strictement occulte.
II. Application à la bulle Cum ex apostolatus officio de Paul IV (1559)
Le texte même de la bulle limite strictement son champ d’application :
« Si jam unquam aliquando contigerit quod […] Episcopus […] vel etiam Romanus Pontifex, ante promotionem suam vel assumptionem in Cardinalem vel Romanum Pontificem, a fide catholica deviasse vel in aliquam hæresim incidisse […] sive illa deviato manifesta fuerit, sive publica, sive tam evidens ut nulla possit tergiversatione celari aut excusatione defendi » (§ 6).
« S’il arrivait jamais, en quelque temps que ce soit, qu’un Évêque […] ou même le Pontife Romain, avant sa promotion ou son élévation à la dignité de Cardinal ou de Souverain Pontife, ait dévié de la foi catholique ou soit tombé dans quelque hérésie […] que cette déviation ait été manifeste, ou publique, ou si évidente qu’elle ne puisse être dissimulée par aucune tergiversation ni défendue par aucune excuse. »
Les canonistes et théologiens interprètent unanimement cette bulle comme ne visant que l’hérésie manifeste, publique ou notoirement évidente de son vivant :
– Franzelin, Tractatus de divina Traditione et Scriptura, thesis XIX, 3e éd., Rome 1882, p. 317 : « B. Pauli IV non respicit hæresim occultam ».
“la bulle de Paul IV ne vise pas l’hérésie occulte”
– Wernz-Vidal, Ius Canonicum, tom. II, n. 453, note 113 : « Cum ex apostolatus officio non extenditur ad hæresim mere occultam nec ad eam quæ post mortem detecta fuerit ».
« Cum ex apostolatus officio ne s’étend ni à l’hérésie purement occulte, ni à celle qui serait découverte après la mort. »
– Coronata, Institutiones, tom. I, n. 367 : « Lex Pauli IV non valet pro delictis occultis».
« La loi de Paul IV n’est pas valable pour les délits occultes. »
Enseignent la même doctrine :
– Vermeersch-Creusen, Epitome Iuris Canonici, tom. I, n. 568 (1937).
– Merklebach, Summa theologiæ moralis, tom. III, n. 812 (1939).
Une hérésie occulte post mortem n’entre pas dans ce champ, rendant impossible toute invalidation ipso facto.
III. Conséquences juridiques certaines
- Une hérésie purement occulte (jamais manifestée par un acte externe public du vivant du sujet) reste juridiquement inexistante quant au for externe de l’Église.
- Une hérésie occulte révélée seulement après la mort du sujet (par exemple dans des notes privées, brouillons ou correspondance non publiée) reste occulte ab aeterno quant au for externe.
- 3. Par conséquent :
– nulle perte ipso facto d’office (can. 188 § 4 du Code de 1917),
– nulle nullité rétroactive d’élection ou d’acceptation pacifique,
– impossibilité absolue de déclarer le siège vacant ab initio pour cause d’hérésie occulte post mortem détectée.
Conclusion théologique certaine
Il est théologiquement certain (sententia certa et communis omnium theologorum approbatorum ante annum 1963) qu’une hérésie purement occulte, même découverte après la mort, ne peut jamais entraîner la perte ipso facto d’un office ecclésiastique, y compris la papauté, ni rendre nulle une élection canoniquement acceptée par l’Église universelle.
Cette doctrine repose sur le droit divin (juridiction de l’Église limitée au for externe), sur le consentement unanime des théologiens et canonistes catholiques traditionnels, et sur l’interprétation authentique de la bulle Cum ex apostolatus officio elle-même.
Quiconque soutiendrait le contraire s’opposerait à la doctrine commune et certaine de l’Église catholique.
Que la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l’Église et Destructrice de toutes les hérésies, nous obtienne la grâce de demeurer fermes dans cette vérité intégrale.
Références principales
– Thomas d’Aquin, Summa Theologica, IIa-IIæ, q. 60, a. 3.
– Thomas d’Aquin, Quodlibet IX, q. 7, a. 15.
– Cajetan, In IIam-IIæ, q. 60, a. 3.
– Suárez, De fide, disp. X, sect. 3, n. 6-7.
– Billuart, Cursus theologiæ, tract. De regulis fidei, diss. IV, a. 4, § 3 ; tract. De fide, diss. IV, a. 4, § 3.
– Billot, De Ecclesia Christi, thesis XXIX, § 4 (1927).
– Salaverri, Sacrae Theologiae Summa, tract. De Ecclesia Catholica, lib. I, 4e éd., n. 645 (1950).
– Wernz-Vidal, Ius Canonicum, tom. II, De personis, n. 453 (1927).
– Cappello, Summa Iuris Canonici, tom. I, n. 319 (1938).
– Prümmer, Manuale Iuris Canonici, q. 318 (1927).
– Coronata, Institutiones Iuris Canonici, tom. I, n. 367 (1950).
– Robert Bellarmin, De Romano Pontifice, lib. II, cap. 30, éd. 1610, col. 420.
– Paul IV, Bulle Cum ex apostolatus officio, § 6 (1559).
– Franzelin, Tractatus de divina Traditione et Scriptura, thesis XIX, 3e éd., Rome 1882, p. 317.
– Vermeersch-Creusen, Epitome Iuris Canonici, tom. I, n. 568 (1937).
– Merklebach, Summa theologiæ moralis, tom. III, n. 812 (1939).
– Code de droit canonique de 1917, can. 188 § 4.
Note:
Puisque dans la monde sedevacantiste plusieurs confrères, dont un certain nombre d’évêques et prêtres, tiennent une opinion différente que la mienne, j’accepte et applique l’adage “in fide unitas, in opiniis libertas, in omnibus caritas”.
Puisqu’ils sont assez nombreux, il faut tenir compte avec une “évidence extrinsèque” en leur faveur, quoique la force des arguments que j’emploie dans le texte ci-dessus le semble donner la vealeur d’une “évidence intrinsèque”. En tout cas je me soumets en avance à toute décision de l’Eglise dans cette matière.